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Ces mots, que Pradon crut des termes de chimie,
Sont reçus par l'usage et par l'académie ;

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Et nos plus grands auteurs sont ici mes soutiens.
Rachetant par leurs vers la faiblesse des miens,
Sur leurs traits les plus beaux j'appuierai chaque règle.
Ainsi le roitelet se fait porter par l'aigle;
Et, compagnon hardi du monarque des airs,
Va jouer sur son aile au milieu des éclairs.

Venez, jeunes amis du dieu de l'harmonie !
La route par mes soins peut vous être aplanie.
Bientôt, si vous voulez, ces Tropes singuliers,
Tout bizarres qu'ils soient, vous seront familiers
Ils pourront vous former dans le grand art d'écrire.
Allons, à mes efforts j'aime à vous voir sourire,
Quand j'ose, le premier, sur le Pinde français,
Essayer d'être en vers l'écho de Du MARSAIS 2.

Chaque chose a son nom, qui n'est fait que pour elle Dans son acception précise et naturelle; C'est le mot propre. On sait que tous les bons esprits A ce mot nécessaire attachent un grand prix.

Huer la synecdoche et la métonymie,

Grands mots, que Pradon croit des termes de chimic.

BOILEAU.

* Auteur du Traité des Tropes et des articles de grammaire dans les sept premiers tomes de l'Encyclopédie. Voyez ses Éloges par MM. D'ALEMBERT et de Gérando : ce dernier a remporté le prix proposé par l'Institut.

C'est des malentendus que naissent nos disputes 1 :
Fixez le sens des mots, vous préviendrez ces luttes.
Un terme est-il douteux ? Sachez le définir;
Nulle équivoque alors ne peut plus le tenir.
Les calculs d'un problème et les clauses d'un acte
Doivent s'assujettir à cette langue exacte;
Mais de ces mots si froids, alignés au compas,
Le langage commun ne s'accommode pas.
Le feu des passions, qui couve au fond de l'âme,
Veut toujours au dehors jaillir en traits de flamme;
Il perce malgré nous, s'adresse à tous nos sens,
Donne au front ses couleurs, à la voix ses accens.

On ne saurait faire trop d'attention à cette grande vérité que l'on perd trop souvent de vue. La logique de Port-Royal y a fortement insisté, et l'on sait que cette logique est un des ouvrages qui ont honoré le siècle de Louis XIV. Vers la fin du même siècle, Samuel WERENFELS, savant professeur de Bâle, appelé avec raison un savant plein de goût, elegantissimè doctus, a fait, sur le même sujet, un livre latin, souvent réimprimé : De logomachiis eruditorum. Ce mot de logomachie est de saint Paul, qui regarde les disputes de mots comme une maladie. WerenFELS a décrit avec soin les symptômes de cette maladie de l'esprit, et a cherché par quels remèdes on pourrait la guérir. On devrait faire un extrait de ce livre en français, à l'usage des classes. Le P. BUFFIER a écrit sur cette matière d'une manière solide, mais avec moins d'agrément. HELVÉTIUS l'a effleurée dans le livre de l'Esprit, chapitre de l'Abus des mots. LOCKE et CONDILLAC l'ont approfondie; mais ils sont un peu secs, au lieu que le livre de WEREnfels est rempli d'une érudition intéressante et choisie.

Jamais à l'Opéra le bâton de mesure
N'a tracé pour l'orchestre une règle aussi sûre.
Les sons que la nature a pris soin de noter,
N'ont pas besoin que l'art vienne les ajuster.
Il est des orateurs jusque chez les sauvages:
Allons du Saint-Laurent visiter les rivages;
Du grand Meschacebé suivons le vaste cours;
Là, d'un fils du désert écoutons les discours!
Chaque mot nous étonne; il charge sa peinture
D'images, qu'il dérobe à toute la nature,
Et qui vont émouvoir, au fond de leurs roseaux,
Ces fleuves qui, pour lui, sont les pères des eaux.
Mais qu'avons-nous besoin de chercher l'Amérique ?
L'homme a partout, sans art, la même rhétorique,
Quand d'un grand mouvement son esprit transporté
Pense avec énergie et parle avec fierté.

