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» dre, je me mesure, non par la durée de mon âge, mais » par l'étendue de ma gloire '. »

« Il eût été à désirer que le cœur humain fût à jour, et » qu'il pût avoir des fenêtres 2.

» Ceux qui ne savent pas un sentier pour eux-mêmes » enseignent le chemin aux autres 3. » Image de plus d'un critique!

Il y a des allusions et des Tropes tirés des arts, qui sont admis dans une langué et ne le sont pas dans une autre. On ne pourrait dire en français :

La douleur et la maladie

Sont les fabricans du trépas,

comme LUCRÈCE a pu le dire dans un beau vers latin; mais nous dirions avec VOLTAIRE, en prenant une autre

tournure :

La mère de la mort, la vieillesse pesante

A de son bras d'airain courbé mon faible corps.

Dans ces extraits de Vossius et de DENYS d'Halicarnasse, j'ai été arrêté, presque à chaque ligne du texte, par la difficulté souvent insurmontable de rendre exactement en français les images propres aux langues anciennes, et de leur trouver même quelques équivalens dont on pût être satisfait. Nous sommes hors d'état de faire apprécier par la traduction les Métaphores poétiques, parce que nous manquons des mots correspondans à ceux de ces langues savantes. Les mots qui paraissent les mêmes n'ont pas le même sens. Il faudrait aussi tenir compte de la différence des langues avant de critiquer, comme on le fait souvent, les images qui peuvent nous étonner d'abord

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Ego Alexander me metior, non ætatis spatio, sed gloriâ.
QUINT-CURT.

2 Opportuisset esse fenestrata hominum corpora. VITRUV.

3 Qui sibi semitam non sapiunt, alteris monstrant viam. CICERO

4

Nam dolor, et morbus, lethi fabricator uterque est.

LUCRET., de rerum nat.

dans les Poëtes anciens. On a repris HOMÈRE sur un vers 1 qui paraît, en effet, bien bizarre:

Le Ciel, de toutes parts, sonna de la trompette.

Mais il faut faire attention que ce n'est pas là le vrai sens, ni la Métaphore d'HOMÈRE. Il dit que la foudre du Ciel donna de toutes parts le signal tonnant des combats. De même, si l'on prétendait rendre à la lettre ce passage du quatrième Livre des Géorgiques de Virgile: Medium sol igneus orbem

Hauserat;

On le rendrait très-ridicule.

CICERON mande à son ami que ses lettres l'ont bien mordu '; nous dirions aujourd'hui : Vos lettres m'ont piqué. Il y a cependant des tournures latines qui sont toutes françaises. L'emploi du verbe faire, suivi d'un autre verbe, est le même dans les deux langues :

Cruel! tu m'as fait voir le trépas de mon fils 2.

Le goût se dit, dans les deux langues, au propre comme au figuré:

<<< Les libertins et les avares n'ont pas le goût de la vraie >> gloire 3. »

Une plaisanterie de PLAUTE peut aussi se rendre à la lettre :

On ne peut, à la fois, avaler et souffler 4.

Et chez nous on a dit qu'on ne peut siffler quand on bâille.

Nous avons essayé de suivre de très-près, dans une pièce entière, les Tropes employés par un auteur latin. Il s'agit de cette épigramme que l'on attribue à SÉNÈQUE, et qui

Valdè me momorderunt epistolæ tuæ.

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CICERO.

3 Libidinosi, avari, veræ laudis gustum non habent.

Flare simul et sorbere haud facile est.

CICERO.

est regardée comme un modèle dans son genre. Osons la confier à l'indulgence des lecteurs. Ils seront bien dédommagés par la beauté du sens, du tort qu'une faible copie fait à l'élégance du texte.

I

Fuis loin des grands seigneurs et des hommes puissans.
Leurs palais, leurs entours, leurs noms éblouissans,
Décorent un écueil funeste.

Fuis, te dis-je, et bien loin! Que ta barque modeste,
Soustraite à ce brillant danger,

De la côte qu'on peut ranger

Se tienne le plus près possible!

Choisis à ta fortune un rivage accessible,
Et sur la pleine mer ne va pas t'engager.
Veux-tu de vrais amis ? ta loi fondamentale
Est de vivre avec tes égaux.

L'insensé veut gravir les sommets les plus hauts ;
La route en est glissante et la chute fatale.
Entre les Grands et les petits,

Quels nœuds pourraient être assortis ?
Si ces Grands sont debout, leur puissance t'écrase
De sa gloire et de son mépris ;

S'ils sont renversés de leur base,
Ils t'entraînent dans leurs débris.

D'une vaine espérance à leur suite on s'enivre;
Leurs hauteurs, leurs dédains, sont rudes à souffrir.
Mon ami, pour toi, songe à vivre;
Car pour toi seul tu dois mourir '.

Magnatum consortia fugienda.

