Obrazy na stronie
PDF
ePub
[ocr errors]

les tentations qui ont entraîné notre adversaire à ce qu'il a fait, et la puissance avec laquelle les mêmes tentations ont agi quelquefois sur nous; qu'il est pénétré peut-être d'un repentir qu'il n'a pas le courage ou l'occasion de manifester; qu'on est bien peu généreux de triompher froidement ou de se répandre en injures envers une ame déjà humiliée en secret; que le retour à l'indulgence est doux, et qu'il n'y a ni honneur, ni vertu, ni utilité, à s'y opposer; car quelques personnes se croient tenues de nourrir et de ranimer leur indignation, quand elles la sentent s'affaiblir ou s'éteindre. Il faut nous souvenir que les autres ont, aussi bien que nous, leurs passions, leurs préjugés, leurs plans favoris, leurs craintes, leurs précautions, leurs intérêts, leurs mouvemens soudains, leurs diverses manières d'envisager les choses. Il faut nous rappeler ce qui s'est passé dans notre ame, lorsque nous avons eu tort dans une querelle, et imaginer que la méme chose se passe actuellement dans l'ame de notre adversaire; lorsque notre faute nous fut connue, quelles palliations nous y trouvâmes et nous crûmes que les autres devaient y trouver; combien nous fûmes touchés par la douceur, et pénétrés de la supériorité d'un traitement généreux, et d'un prompt pardon; combien la persécution ranima notre colère et notre inimitié, et sembla justifier à nos yeux la

conduite que nous venions de blâmer en nous, Ajoutez à cela l'indécence d'une colère extravagante; combien elle nous rend, tant qu'elle dare, un objet de mépris et d'amusement pour tous ceux qui nous entourent; ce qui nous remplit de regret et de honte, lorsque nous l'apprenons après que l'accès a cessé; les inconvéniens et les fautes irréparables dans lesquelles notre caractère irascible nous a quelquefois jetés; les liaisons qu'il a rompues; les maux et les embarras dans lesquels il nous a plongés, et le repentir amer que, de quelque manière, il entraîne toujours après lui.

Mais la réflexion la mieux faite pour abattre. cette hauteur de caractère, qui trouve toujours assez de provocation et rend notre colère si impétueuse, est celle que l'évangile nous propose; savoir, que nous aussi nous implorons, ou nous devons implorer notre pardon, devant le tribunal de Dieu. Figurons-nous que nos fautes secrètes sont exposées au grand jour : figurons-nous que nous sommes ainsi humiliés aux yeux de tous; tremblant sous la main de Dieu; nous réfugiant dans sa miséricorde, demandant grâce à grands cris: figuronsnous qu'une créature, dans cet état, parle de satisfaction et de vengeance; n'écoute point les prières; dédaigne de pardonner; remarque avec exactitude et punisse avec rigueur les moindres fautes figurons-nous tout cela, et nous Tom. I.

[ocr errors]

16

pourrons imaginer à peine un exemple d'une arrogance moins naturelle et plus impie.

Le point essentiel est de nous habituer à ces réflexions, jusqu'à ce qu'elles se présentent à notre esprit d'elles-mêmes, lorsqu'il le faut. 'c'est-à-dire, à l'instant même que nous recevons un affront ou une injure; et avec assez de force pour adoucir sur-le-champ le paroxisme de la colère, et produire à la fin un changement réel dans la disposition elle-même.

CHAPITRE VIII,

De la vengeance.

TOUTE Souffrance que nous occasionnons à un autre, en conséquence d'une offense ou d'une injure de sa part, et poussée plus loin que ne l'exigent une juste réparation ou une punition légitime, est vengeance.

Il n'est point difficile de reconnaître lorsque nous occasionnons de la souffrance à un autre; il ne l'est pas beaucoup de nous assurer si nous le faisons pour remplir le but d'une punition légitime, ou pour nous venger; car, dans le premier cas, nous agissons avec répugnance; dans le second, avec plaisir.

Il est extrêmement probable, d'après la lumière naturelle, qu'une passion, dont la satisfaction directe et immédiate est de causer de

[ocr errors]

la peine, est peu conforme à la volonté bienveillante et aux desseins du Créateur. Il est d'autres passions et d'autres plaisirs qui peuvent être, et qui sont souvent, une source de peine pour les autres; mais la peine n'est point, comme dans ce cas, l'objet de la passion et la cause immédiate du plaisir. Cette probabilité devient certitude, si nous nous rendons à l'autorité d'où sont émanés plusieurs passages de nos livres sacrés, qui condamnent la vengeance, ou, ce qui est la même chose, qui commandent le pardon.

Nous citerons les principaux de ces passages; et nous tâcherons d'en apprendre quelle est, en somme, la conduite qui est permise envers un ennemi, et celle qui est défendue.

[ocr errors]

« Si vous pardonnez aux hommes leurs » fautes, votre père céleste vous pardonnera >> aussi les vôtres; mais, si vous ne pardonnez » pas aux hommes leurs fautes, votre père » céleste ne vous pardonnera pas non plus >> les vôtres. Et le maître irrité le livra aux » exécuteurs de la justice, jusqu'à ce qu'il » lui payât tout ce qu'il lui devait. Mon père » qui est dans le ciel vous traitera aussi de » la même manière, si chacun de vous ne » pardonne de bon cœur à son frère ses →→ fautes.-Ayez donc des entrailles de misé>> ricorde; revêtez-vous de bonté, d'humilité,

de douceur, de patience. Supportez-vous

» les uns les autres; et si l'un a sujet de se plaindre de l'autre, pardonnez-vous récipro» quement, comme J. C. vous a pardonnés.

Soyez patiens envers tous; prenez garde que » personne ne rende le mal pour le mal.

>>

Ne vous vengez point vous-mêmes, mes bien» aimés; mais laissez agir la colère de Dieu; » car il est écrit: c'est à moi que la ven» geance appartient, et c'est moi qui ferai justice, dit le Seigneur. Si donc votre ennemi >> a faim, donnez-lui à manger; s'il a soif, » donnez-lui à boire; car, en agissant de la » sorte, vous amasserez des charbons de » feu sur sa tête. Ne vous laissez point vaincre » par le mal; mais surmontez le mal par le » bien (1). »

Je crois qu'il est évident, d'après quelquesuns de ces passages pris séparément, et plus encore, d'après tous ensemble, que la vengeance, telle que nous l'avons décrite en commençant ce chapitre, est défendue dans tous les degrés, sous toutes les formes, et dans toutes les occasions. Il nous est aussi défendu de refuser à un ennemi même les droits les plus imparfaits: « si votre ennemi a faim,

donnez-lui à manger; s'il a soif, donnez-lui

(1) Matth. VI., 14, 15; XVIII, 34, 35; Col. III, 12, 13; 1 Thess. V, 14, 15; Rom. XII, 19, 20, 21.

« PoprzedniaDalej »