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A ceux que vous avez vus près d'elle; d'autres vont bientôt succéder, et d'autres se joindront encore à ceux-ci. Tous ne l'aimeront pas, mais tous seront prêts à l'aimer au premier instant où elle le voudra bien. Celle qu'on voit par-tout n'est recherchée que dans la foule; si elle aime, bientôt affichée, elle sera peut-être obligée de s'afficher elle-même pour attirer ou retenir. C'est en se dérobant à la vue que. l'autre vous entraîne sans que vous ayez pu prévoir où elle devait vous conduire. Près d'elle on n'est pas même bien sûr d'espérer; celui qui se flatte ne sait pas trop du moins sur quoi se fondent ses éspérances; et quand elle l'aura rendu bien malheureux, il ne pourra pas vous dire trop positivement en quoi il croit avoir à se plaindre d'elle. Quelques-uns s'éloigneront d'elle, la haïront peut-être sans trouver à en dire dú mal; d'autres lui resteront attachés sans trop imaginer quel bien ils pourraient en dire. Elle conservera le don de séduire par-delà l'âge de plaire, et quand elle perdra sa jeunesse, celui qu'elle aura mis son étude à désespérer comime amant, finira peut-être encore par se croire son ami.

Ce n'était pas, en effet, une pareille coquette qu'il fallait nous peindre pour faire peur aux femmes de ce nom : il valait bien mieux nous représenter une femme qui donne en quatre jours des espérances, un aveu, un congé, et recommence aussitôt qu'elle a fini; qui parle d'amour, prétend sentir et avoue l'amour, et ne conçoit pas

Ce qu'au bout de dix jours on peut se dire encores. qui, pour séduire un homme raisonnable, fait parade à ses yeux de la plus inconcevable légèreté, lui vante les plaisirs et lui détaille les moyens de la coquetterie. J'aimerais autant entendre Tartuffe afficher l'athéisme et développer à Orgon les secrets et les avantages de l'hypocrisie. Ensuite, tête-à-tête avec ce même homme, elle commence par lui parler de son amour pour elle, quoiqu'il ne lui ait jamais dit un mot de cet amour; lui soutient en face qu'il l'aime, tandis qu'il lui jure qu'il n'en est rien; lui ordonne de la regarder, lui demande ce qu'il résulte de cet examen, et lui témoigne que ses expressions ne sont pas assez tendres, parce qu'en effet elle ne le sont point du tout. Puis, c'est

un roué qui veut corrompre une femme sans devenir son amant, et s'imagine la pervertir en lui débitant des maximes; contre la décence; puis une présidente, prise on ne sait où, et qu'on ne recevrait nulle part; en un mot, au lieu des mauvaises mœurs de la bonne compagnie, tous les ridicules de la mauvaise..

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Ce sont deux choses bien différentes mais que l'on a confondues de tout tems, et que l'on confond aujourd'hui plus que jamais. Un journaliste qui, en rendant compte des spectacles de Paris, insère dans son article quelques anecdotes bien publiques, s'imagine avoir donné l'idée du ton général de la société, et de ce qu'il appelle les mœurs du jour. Il ne sait pas que les mœurs, les usages, les travers mêmes de la bonne compagnie, soit qu'elle mérite ou non ce titre, ne sont guères propres à fournir une page de journal à l'article spectacles, parce que la bonne compagnie ne s'expose guères en plein spectacle. Comme elle cherche beaucoup plus à se distinguer du gros du public qu'à s'en faire remarquer, elle garde ses prétentions et ses ridicules pour les développer dans son

propre cercle. Une femme de bonne compagnie ne désirera fixer l'attention que d'un homme du monde; som sourire, ses grâces, ses mines, si elle en fait, ne seront que pour lui, et ne peuvent être aperçues du public qui n'en est pas l'objet, ni recueillies par le journaliste qui représente le public. De cette manie qui caractérise la bonne compagnie, naissent ses avantages comme ses travers les plus saillans; ce qui fait qu'elle se ressemble par- tout un peu ; ainsi le tableau de la bonne compagnie d'un siècle a des rapports frappans avec celui de la bonne compagnie d'un autre, et on le retrouve toujours avec plaisir.

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Le tableau de la mauvaise compagnie, au contraire, varie sans cesse. Comine elle ne veut être retenue par rien, elle ne s'est fait sur rien des principes stables. Son but est de profiter de tout, et son habitude d'en abuser. Elle, exagère l'esprit du moment, dévance les circonstances, outre les modes. La femme qui se présente aujourd'hui les bras nuds, les épaules découvertes, est sans doute aussi celle qui avait porté à l'excès la mode des manches longues, et des fichus qui cachaient la moitié

du visage; et si la modestie pouvait devenir de mode, on la verrait afficher la réserve avec autant d'ardeur qu'elle a mis de soins à affecter l'aisance. De pareils ridicules trop marquans pour faire le sujet d'un badinage noble et fin, sont aussi trop passagers pour qu'on puisse les consigner sur le théâtre ou dans les livres; mais ils sont du ressort d'un journal, qui doit faire son profit des travers du jour.

VII.

Du Drame.

J'APPELLE Drame ce genre mitoyen entre la tragédie et la comédie, qu'on a désigné quelquefois par les noms de tragédie bourgeoise ou de comique lar moyant.

Le drame n'est peut-être pas un mauvais genre; mais il n'y en a pas qui puisse fournir plus de mauvais ouvrages, si du

moins

Il n'est point de degrés du médiocre au pire;

ce qui a bien son côté vrai. Une tragédie médiocre coûte un an, et se joue pendant

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