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véritables principes, nous trouverons qu'il n'est rien de plus digne d'un Dieu venant sur la terre, que de confondre par sa pauvreté le faste ridicule des enfans d'Adam, de les désabuser des vains plaisirs qui les enchantent, et enfin de détruire par son exemple toutes les fausses opinions qui exercent sur le genre humain une si grande et si injuste tyrannie. A fond.Voici l'ordre qu'il y tient. Le monde a deux moyens pour nous captiver : il a premièrement de fausses douceurs qui surprennent notre foiblesse; il a aussi des armes, des terreurs qui abattent notre courage. Il est des hommes délicats qui ne peuvent vivre que dans les plaisirs, dans le luxe, dans l'abondance. Il en est d'autres qui nous diront: Je ne demande pas ces grandes richesses, mais la pauvreté m'est insupportable; je me défendrois bien des plaisirs, mais je ne puis souffrir les douleurs; je n'envie pas le crédit de ceux qui sont dans les grandes intrigues du monde, mais il est dur de demeurer dans l'obscurité. Le monde gagne les uns, et il épouvante les autres. Tous deux s'écartent de la droite voie ; et tous deux enfin viennent à ce point que celui-ci, pour obtenir les plaisirs sans lesquels il s'imagine qu'il ne peut pas vivre, et l'autre, pour éviter les malheurs qu'il croit qu'il ne pourra supporter, s'engagent entièrement dans l'amour du monde.

C'est pour cela, chrétiens, que Jésus-Christ est venu comme le réformateur du genre humain, comme le docteur véritable qui nous vient donner la science des biens et des maux, et ôter par ce moyen les obstacles qui nous empêchent d'aller à Dieu et de nous contenter de lui seul : Et hoc vobis signum : « Et voilà le signe que l'on vous en donne. » Allez à l'étable, à la crèche, à la misère, à la pauvreté de ce Dieu enfant. Ce ne sont point ses paroles, c'est son état qui vous prêche et qui vous enseigne. Si les plaisirs que vous cherchez, si la gloire que vous admirez étoit véritable, quel autre l'auroit mieux méritée qu'un Dieu? ou qui l'auroit plus facilement obtenue? Quelle troupe de gardes l'environneroit ! Quelle seroit la beauté et la magnificence de sa Cour! quelle pourpre éclateroit sur ses épaules! Quel or reluiroit sur sa tête! Quelles délices lui prépareroit toute la nature, qui obéit si ponctuellement à ses ordres! Ce n'est point sa pauvreté et son indigence qui l'a privé des dé

lices (a); il les a volontairement rejetées. Ce n'est point sa foiblesse, ni son impuissance, ni quelque coup imprévu de la fortune ennemie (b) qui l'a jeté dans la pauvreté, dans les douleurs et dans les opprobres; il a choisi cet état (c). Il a donc jugé que ces biens, ces contentemens, cette gloire étoit indigne de lui et des siens. Il a cru que cette grandeur étant fausse et imaginaire, feroit tort à sa véritable excellence. Il a vu, du plus haut des cieux, que les hommes n'étoient touchés que des biens sensibles et des pompes extérieures. Il s'est souvenu en ses bontés qu'il les avoit créés au commenccment pour jouir d'une plus solide félicité. Touché de compassion, il vient en personne les désabuser (d) de ces opinions, non moins fausses et dangereuses qu'elles sont établies et invétérées. Et voyant qu'elles ont jeté dans le cœur humain de si profondes racines, pour les arracher tout à fait (e) il se jette aux extrémités opposées et montre le peu d'état qu'il en fait. Il a peine à trouver un lieu assez bas par où il puisse faire son entrée au monde; il trouve une étable abandonnée, c'est là qu'il descend. Il prend tout ce que les hommes évitent, tout ce qu'ils craignent, tout ce qu'ils méprisent, tout ce qui fait horreur à leurs sens : si bien que je me représente sa crèche, non comme un berceau indigne d'un Dieu, non, mais comme un char (f) de triomphe où il traîne après lui le monde vaincu. Là sont les terreurs surmontées, et là les douceurs méprisées; là les plaisirs rejetés, et ici les tourmens soufferts; (g) et il me semble qu'au milieu d'un si beau triomphe, il nous dit avec une contenance assurée : « Prenez courage, j'ai vaincu le monde :> Confidite, ego vici mundum 1, parce que par la bassesse de sa naissance, par l'obscurité de sa vie, par la cruauté et l'ignominie de sa mort, il a effacé tout ce que les hommes estiment (4), et désarmé tout ce qu'ils redoutent: Et hoc vobis signum: « Voilà le signe que l'on vous donne pour reconnoître notre Sauveur. »

