FABLE VILL Le Rieur les Poiffons. ON cherche les Rieurs, & moi je les évite. Cet art veut fur tout autre un fuprême mérite. Les (1) méchans difeurs de bon mots. Que quelqu'un trouvera que j'aurai réuffi. (1) Gens d'un efprit fade,pe- ; très-infipides comme quelque fant & fuperfie el, qui crovant l'avoir agréable vif profond & délicat, nous débitent hardiment des pensées vulgaires & chofe d'exquis & de véritablement plaifant dont ils rient tous les premiers. D'un Financier, & n'avoit en fon coin Que de petits poiffons: tous les gros étoient loin. Il prend donc les menus, puis leurs parle à l'oreille; Et puis il feint à la pareille D'écouter leur réponse. On demeura furpris, Le Rieur alors d'un ton fage, Dit, qu'il craignoit qu'un fien ami N'eût depuis un an fait naufrage. Il s'en informoit donc à ce menu fretin, Mais tous lui répondoient qu'ils n'étoient point d'un âge A favoir au vrai fon deftin : Les gros en fauroient davantage. N'en puis-je donc, Meffieurs, un gros interroger De dire fi la compagnie Prit goût à fa plaifanterie J'en doute: mais enfin il les fut engager Et nus, Qui n'en étoient pas revenus; que depuis cent ans, fous l'abyfme avoient vûs Les anciens du vaste Empire. FABLE IX. Le Rat Huître. UN Rat,hôte d'un champ,Rat de peu de cervelle, Des Lares paternels un jour fe trouva fou. Si-tôt qu'il fut hors de la cafe, (1) Hautes montagnes qui regnent le long de l'Italie, Certes Certes, dit-il, non pere étoit un pauvre Sire: N'étant pas de ces Rats, qui, les Livres rongeans, Parmi tant d'Huîtres toutes clofes, Une s'étoit ouverte, & baillant au Soleil, Par un doux Zéphir réjouie, Humoit l'air, refpiroit, étoît épanouie, Se referme ; & voilà ce que fait l'ignorance. Cette Fable contient plus d'un enfeignement. Que ceux qui n'ont du monde aucune expérience, (2) On m'a affuré qu'il eft affez ordinaire de voir des Rats qui ont actuellemant donné dans ce piége. Mais la Fable Tom. II. n'eft pas moins ingénieuse, xi moins inftructive, pour être fondée fur la vérité. E FABLE X. L'Ours & l'Amateur des Jardins. Certain Ours montagnard, Ours à demi lêché, Confiné par le Sort dans un bois folitaire, Nouveau (1) Bellerophon, vivoit feul & caché Il fut devenu fou la rafon d'ordinaire : N'habite pas long-tems chez les gens fequeftrés: (1) Prince valeureux, qui après avoir mis à fin les plus terribles aventures, accable d'u ne noire mélancolie, fe retira dans un defert, dit Homere, pour rompre tout commerce avec les hommes. Je n'ai garde de mettre ici les paroles du Poëte. Du Grec! Et qui s'attendroit à voir du Grec dans des Notes fur les Fables de la Fontaine; Cette bigarrure choqueroit infailliblement la fleur des plus beaux efprits de ce fiecle. |