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même dans l'histoire et la littérature ancienne, il est, je crois, le premier qui ait employé ces connoissances avec méthode à l'explication de notre auteur. Souvent, il est vrai, il se livre trop à ses conjectures; il a le défaut bien plus grave de vouloir souvent expliquer l'antiquité payenne par l'antiquité sacrée, de chercher des étymologies grecques et latines dans le flamand et dans l'hébreu; mais son travail n'en est pas moins très-précieux, et il est même indispensable à tout interprète d'Horace qui veut connoître à fond son auteur *.

Torrentius (Van der Becken) étoit de Gand; il fut évêque d'Anvers, et mourut nommé à l'archevêché de Malines. Moins hardi que Cruquius dans ses conjectures, il en a offert quelquefois de trèsplausibles que d'autres ont développées sans le citer. Il n'a point eu d'aussi bons Mss. que Cruquius, et s'est moins livré à la critique; mais il étoit encore

* L'Horace de Cruquius a été réimprimé plusieurs fois : je me suis servi de l'édition de 1597, faite après sa mort, et où se trouvent joints pour la première fois son Auctarium et le Commentariolus de J. Dousa. Ce n'est pourtant pas celle que les bibliographes nomment classique; ils accordent ce titre à l'édition de 1611; mais je n'ai pu deviner pourquoi. Après les avoir confrontées, je puis assurer que l'édition de 1611 a copié ligne pour ligne celle de 1597 dans tout ce qui est paginé, de manière que le même index sert à l'une et à l'autre. Cette copie de 1611 est si exacte que, pour m'assurer que ce n'étoit pas l'édition de 1597 avec un nouveau titre, je n'ai eu d'autre moyen que de confronter les passages grecs, où les ligatures sont en effet différentes. L'édition de 1597 a cependant quelque avantage sur l'autre pour la beauté de l'exécution.

plus savant. Il avoit approfondi l'histoire romaine, et fut un des plus habiles jurisconsultes de son tenips. Dacier a puisé dans ses commentaires une grande partie de son érudition, et n'en a pas toujours averti. On lui a reproché d'avoir manqué du sens poétique, quoiqu'il eût fait lui-même beaucoup de vers, mais ce défaut étoit celui de la plupart des érudits de son siècle qui n'étoient pas très-renommés pour la délicatesse de leur goût*.

Le jésuite Rodeille, qui entreprit, sans mission, de commenter Horace à l'usage du Dauphin, moins savant que les deux interprètes déjà nommés, avoit peut-être plus d'esprit et de véritables lumières. Son commentaire est court, mais plein de sens, et il ne laisse pas d'offrir quelquefois des conjectures ingénieuses et qui n'appartiennent qu'à lui **.

Le commentaire de Dacier est très- connu. On sait que c'est celui de tous où l'érudition est déployée avec le plus grand luxe. Dans ce qui tient à l'histoire, il suit tantôt Torrentius et tantôt Le Fèvre, son beau-père. Il a aussi profité des recherches qu'il avoit été obligé de faire pour son commentaire sur Festus, et l'on reconnoît à chaque instant qu'il possédoit une immense lecture. Il est fâcheux qu'à tant d'avantages il n'ait pas joint un jugement plus

* On a réimprimé aussi plusieurs fois l'Horace de Torrentius. La première édition est de 1608; c'est celle que j'ai consultée Torrentius étoit mort quand on la donna, et il n'avoit même pas eu le temps de commenter l'Art poétique. On y a suppléé par le Commentaire de Nannius.

** Je me suis servi de l'édition originale; Toulouse, 1683.

sain. Comme Cruquius, il cherche sans cesse à expliquer la mythologie par la Bible; rempli d'un aveugle enthousiasme pour Horace, excepté dans ce qu'il appelle l'affreuse corruption de son cœur, il est souvent si pressé de le justifier, qu'il ne prend prend pas la peine d'examiner préalablement si le grief est véritable. Chose plus étonnante! quoiqu'on ne puisse lui refuser d'avoir connu en détail les mœurs romaines, il semble, à la manière dont il les juge et les présente, qu'il n'en connoissoit pas l'esprit ; et il a su encore moins saisir l'esprit d'Horace, qui n'avoit aucune analogie avec le sien*.

