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dispositions, où les crimes qui plaisent ne coûtent rien à commettre? Prouvent-ils aussi que ces dispositions n'étoient pas en eux un effet de cet esprit que, selon les Chrétiens, la philosophie a rendu si commun depuis qu'elle a commencé à se répandre ?

VALCOURT. Il étoit bien nécessaire de me faire une telle question; il ne s'agit point de cela dans le raisonnement que je vous rapporte. Voulezvous que ces grands hommes se jettent hors de leur sujet? Ils ont l'esprit trop juste pour faire de semblables fautes de logique.

Donc, concluent-ils, la philosophie n'a aucune part aux crimes de la révolution.

PONVAL. Ils devroient ajouter comme les géomètres, c'est ce qu'il falloit démontrer.

VALCOURT. Et c'est ce qui est démontré en effet : car l'abbé que le Citateur introduit sur la scène pour lui faire ce raisonnement terrassant, demeure confondu, accablé par la force de l'irrésistible vérité. « Je ne sais, dit-il, que vous ré»pondre.. Vous êtes un athée.» Mon cher Ponval, vous ne devez pas être plus difficile que lui.

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A ces mots, le philosophe leva la séance et me congédia, après m'avoir invité ført gracieusement à aller le voir toutes les fois que j'aurois l'esprit fatigué par quelques difficultés contre la philosophie. Vous voyez, ajouta-t-il, en me

serrant affectueusement la main, que je possède l'art de les lever avec les lumières que je puise dans les ouvrages de nos maîtres, il n'en est aucune que je ne fasse évanouir en un instant. Je lui promis de profiter de ses offres et je me retirai.

Comme je n'avois pas l'honneur d'être l'abbé du Citateur, ni le Jeannot de Voltaire, ni l'inspiré de Rousseau, ni aucun des personnages que les philosophes sont en possession d'introduire dans leurs dialogues, pour triompher à l'aide des inepties qu'ils leur mettent dans la bouche, je ne fus rien moins que convaincu par les excellentes raisons que je venois d'entendre. Pour compléter le ridicule, disois-je en moi-même, après que je fus sorti, Valcourt auroit dû tirer la conséquence qui découle de tout ce qu'il vient de dire. Voici le discours que ce sujet auroit pu lui fournir,

<< Ainsi, bon jeune homme, quand vous verrez » un état gouverné par les principes politiques » de nos philosophes, et cet état bouleversé et » mis en pièces par un effet nécessaire de ces » principes, réjouissez-vous ; réjouissez - vous ; la philosophie >> triomphe. Quand vous verrez les chefs des » factions et leurs adhérens, bien imbus de sa » morale et de ses dogmes, les répandre de >> toutes parts avec le plus grand zèle, les mettre » en pratique, en remplir tous les esprits, et

» en faire l'instrument de leurs succès; réjouissez» vous encore la superstition, le fanatisme, et » avec eux tous les crimes, vont disparoître pour » toujours; il ne vous restera que les vertus. >> Quand ensuite vous verrez les propriétés » violées, vos concitoyens emprisonnés, exilés, >> massacrés ; lorsque vous verrez le glaive de la » mort, se promener sous les formes les plus >> hideuses et les plus effrayantes sur toute l'é> tendue de votre infortunée patrie; ayez toujours » le même langage et les mêmes sentimens. Un » vrai philosophe peut bien se contredire, mais >> il ne doit jamais reculer seulement, quoique >> les auteurs de ces crimes les commettent au >> nom et sous les auspices de la philosophie, et » pour cimenter ses principes; quoiqu'ils dé>> clarent que ce sont des sacrifices qu'ils offrent » à cette idole de leur cœur, gardez-vous de >> convenir que ce soit elle qui les demande : ils >> nuisent trop à sa cause. Répétez froidement ce >> que disoit un journaliste de nos amis, au sujet » des premiers meurtres révolutionnaires : ce sont » les pustules de la liberté. Dites avec un philo» sophe de la seconde assemblée nationale que, » quelques gouttes de sang de plus ou de moins > ne s'aperçoivent pas dans les veines du corps » politique. Ajoutez que tout se prépare pour le » règne de la raison : dites-le d'autant plus har» diment que de toutes parts on consacre des

» temples à cette nouvelle déesse. Enfin au milieu » de toutes ces horreurs, que votre enthousiasme »ne cesse de faire entendre ces paroles, qui » dans leur temps ont retenti par toute la France: » graces à la philosophie, nous nous élevons à » la hauteur de notre destinée.

» Mais si après de violens orages, il arrivoit » que vous vissiez les factions enfin abattues, les » crimes révolutionnaires réprimés, le jacobi> nisme emmuselé, et un gouvernement ferme, » éclairé, vraiment religieux, et par conséquent >> anti-philosophique, travailler à rétablir le bon » ordre et la justice; si sous la protection de ce » gouvernement, vous voyez les dogmes et la mo>> rale de l'Évangile répandre parmi le peuple leurs » lumières et leurs consolations, des prêtres oc»cupés à l'instruire de ses devoirs; alors, bon » jeune homme, tremblez pour notre nation, » tremblez pour le genre humain; criez que tout » est perdu, que le fanatisme reprend une nou» velle vie, que nous allons voir renaître les » croisades et la Saint-Barthélemi. Faites plus, >> prouvez au public ces importantes vérités par » de doctes ouvrages; et si vous avez assez de » talent, faites un nouveau tome au Citateur. »

CHAPITRE XIV.

Suite de la huitième séance.- Derniers traits de la morale des philosophes. —Leurs maximes sur les liens qui unissent les pères avec les enfans, et les maris avec leurs femmes.

JE reprends la huitième séance de nos philosophes.

Voltaire, enchanté de l'heureuse destinée qu'il présageoit pour les jeunes gens, les recommanda à ses amis. C'est l'espérance de la philosophie, dit-il, táchons de les instruire. (Lett. à d'Al., 15 sept. 1762.) Il faut qu'ils se rendent dignes de voir les belles choses que le sort leur réserve. -Et même, ajouta-t-on, de les exécuter lorsque le moment en sera venu. -Oh! dit un sage, certainement nous les ferons entrer dans ces heureuses dispositions. Que n'apprendront-ils pas l'école de la philosophie? Leurs yeux vont s'ouvrir pleins de mépris pour les siècles qui les ont précédés, et solidement convaincus que le jour de la raison n'a lui encore que pour eux, ils ne verront dans nos différentes institutions qu'ignorance, sottise, préjugés absurdes et barbares. Devenus hommes, ils les renverseront d'un coup de pied, si les circonstances leur sont

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