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PHILOSOPHIE MORALE.

LIVRE SECOND.

OBLIGATION MORALE.

CHAPITRE I.

Examen de cette question: pourquoi suis-je obligé de tenir ma parole?

que

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POURQUOI suis-je obligé de tenir ma parole ? Parce que cela est juste, dit l'un parce cela convient à la propriété des choses dit un autre parce que cela est conforme à la raison et à la nature, dit un troisième parce que cela est conforme à la vérité, dit un quatrième parce que cela favorise le bien public, dit un cinquième

parce que cela est commandé par la volonté de Dieu, dit un sixième.

Sur ces différentes explications, on peut observer deux choses.

Premièrement. En dernière analyse, elles coïncident toutes.

La propriété des choses désigne la propriété qu'elles ont de produire le bonheur : la nature des choses désigne cette constitution actuelle de l'univers, par laquelle certaines choses comme telle ou telle action par exemple, produisent le bonheur, d'autres le malheur: la raison est le principe par lequel nous parvenons à découvrir cette constitution, ou à la juger; la vérité est ce jugement exprimé, ou réduit en proposition. En sorte qu'il arrive nécessairement que ce qui favorise le bonheur public, ou le bonheur en général, est conforme à la propriété des choses, à la nature, à la raison et à la vérité ; et tel est (comme nous pourrons l'établir dans la suite) le caractère de la divinité, que ce qui favorise le bonheur général, est exigé par la volonté de Dieu. Et tout ce qui possède les propriétés dont nous parlons, est juste ou droit ; car ces mots ne désignent que la conformité à la règle que nous suivons, quelle que soit cette règle.

Et voilà ce qui fait que les moralistes, de quelque principe qu'ils partent, se rencontrent dans leurs conclusions; c'est-à-dire, prescrivent la même conduite, tracent les mêmes règles, et à peu d'exceptions près, donnent, dans le cas douteux, la même solution.

Secondement. Il faut observer que ces ré ponses sont toutes insuffisantes. Car celui que l'on veut instruire, peut revenir sur son docz

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teur par une seconde question, sur laquelle il peut exiger d'être satisfait savoir pourquoi suis-je obligé de faire ce qui est juste, d'agir d'une manière convenable à la propriété des choses; de me conformer à la raison, à la nature, ou à la vérité; de favoriser le bien public, ou d'obéir à la volonté de Dieu ?

La bonne méthode, dans cette recherche, est d'abord d'examiner ce que nous entendons lorsque nous disons qu'un homme est obligé de faire quelque chose; et ensuite de montrer pourquoi il est obligé de faire la chose que nous avons proposée pour exemple, savoir, « » tenir sa parole. »

« de

CHAPITRE II.

Ce

que nous entendons en disant qu'un homme est obligé de faire une chose.

UN homme est dit être obligé, « lorsqu'il » est poussé par un motif violent résultant » du commandement d'un autre. »

I. « Le motif doit être violent. >> Si une personne qui m'a rendu quelque petit service, qui peut disposer d'une petite place, me demande mon suffrage pour une élection, je puis l'accorder, par un motif de reconnaissance ou d'intérêt; mais je ne pourrai guère

dire que j'étais obligé de le donner, parce que le motif qui m'excitait n'était pas assez puissant. Mais si un père, ou un maître, ou quelque grand bienfaiteur, ou quelqu'un de qui dépend ma fortune, me demande mon suffrage, je le donne; et je réponds à celui qui me demande pourquoi j'ai voté de cette manière, que mon père, ou mon maître, m'y a obligé; que j'avais reçu tant de faveurs de l'un, ou dépendais tellement de l'autre, que j'étais obligé de voter suivant leurs directions (1).

II. « Il faut qu'il résulte du commandement » d'un autre. » Offrez à un homme un gratification pour faire quelque chose, pour saisir, par exemple, un coupable, il n'est point obligé par votre offre à s'en acquitter: il ne peut pas dire qu'il l'est, quoiqu'il puisse être induit, persuadé, tenté, entraîné. Si un magistrat, ou un supérieur immédiat le lui commande, il se regarde lui-même comme obligé de l'exécuter, quoique peut-être il perdit moins par son refus dans ce cas que dans l'autre.

Je ne veux pas dire que les mots obligation et obligé soient toujours employés dans ce sens, ou avec cette distinction. Il n'est guère possible

(1) Cet exemple n'est pas bien choisi, en ce qu'il peut arriver que des motifs d'un ordre supérieur, comme lorsque la personne n'est pas digné, nous forcent à faire autrement. Trad.

d'enchaîner les expressions populaires à une signification constante; mais toutes les fois que le motif est assez violent, et attaché à l'idée de commandement, d'autorité, de loi, de volonté supérieure, alors, je pense, nous nous regardons toujours comme obligés.

De cet exposé de l'obligation, il résulte que nous ne sommes obligés qu'aux choses par lesquelles nous pouvons gagner ou perdre; car rien autre ne peut être pour nous un " motif violent. » Comme nous ne serions point obligés d'obéir aux lois ou aux magistrats, s'il ne résultait en aucune manière de notre obéissance ni récompense, ni punition, ni plaisir, ni peine; de même, sans une raison semblable, nous ne serions point obligés de faire ce qui est juste, de pratiquer la vertu, ou d'obéir à la volonté de Dieu.

CHAPITRE III.

Nouvel examen de la question: pourquoi suis-je obligé de tenir ma parole?

QUE l'on se souvienne qu'être obligé, « c'est être poussé par un motif violent » résultant d'une volonté étrangère.

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Dès-lors, si l'on demande « pourquoi suis-je obligé de tenir ma parole?» la réponse « parce que j'y suis poussé par un

sera

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