Sanadon, sous ce rapport, étoit bien plus propre que Dacier à commenter notre poète. Je ne dirai pas qu'il fût poète lui-même, malgré les poésies qu'il a publiées, malgré l'étude approfondie qu'il avoit faite de la versification latine, malgré son audace à en donner des leçons à son auteur; mais il étoit homme d'esprit, homme du monde même, autant que son état le permettoit. Il avoit consulté avec soin ses prédécesseurs ; il leur fait des emprunts avec discernement, et les réfute d'une manière solide. Il est le premier qui ait commenté Horace avec succès sous le rapport de la critique littéraire : voilà ce qui donne du prix à son édition. C'est grand dommage que, pour la partie historique qui nous occupe, il ait poussé trop loin la subtilité, l'esprit

* Les éditions de l'Horace de Dacier sont en grand nombre; je me suis servi de celle de La Haye, 1727, faite après sa mort, et où se trouvent ses réponses à Masson et à Bentley.

de système; qu'il ait donné souvent pour des découvertes les chimères de son imagination, et que, moins aveugle que Dacier sur le mérite personnel d'Horace, il ne l'ait guère mieux connu*.

Après ces deux Français sont venus deux Allemands qui ont entrepris de nouveaux commentaires sur Horace, munis de toute la doctrine philologique que l'on puise dans leurs écoles, et guidés, dans la manière d'en tirer parti, par l'esprit supérieur de deux de leurs compatriotes, Lessing et Wieland. M. Mitscherlich offre dans ses argumens des résultats bien plus solides que ceux de Sanadon et de Dacier il se montre bien autrement familier avec le caractère et l'esprit d'Horace. Mais la partie his-, torique n'est pas celle qu'il a traitée dans son édition** avec le plus d'étendue; et, sous ce rapport, on doit

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* J'ai cru ne pouvoir consulter Sanadon avec sûreté que dans son édition in-4.o, donnée par lui-même en 1728. L'édition de 1756, publiée vingt-trois ans après sa mort, en diffère sur plusieurs points importans. On prétend l'avoir corrigée d'après les papiers que ce jésuite laissa en mourant; mais les réviseurs ne s'étant pas nommés, j'ignore quel degré de confiance ils méritent. Je donne ailleurs mon opinion sur la manière dont Sanadon a bouleversé l'ordre des poésies d'Horace. Quant aux mutilations qu'il a fait subir à son auteur, elles sont pour la plupart inexcusables. Rodeille, quoique jésuite, avoit été beaucoup plus modéré. Il est vrai que Sanadon a bien pris sa revanche dans la petite édition toute latine' donnée aussi en 1728; il n'y manque pas une syllabe, quoiqu'elle porte pareillement son nom.

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Leipsic, 1800. Il n'en a encore paru que deux volumes qui contiennent les Odes.

lui préférer M. Wetzel. Ce savant estimable ne s'est pas contenté des argumens qu'il a placés, comme M. Mitscherlich, à la tête de chaque pièce. Dans un second volume, il a donné une Vie d'Horace trèsétendue, une Histoire Romaine de cette époque, et plusieurs index, dont celui qu'il intitule Index nominum présente de nouveaux renseignemens sur tout ce qui a rapport à l'histoire, à la géographie et à la mythologie. Les argumens renvoient, selon que la chose le demande, ou à la vie, ou à l'histoire, ou a l'index, méthode qui rachète bien l'espèce d'incommodité qu'elle cause, par l'avantage de diminuer le volume de l'ouvrage en épargnant de nombreuses répétitions. Ce travail n'est peut-être pas sans défauts. L'auteur cite plusieurs fois des poètes allemands peu connus aujourd'hui, même de ses compatriotes; il n'est pas exempt de ces accès de colère philologique communs à la plupart des érudits, et les commentateurs français en particulier ne sont pas toujours traités par lui avec toute la décence convenable. Mais en général il procède avec autant de sagesse que de lumières. Son édition m'a été extrêmement utile, et c'est une de celles que je crois devoir recommander aux amateurs d'Horace qui ne se contentent pas du commentaire de J. Bond*.

* L'Horace de M. Wetzel a paru à Liegnitz, en 1799; il forme deux tomes in-8.o qui peuvent facilement se relier en un volume, et dont le prix n'est pas très-haut. Je regrette beaucoup que son aspect très-peu flatteur ne me permette pas de la recommander aux bibliomanes comme aux gens de lettres. Je ne dois pas oublier que les notes en petit nombre qui se

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