Ingentes dominos, et famæ nomina clara,
Illustrique graves nobilitate domos,
Devita, et longè cautus fuge; contrahe vela,
Et te littoribus cymba propinqua vehat.

In plano tua sit semper fortuna, paresque
Noveris. Ex alto magna ruina venit.
Non benè cùm parvis junguntur grandia rebus :

Stantia namque premunt, præcipitata ruunt.
Mitte superba pati fastidia, spemque caducam
Despice; vive tibi, nam moriêre tibi!

Après cette digression sur la difficulté de traduire les Tropes, revenons encore un moment à la classe de ceux qui sont tirés des arts et des sciences.

Terminons enfin ces remarques par l'explication de la fable de Marsyas, et prouvons qu'il ne faut pas croire qu'Apollon l'ait fait écorcher : ce supplice est un équivoque qui n'est que la suite d'un Trope.

Il y a dans l'antiquité, même dans la mythologie d'ailleurs si douce et si riante, des faits si durs et si atroces, que l'on répugne à les admettre, et que l'on est bien aise d'en trouver l'adoucissement à l'aide des Allégories ou de quelques autres figures. Par exemple, nous avouons que nous n'avons jamais pu digérer ce qu'on raconte des vengeances barbares exercées ou par Apollon, ou même par les Muses, contre quiconque était tenté de rivaliser par le chant, ou par d'autres talens, avec ce dieu ou ses compagnes. Nous pensons que l'esprit et même le génie, quelque jaloux qu'on les suppose de leur gloire et de leurs succès, ne peuvent abuser de leur prééminence jusqu'à punir, comme des crimes, les tentatives malheureuses et l'ambition insensée des plus indignes concurrens. Ainsi, nous avons éprouvé un grand soulagement quand nous avons vu, par exemple, l'écorchement de Marsyas expliqué naturellement par une Allégorie. C'est Fortunio LiCETL qui nous a révélé le mot de cette énigme.

La Fable dit que Marsyas trouva le fifre que Minerve venait de jeter de dépit, parce qu'on s'était moqué d'elle, à cause de la bouffisure que le jeu de cet instrument occasionait à ses joues; qu'il perfectionna ce fifre, et qu'enfin ce satyre eut la témérité de défier Apollon même. Les conditions du cartel furent que le vaincu serait remis au bon plaisir et soumis aux lois du vainqueur. Marsyas tira de son fifre des sons mélodieux, Apollon craignit pour sa gloire; mais sa lyre, et sa voix qu'il joignit à sa lyre, enlevèrent tous les suffrages. On dit ensuite que le dieu attacha le satyre à un arbre voisin, et qu'il l'écorcha vif,

pour le punir de son audace. OVIDE se complaît à peindre ce supplice vraiment horrible. SAINT-ANGE en était effrayé, et ne savait comment excuser Apollon. Cette punition est sans doute trop violente; mais Fortunio LICETI ne voit dans ce récit qu'un emblème tiré de l'Histoire des arts. << Avant l'invention de la lyre, dit-il, la flûte l'emportait » sur tous les autres instrumens de musique, et enrichis»sait, par conséquent, tous ceux qui la cultivaient; >> mais sitôt que l'usage de la lyre se fut introduit, comme >> elle pouvait accompagner le chant même du musicien » qui la touchait, et qu'elle ne lui défigurait point les » traits du visage, comme fesait la flûte; celle-ci en fut >> notablement décréditée et abandonnée, en quelque sorte, >> aux gens de la plus vile condition, qui ne firent plus >> fortune par ce moyen. Or, dans ces anciens temps, où >> la monnaie de cuir avait cours, les joueurs de flûte ne >> gagnaient presque rien; les joueurs de lyre leur ayant » enlevé leurs meilleures pratiques. » De là vint cette fiction du satyre joueur de flûte, écorché, c'est-à-dire, dépouillé de ses gains qui étaient en monnaie de cuir; ainsi, le dieu brillant qui jouait de la lyre ne se trouve plus accusé de l'inhumanité atroce dont l'inculperait ce récit, s'il fallait le prendre à la lettre.

Nous croyons donc avoir justifié complétement ce que nous avions annoncé sur l'Influence qu'exerça parmi les Anciens le langage métaphorique. Nous avons indiqué aussi à nos jeunes lecteurs les sources principales d'où découlent les Tropes, ce qui est nécessaire et à ceux qui veulent écrire, et à ceux qui se bornent, plus sagement peut-être, à juger les écrits des autres.

Nous serons satisfaits, comme Marc-Jérôme VIDA le dit de son Art poétique, si nous pouvons apprendre que ce faible travail aura été utile à nos jeunes compatriotes 1.

1 Sat mihi erit, si in his nostræ civitatis juventutem aliquid profecisse intellexero. (Ex litteris quas Marcus Hyeronimus VIDA ad suos Cremonenses Româ dabat, nonis februar, 1520.)

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