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Retz, Mascaron, Lemaître, Patru, Chapelain, La Rochefoucauld, Madame de La Fayette, Molière. Nous avons déjà caractérisé cette époque, préparatoire sous quelques rapports, mais qui, en même temps, a vu éclater des génies si distingués.

La seconde période se trouve renfermée entre des limites assez difficiles à préciser. On pourrait cependant la comprendre entre 1670 et 1699. A son ouverture, le dix-septième siècle a achevé ses humanités. Il a fait davantage. Descartes, Pascal, Corneille ont ennobli et fixé la langue par l'usage qu'ils en ont fait, et élevé le niveau des esprits. La religion de la forme n'est plus une superstition; la pédanterie s'efface; la France littéraire représente assez bien un écrivain habile, chez lequel l'art, fruit à la fois d'un instinct heureux et d'un travail assidu, est redevenu instinct, et même seconde nature. Mais l'équilibre ne dure pas longtemps chez tout artiste un moment arrive où la seconde nature l'emporte sur la première.

Si nous passons à des circonstances plus générales, nous verrons la nation se reposer de ses agitations dans un despotisme glorieux. L'homme aime la liberté sans doute, mais non pas d'un amour exclusif; il y connaît plusieurs suppléments, et la gloire est un des plus amples; on oublie assez longtemps la liberté lorsqu'on parvient à la gloire. Asservi dans sa perșonne, chacun se sentait membre d'une nation glorieuse et libre devant l'étranger; on jouissait, en qualité de Français, de ce qu'on ne possédait pas

comme individu. Les tumultes de la Fronde n'avaient guère été qu'une turbulence sans but; ce n'était pas la poursuite réfléchie de la liberté, c'était l'imbécillité populaire au service de l'étourderie des grands. Sous Louis XIV, nous voyons de l'ordre. Non qu'en elle-même la liberté soit contraire à l'ordre; en un sens, elle est l'ordre même, elle en est au moins l'un des éléments. Mais, à défaut de liberté, l'ordre existait dans une certaine mesure. Il y a des temps où cet avantage est si précieux qu'il vaut la peine d'être acheté très cher. Il faut des traditions; les traditions deviennent des habitudes; l'homme ne peut se passer d'habitudes. Les traditions s'affermissent et durent, surtout dans les classes intermédiaires. La noblesse se vante, en général, d'en posséder le dépôt; mais il ne lui appartient point exclusivement, et, à cette époque, il est regrettable que nous ne puissions connaître que par certains résultats généraux ce qui se passait dans les classes moyennes. Lorsque nous voyons surgir, dans les arts, dans la magistrature, des hommes nouveaux, il faut bien qu'ils sortent de cette bourgeoisie dont on parlait si peu, ou dont on ne parlait que pour se moquer. Elle avait des préjugés sans doute, mais elle avait aussi des principes, et il faut l'avouer, il y a des préjugés qui, pour un temps, peuvent tenir lieu de principes. Le désordre ne régnait que trop dans les classes élevées de la société ; mais il y avait de la solidité, de la suite, des mœurs dans la classe intermédiaire. En étudiant la vie, et surtout le début de plusieurs hommes distin

gués, on sent le prix de l'éducation mâle et à la fois éminemment littéraire de cette époque. Sous le gouvernement fort de Richelieu, toutes les études avaient fleuri; celle de l'antiquité s'était faite avec plus d'intelligence. On n'a pas assez remarqué combien la discipline des mœurs dans l'éducation forme les esprits. Peut-être la direction suivie alors n'était-elle pas assez scientifique; nous avons vu qu'on n'avait guère qu'une sorte d'esprit. Mais, pour former la jeunesse, il est douteux que cela ne vaille pas tout autant; la culture littéraire est plus humaine que la culture scientifique. Il est des époques qui doivent leur beauté aux influences littéraires et philosophiques qui y ont prédominé.

Dans tous ses éléments, ce siècle est conservateur; il prépare par la politesse des mœurs et de l'esprit la liberté des âges futurs, l'indépendance de la pensée. C'est une partie de la civilisation préludant à l'autre, le chapitre premier avant le chapitre second.

C'est ici que vont se ranger de grands noms : dans la chaire, Bossuet, Fléchier, Bourdaloue; Du Bosc et Claude, parmi les protestants; au barreau, Pellisson. Le philosophe Malebranche y mérite une place pour la beauté de son style. Ailleurs, Saint-Réal, le rhéteur de l'histoire, Madame de Sévigné, La Bruyère. En poésie, Racine, Boileau, La Fontaine, Quinault.

La troisième période s'étend à peu près de 1690 à 1718. Elle ne présente pas de caractère nouveau. C'est une continuation, mais à quelques égards affaiblie, surtout en ce sens qu'on ne voit pas s'élever

une génération littéraire pour remplacer celle qui s'en va. C'est la même séve, mais l'automne est venu, les feuilles jaunissent, les teintes sont belles, et pourtant elles prédisent le déclin. Deux beaux noms décorent cette époque, Fénelon le premier, Massillon ensuite. Ce sont les deux grands hommes de la fin du dix-septième siècle. Eux exceptés, les nouvelles figures qui viennent remplir ces grands cadres, n'ont pas la même valeur que celles qui les ont devancées. C'est ainsi que Campistron n'est qu'un reflet fort affaibli de Racine. Regnard, quoique loin de Molière, est pourtant d'un mérite bien au-dessus de celui de Campistron. Dancourt est sur un degré inférieur. Il faut nommer aussi l'historien de l'Église, l'abbé Fleury, Saurin qui n'est pas absolument classique, Vertot, et enfin J.-B. Rousseau. Fontenelle, esprit universel, et Saint-Simon, génie original, sont des figures importantes, mais ils se rattachent au dixhuitième siècle.

(Le résumé qui précède embrasse à la fois les poëtes et les prosateurs du siècle de Louis XIV. On a cru devoir le conserver, quoique ce volume, par suite du plan adopté par les éditeurs pour le classement des matériaux laissés par M. Vinet, ne renferme que les poëtes. Nous renvoyons, pour quelques-uns des prosateurs mentionnés ci-dessus, aux Études sur Blaise Pascal, aux Moralistes des seizième et dix-septième siècles, et à l'Histoire de la littérature française au dix-huitième siècle. LES ÉDITEURS.)

II.

PRÉDÉCESSEURS DE CORNEILLE.

A l'ouverture du siècle de Louis XIV, nous avons envisagé la langue chez Pascal, dans son application à l'action, à la réalité, à la vie. Maintenant nous allons la voir consacrée à l'idéal, autre besoin de l'homme, témoignage de son illustre origine, besoin qui ne s'éteint jamais tout à fait, ou dont l'extinction annoncerait la mort morale d'un peuple, aussi bien que celle d'un individu. L'idéal est l'ambroisie des mortels, mais non le lotus magique qui endort l'activité de la vie. Les poëtes antérieurs à Corneille, et même ses rivaux, ont fait faire, sous ce rapport, maigre chère à leurs contemporains.

Mais quelle que soit la valeur des productions dramatiques de cette période, elles méritent cependant que nous y jetions un coup d'œil, afin de reconnaître leur caractère dominant, témoignage irrécusable de la situation des esprits.

Il est un état poétique comme un état politique de chaque nation; les idées poétiques sont étroitement

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