Les Juifs espèrent un autre Messie qui les comblera de prospérités, qui leur donnera l'empire du monde et les rendra contens sur 1 Joan., XVI, 33.

(a) Var. Plaisirs. (b) Contraire. (c) П les a choisis.— (d) Les désabuser non par sa doctrine, mais par ses exemples. - (e) Pour nous en retirer par un grand effort. (f) Chariot. (9) Note marg. Les richesses, etc. Rien n'y manque, tout est complet. — (h) Var.: Admirent.

la terre. Ah! combien de Juifs parmi nous! combien de chrétiens qui désireroient un Sauveur qui les enrichît, un Sauveur qui contentât leur ambition, qui voulût flatter leurs passions ou assouvir leur vengeance! Ce n'est pas là notre Christ et notre Messie. A quoi le pouvons-nous reconnoître? Ecoutez; je vous le dirai par les belles paroles de Tertullien: Si ignobilis, si inglorius, si inhonorabilis, meus erit Christus1: «S'il est méprisable, s'il est sans éclat, s'il est bas aux yeux des mortels, c'est le Jésus-Christ que je cherche. » Il me faut un Sauveur qui fasse honte aux superbes, qui fasse peur aux délicats, que le monde ne puisse goûter, que la sagesse humaine ne puisse comprendre, qui ne puisse être connu que par les humbles de cœur. Il me faut un Sauveur qui brave pour ainsi dire, par sa généreuse pauvreté, nos vanités ridicules, extravagantes, enfin qui m'apprenne par son exemple qu'il n'y a rien de grand que de suivre Dieu et mépriser tout le reste. (a) Le voilà, je l'ai rencontré, je le reconnois à ces belles marques. Vous l'avez connu, mes chères sœurs, puisque vous avez aimé son dépouillement, puisque sa pauvreté vous a plu, puisque vous l'avez épousé avec tous ses clous, toutes ses épines, avec toute la bassesse de sa crèche et toutes les rigueurs de sa croix. Mais nous, mes frères, que choisirons-nous?

Il y a deux partis formés : le monde d'un côté, Jésus-Christ de l'autre. Là les délices, les réjouissances, l'applaudissement, la faveur; vous pourrez vous venger de vos ennemis, vous pourrez posséder ce que vous aimez, vous trouverez partout un visage gai et un accueil agréable. Qu'on vous aimeroit, mon Sauveur, si vous vouliez donner de tels biens aux hommes! Que vous seriez un grand et un aimable Sauveur, si vous vouliez nous promettre de nous sauver de la pauvreté ! Il ne faut pas s'y attendre. — Permettez-moi seulement que je contente cette passion ou que je puisse venger cette injure. - Non, il punira même un regard trop libre, une parole échauffée et les secrets mouvemens de la haine 1 Tertull., Advers. Marcion., lib. III, n. 17.

(a) Note marg.: Que la superbe philosophie cherche bien loin des raisonnemens pour découvrir la vanité des choses humaines, qu'elle les étende avec pompe, combien ses argumens sont-ils éloignés de la force de ces deux mots : Un Dieu est pauvre!

et de la colère. Le bien d'autrui. (a) Le Jubilé. Qui pourroit souffrir un maître si rude?

