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» mêmes, j'ose dire que vous ne regardez non plus » que moi, toutes ces expressions tirées de l'an» cienne poésie, que comme le coloris du tableau, >> et que vous envisagez principalement le dessein » et les pensées de l'ouvrage, qui en sont comme » la vérité, et ce qu'il y a de plus solide ».

Bossuet avoit une telle antipathie pour cette recherche affectée des expressions de l'antiquité, qui tendoit à dénaturer le caractère auguste et sacré d'une religion si supérieure aux inventions des hommes, qu'il ne pouvoit supporter qu'on employât le mot de divus au lieu de celui de sanctus, pour distinguer ces héros du christianisme, dont l'Eglise a consacré les vertus et la sainteté par des honneurs publics. Il écrivoit le 9 février 1679 à l'abbé Nicaise de Dijon: « Les auteurs exacts n'approuvent pas qu'on se serve du mot de divi >> pour dire les saints, quoique les catholiques s'en » soient servis aussi bien que les protestans (1) ».

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(1) On peut juger par ce seul trait, avec quelle indignation Bossuet se seroit élevé contre l'affectation peu décente du cardinal Bembo, et de quelques cicéroniens du xvi.* siècle, qui ne pouvoient consentir à admettre, même dans le langage ecclésiastique, aucune expression qui ne fût empruntée de Ciceron ou des auteurs du siècle d'Auguste. C'est ainsi qu'en parlant de la sainte Vierge, ils l'appeloient la Déesse immortelle, au lieu de lui donner les titres que l'Eglise lui a déférés; et que ne trouvant dans Cicéron, ni dans les auteurs du même âge, le

Au reste, Santeuil trouva des défenseurs auprès de Bossuet, parmi les amis de Bossuet même. Fénélon lui écrivoit : « Faites des Pomones, tant

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qu'il vous plaira, pourvu que vous en fassiez >> ensuite autant d'amendes honorables, ce sera » double profit pour nous, la faute et la répara

» tion ».

Le sage, le grave abbé Fleury alloit encore plus

loin. Il se déclaroit hautement l'admirateur et l'apologiste de la Pomone de Santeuil; il lui écrivoit le 17 février 1690: « Je ne vois pas pourquoi » vous auriez à rougir de la charmante pièce » que vous avez dédiée à notre La Quintinie. Je l'ai, non-seulement lue avec un extrême plaisir, » mais je me suis empressé de la faire lire à notre » jeune prince (M. le duc de Bourgogne) et à »notre illustre Fénélon. Tous les deux en ont » été enchantés; tous les deux sont convenus que » vous n'aviez jamais parlé la langue des latins » avec plus d'élégance et de douceur. L'ame de Virgile lui-même semble respirer dans vos vers. » Si le sujet de votre poème n'est pas précisément » un sujet religieux, on peut dire cependant que >> vous avez évité de lui donner un caractère trop » profane. On n'y voit que la description sim

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mot excommunicatio, ils le traduisoient selon l'acception des anciens par interdictio aquá et igni.

» ple et gracieuse des beautés et des charmes de la >> nature. On n'y trouve rien qui offense les mœurs, >> tout au contraire y montre la décence et l'hon» nêteté; et si on y rencontre les noms des déesses » et des nymphes, les regards ni l'imagination.

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>>

n'y sont blessés par la peinture de leurs coupables amours. Pourquoi seriez-vous obligé » d'être plus grave et plus religieux que le père » Rapin lui-même ».

Et lorsque Santeuil eut adressé à l'abbé Fleury un exemplaire de son amende honorable, pour la mettre sous les yeux de Bossuet, il s'empressa de lui répondre (1) :

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«

Que n'étiez-vous ici, mon cher Santeuil, lorsque j'ai lu votre ouvrage à notre évêque de » Meaux! Vous auriez vu son étonnement, et » son front se dérider à l'aspect de la vignette » qui représente la pompe solennelle avec laquelle vous abjurez les muses profanes. Mais, » à parler sérieusement, il a applaudi à vos vers, après les avoir lus. Je ne regrette point la sé» vérité qu'il vous a montrée, puisqu'elle nous » valu un de vos meilleurs ouvrages. Il trouve » même celui-ci supérieur à l'autre.

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>>

» Mais je ne me rétracte point, et je pense

(1) Le 13 avril 1690. Les deux lettres de l'abbé Fleury à Santenil sont en latin.

» encore fermement que votre Pomone ne méri» toit ni l'extrême rigueur avec laquelle il vous » a condamné, ni l'humble abaissement avec le» quel vous expiez une faute que vous n'avez pas » commise. Cependant je vous félicite sincère>>>ment d'avoir consenti à pécher par excès d'hu» milité, pour échapper à l'estimable inquiétude >> d'avoir pu blesser, sans le vouloir, la sainte » majesté de la religion, ou même l'opinion d'un » si grand homme ».

On peut croire que la répugnance de Bossuet pour l'usage des fables et des expressions de la mythologie étoit principalement fondée sur l'abus qu'on en a fait trop souvent, pour enflammer les passions d'une jeunesse imprudente, et porter la séduction dans des imaginations trop faciles à recevoir toutes les impressions. L'admirateur passionné d'Homère et de Virgile ne pouvoit pas être un censeur chagrin, ou prévenu.

Mais indépendamment de cette considération morale, déjà si puissante pour un évêque, il ne seroit pas étonnant que Bossuet se fût formé une poétique raisonnée, qu'il auroit su appuyer de grands exemples, et d'autorités assez imposantes pour balancer les reproches des admirateurs les plus passionnés de la mythologie grecque.

On ne dira certainement pas que l'homme qui

seul avoit mieux jugé Athalie, que tout le reste de ses contemporains, à l'exception de Boileau, fût étranger au génie de la poésie, et n'eût pas le droit d'indiquer les sources où elle doit puiser ses véritables beautés.

Il ne seroit pas même étonnant que des hommes moins austères que Bossuet, frappés de l'inspiration sublime et de la magnificence de pensées, d'images et d'expressions que Racine a répandues dans Athalie et Esther, et J. B. Rousseau dans ses odes sacrées, ne se décidassent à donner la préférence au systême poétique de Bossuet, si on les condamnoit à un choix exclusif.

Parmi les amis que Bossuet s'étoit attachés à Versailles, et qu'il attiroit souvent à Germigny, nous ne rappelons pas les noms de tant d'évêques et d'ecclésiastiques, que l'estime, le respect et la confiance amenoient sans cesse auprès de lui, pour consulter cet oracle de l'Eglise de France. Nous parlerons encore moins des rapports si intimes qui unirent si long-temps Bossuet et Fénélon. Nous approchons de l'époque de notre histoire où ces deux noms se trouveront souvent placés l'un auprès de l'autre heureux, si nous ne devions jamais les rencontrer en opposition.

Cette réunion d'hommes remarquables par des

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