A la ville, à la cour, dans les champs, à la Halle ',
L'éloquence du cœur par les Tropes s'exhale;
Et la foule ignorante, émule des savans,
Transformant la parole en des tableaux vivans,
De figures sans nombre emprunte la lumière.

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La Métaphore brille et marche la première 2.

« Je suis persuadé qu'il se fait plus de figures un jour » de marché, à la Halle, qu'il ne s'en fait en plusieurs jours › d'assemblées académiques.... » (Du MARSAIS, des Tropes, article 1.)

Le nom de métaphore vient d'ARISTOTE, qui pre

Admirez comme un mot, de son sens détourné,
Reçoit d'elle un éclat dont il est étonné !

Elle compare entre eux deux termes qu'elle embrasse ;
Soudain, l'un traduit l'autre et vient prendre sa place.
Par cet échange heureux de mots équivalens,

Ses portraits, faits au vol, sont frais et ressemblans.
Ainsi, de la vertu la fortune se joue 1;

Il est des cœurs de bronze et des âmes de boue.
Virgile au laboureur apprend par quels secrets
Il peut faire à ses lois obéir ses guérets 2.
La coquette, mettant tout son art en usage,
« Compose de sa main les fleurs de son visage 3.
Le joueur qui dépend d'un quatorze, ou d'un sept,
« Voit sa vie, ou sa mort, sortir de son cornet 4. »
Valois, de son État, laissait flotter les rênes 5.

Pour Voltaire, les rois ont été des syrènes 6.

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nait ce mot dans un sens plus étendu qu'on ne l'a fait depuis.

Voyez ce qu'en dit BARTHELEMY, dans le chapitre de la Rhétorique, Voyage d'Anacharsis.

CICERON et QUINTILIEN appellent la métaphore translatio. 'BOILEAU, Satires.

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Ut quamvis avido parerent arva colono.

3 BOILEAU, Épîtres.

4 Le même,

6

Satires.

VIRGIL. Æneid. I.

VOLTAIRE, Henriade, chant Ier.

Mon vaisseau fit naufrage aux mers de ces syrènes.

VOLTAIRE, discours en vers.

Quelquefois de fâcheux on est assassiné 1.

Jason se contentait d'un exil couronné 2.

« La clef du coffre-fort et des cœurs, c'est la même 3. » « On porte ses remords avec le diadème 4. » Tout l'éclat du talent par l'âge se flétrit,

« Et les rides du front passent jusqu'à l'esprit 5 : Telle est la Métaphore! On prétend qu'Épicure Avait de ses écrits banni cette figure 6.

1 Sous quel astre, bon Dieu, faut-il que je sois né, Pour être de fâcheux toujours assassiné !

MOLIÈRE, les Fâcheux, acte 1.

2 Et si je me bannis par-delà ma patrie,

Un exil couronné peut faire aimer la vie.

P. CORNEILLE, la Toison d'or, acte Iv, scène Iv.

LA FONTAINE, Contes.

4 RACINE, les Frères ennemis.

P. CORNEILLE, vers au roi, en 1676. Il a employé heureusement cette belle expression de MONTAIGNE : « La vieillesse attache plus de rides à l'esprit qu'au visage. »>

Voyez ci-après, sur la richesse des métaphores de MoNTAIGNE, une note du quatrième, chant.

6 DIOGENE LAERCE et GASSENDI donnent cette louange à EPICURE. EUCLIDE de Mégare et EMPÉDOCLE s'élevaient aussi contre l'usage des comparaisons; et se fondaient, à cet égard, sur ce double raisonnement. « Ou ce qu'on trouve » de semblable, est pareil en tout point à l'objet dont on » le rapproche, ou il ne s'y rapporte pas. Si la chose est la >> même, n'est-ce pas, disaient-ils, une simplicité, de » chercher l'ombre au lieu du corps, et de laisser là le so»lide pour courir après une image? Si la chose n'est pas » exactement la même, toute similitude alors n'est pas fu» tile seulement; mais elle doit paraître inepte et impor

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