Mon Sauveur, vous êtes trop incompatible, on ne peut s'accommoder avec vous, la multitude ne sera pas de votre côté. Aussi, mes frères, ne la veut-il pas. C'est la multitude qu'il a noyée par les eaux du déluge; c'est la multitude qu'il a consumée par les feux du ciel; c'est la multitude qu'il a abîmée dans les flots de la mer Rouge (b); c'est la multitude qu'il a réprouvée, autant de fois qu'il a maudit dans son Evangile le monde et ses vanités. C'est pour engloutir cette malheureuse et damnable multitude dans les cachots éternels, que « l'enfer, dit le prophète Isaïe1, s'est dilaté démesurément; et les forts et les puissans, et les grands du monde s'y précipitent en foule. » O monde ! ô multitude! ô troupe innombrable! je crains ta société malheureuse! Le nombre ne me défendra pas contre mon juge; la troupe (c) des témoins ne me justifiera pas ; ma conscience....: je crains que mon Sauveur ne se change en juge implacable: Sicut lætatus est Dominus super vos bene vobis faciens atque multiplicans, sic lætabitur disperdens vos atque subvertens. Quand Dieu entreprendra d'égaler sa justice à ses miséricordes et de venger ses bontés si indignement méprisées, je ne me sens pas assez fort pour soutenir l'effort redoutable, ni les coups incessamment redoublés d'une main si rude et si pesante. Je me ris des jugemens des hommes du monde et de leurs folles pensées. J'aspire à être du petit nombre de ceux que Dieu appellera en ce dernier jour: Vous qui n'avez pas eu honte de ma pauvreté, vous qui n'avez pas refusé de porter ma croix, petit nombre de réserve, troupe d'élite, venez prendre part à ma gloire, entrez dans mon banquet éternel. Aimez donc la pauvreté de Jésus. Qui n'est pas pauvre en ce monde, l'un en santé, l'autre en biens; l'un en honneurs, et l'autre en esprit? Aussi n'est-ce pas ici que les biens abondent. C'est pourquoi le monde, pauvre en effets, ne débite que des 1 Isa., v, 14. - Deuter., XXVIII, 63.

(a) Note marg. Le passage est ainsi conçu dans le troisième point du sermon précédent, p. 260:- Le bien de cet homme m'accommoderoit; je n'y ai point de droit, mais j'ai du crédit : N'y touchez pas, ou vous êtes perdu. (¿) Var.: Ensevelie dans les abîmes de la mer Rouge. (c) Foule.

espérances; c'est pourquoi tout le monde désire : tous ceux qui désirent sont pauvres et dans le besoin. Aimons cette partie de la pauvreté qui nous est échue en partage, pour nous rendre semblable à Jésus-Christ. Chrétiens, au nom de Celui « qui étant si riche par sa nature, s'est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté 1,» détrompons-nous des faux biens du monde; compronos que la crèche de notre Sauveur a rendu pour jamais toutes nos vanités ridicules. Oui certes, ô mon Sauveur JésusChrist, tant que je concevrai bien votre crèche et vos saintes humiliations, les apparences du monde ne me surprendront point par leurs charmes, elles ne m'éblouiront pas par leur vain éclat; et mon cœur ne sera touché que de ces richesses inestimables que votre glorieuse pauvreté nous a préparées dans la félicité éternelle.

TROISIÈME SERMON

POUR

LE JOUR DE NOEL (a}.

Celui-ci, cet enfant qui vient de naître, dont les anges célèbrent la naissance, que les bergers viennent adorer dans sa crèche, que les Mages viendront bientôt rechercher des extrémités de l'Orient, que vous verrez dans quarante jours présenté au temple et mis entre les mains du saint vieillard Siméon : « Cet enfant, dis-je, est établi pour la ruine et pour la résurrection de plusieurs dans 1 II Cor., VIII, 9.

(a) Prêché dans la cathédrale de Meaux, le jour de Noël 1691.

Un de ces rares sermons que Bossuet désignoit par ces mots : « Ecrit après avoir dit, » c'est-à-dire tracé sur le papier après avoir été prêché.

Le manuscrit n'offre qu'un abrégé du discours : « Cette copie faite de ma main, dit l'abbé Ledieu, est l'original mème du sermon dont l'auteur n'avoit rien écrit, et qu'il me dicta depuis à Versailles en deux ou trois soirées, pour Jouarre, où il l'avoit promis. Il l'y envoya en effet à Mme de Lusancy Sainte-Hélène, religieuse, avec la lettre qu'il lui écrivit de Versailles le 8 janvier 1692, la chargeant de renvoyer cet original fait pour elle, quand elle en auroit pris copie. »

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