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, annoncent

bien se garder d'user de tous ses moyens, ce qui marquerait nécessairement le terme de ses forces; au lieu qu'une expression contenue laisse au spectateur la liberté d'imaginer bien au-delà de ce que l'acteur pourrait lui exprimer. Il y a d'ailleurs une combinaison bien simple à faire. Les éclats dé voix, les grands mouvemens, proscrits en général par la décence presque toujours dans celui qui les émploie, l'oubli de soi-même, c'est-à-dire le dernier degré de la passion. Or, celui qui se livre à sa passion, est toujours censé employer le terme le plus fort qu'il puisse trouver, tandis que celui qui se contient est supposé se réduire, autant qu'il le peut, à l'expression la plus faible. Ainsi, prononcez un mot avec les éclats de la colère, de la haine, de la douleur, vous prouverez que ce mot est pour vous le nec plus ultrà, qu'il exprime tout ce que vous sentez, que Vous n'êtes pas capable de sentir davantage; tandis que ce même mot, dit avec un accent contraint, n'est plus que l'indication d'un sentiment bien plus fort que toutes vos expressions.

Il est donc presque toujours sûr que la

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violence des mouvemens affaiblira l'effet des paroles, bien loin d'y ajouter. Prenez pour exemple le discours si touchant par lequel Iphigénie essaie de fléchir son père, ou seulement ces trois vers:

J'ose vous dire ici qu'en l'état où je suis, Peut-être assez d'honneurs environnaient ma vie Pour ne pas souhaiter qu'elle me fût ravie. Que ces vers soient prononcés avec des démonstrations de douleur qui supposent l'oubli de toute considération; qu'on puisse croire qu'Iphigénie, en disant qu'elle ne souhaite pas qu'on lui ôte la vie, exprime tout ce qu'elle sent, on trouvera qu'elle sent bien peu de chose, que ses moyens sont bien insuffisans pour une occasion si pressante, ses expressions bien faibles pour une situation si terrible. Mais ne voyezvous pas, au contraire, dans cette économie de moyens, dans cette modération de langage, la force d'un sentiment qui se condamne à un silence absolu, de peur d'être obligé de le rompre avec trop de violence? Ne sentez-vous pas que si Iphigénie se laissait aller à une seule exclamation, elle ne pourrait plus contenir centorrent de plaintes douloureuses, tout prêt à s'échap

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per de son cœur ? que si elle se permettait une larme, il lui faudrait éclater en sanglots? C'est donc en vous donnant une plus grande idée de la réserve d'Iphigénie, qu'on vous fera comprendre toute sa sensibilité; et dans le ton contenu avec lequel l'actrice s'appliquera à prononcer ces expressions circonspectes que l'auteur a pris soin d'aceumuler, dans ce son de voix mesuré, dont l'altération n'indiquera de ses sentimens que l'effort qu'elle fait pour les contraindre, en admirant la grandeur du courage cette infortunée, vous apercevrez toute la profondeur de ses maux, et l'excès de sa

consternation.

de

On croit quelquefois, dans les rôles de femmes, ajouter à l'expression de la tendresse par des mouvemens vifs, passionnés, qui supposent l'abandon et l'entraînement; mais par-la on perd l'avantage que donne aux femmes le ton de la timidité, dans l'expréssion des sentimens tendres, qui est de pouvoir dire leur secret. tout entier, et d'avoir l'air d'en retenir encore plus qu'elles n'en disent. La retenue des manières sert non-seulement à leur donner le charme de la pudeur, mais à faire paraître leur ten

dresse plus vive, en laissant à l'imagination de celui qui les écoute, le soin de fixer la mesure du sentiment qu'elles n'osent ex primer. Plus leurs paroles sont passion nées, plus leur son de voix doit être timide, non pour adoucir l'effet, mais pour l'augmenter, afin que la force supposée de ce qu'elles sentent, serve d'excuse à la force réelle de ce qu'elles disent.

V.

Du rôle de Gengis-Kan.

JE E ne veux pas qu'on me montre GengisKan, dans ses scènes avec Idamé, respectueux, galant comme le Cid, délicat comme Tancrède, ou même généreux comme Orosmane; mais je voudrais bien aussi qu'on ne donnât pas dans l'excès contraire, qu'on ne me le représentât pas brutal, emporté, comme peut l'être un Scythe, mais un Scythe dont on ne ferait jamais un héros de tragédie. De toutes les passions, il n'y en a pas de plus impossible à ennoblir

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que la colère. Elle est nécessairement comique; parce qu'elle est toujours le résultat de l'impuissance. Qu'un bourgeois s'emporte contre sa servante; qu'en la réprimandant son visage soit défiguré par de violentes convulsions; qu'il l'effraie de ses gestes autant que du son de sa voix; à la bonne heure: il n'a guères d'autre moyen de s'en voir obéi: il faut bien qu'il lui fasse peur, puisqu'il ne peut lui faire du mal. Mais un homme qui d'un regard peut vous pénétrer d'effroi, d'un mot vous envoyer en prison ou dans la tombe, pourquoi prendrait-il la peine de se fàcher si fort? On me dirá que Gengis-Kan est un Tartare, une espèce de sauvage, accoutumé à céder à tous ses mouvemens. Pas tant qu'on pourrait le croire. Ce n'est point en cédant à tous ses mouvemens qu'on obtient que les autres hommes vous cèdent.. Il y a tout lieu de croire que le chef d'une petite horde de Tartares, avant de se voir à la tête d'une grande armée et possesseur de cinq ou six grands royaumes, a dû se maîtriser souvent pour parvenir à maîtriser les autres. Il sera resté violent dans ses résolutions, implacable, dans ses ressentimens, cruel

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