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être de la fermeté, et la fermeté ne se manifeste point par des secoussés. Sa colère contre l'ennemi de Tancrède est de l'indignation, et l'indignation n'a point d'éclats. Fondée sur des idées morales, elle en emprunte une sorte de gravité, une dignité réfléchie qui l'élève bien au-dessus de la colère, toujours mêlée de sentimens personnels. Sans doute, lorsqu'Aménaïde s'élève contre l'usurpateur des biens de Tancrède, lorsqu'elle déclare ce qu'elle en pense, dans ce vers:

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D'un brave chevalier sa conduite est indigne,

trabe sa position particulière doit ajouter à la sévérité de son jugement, à l'énergie de son; indignation; mais les principes sur lesquels elle se fonde n'en sont pas moins justes et vrais; elle ne conçoit pas qu'on en puisse avoir d'autres; par conséquent elle ne doit pas croire qu'il soit nécessaire de les appuyer de la de la vivacité du geste et des éclats de la voix. Ce sera donc avec calme, avec l'expression d'un mépris réfléchi

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qu'elle répondra à son père, qui lui vante le mérite et le crédit d'Orbassan:

Je voudrais qu'un héros si fier et si puissant
N'eût pas, pour s'agrandir, dépouillé l'innocent.

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Parce que l'idée qu'elle énonce n'a rien qui ne soit pris dans la morale la plus commune, la plus usuelle, et que c'est là ce qui rend plus odieuse la conduite de celui qui a pu se soustraire à un principe si re-, connu. Qu'Aménaïde dise ́ces vers avec emportement ou en déclamant, et cet effét sera absolument manqué.

Il faudrait répéter sans cesse aux acteurs, que le déclamer est une des choses les plus nuisibles au mérite de la déclamation, comme le romanesque l'est à la bonté des romans. Ne saurait-on se contenter de l'élévation, de l'énergie, de l'harmonie naturelle que le poëte a su donner à son style, sans y joindre cette pompe de déclamation

si

peu à sa place dans les momens de chaleur. La grandeur des idées, la noblesse du style, la richesse des images, tout cela est naturel aux passions fortement agitées; mais ce qui ne l'est pas, c'est que dans un grand intérêt, un héros, tout héros qu'il est , s'occupe, pour ainsi dire, à souligner les mots, à leur donner à chacun une valeur particulière, à appuyer d'un ton doctoral sur les maximes que sa situation pré

sente à son esprit. C'est sur-tout à l'étalage

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des maximes qu'il faudrait renoncer une fois pour toutes, si l'on ne veut aller directement contre les intérêts de l'ouvrage et les intentions de l'auteur. Un grand poëte a sans doute besoin de philosophie; mais ne croyez pas qu'il l'étale quand il pourra faire autrement. « C'est ce qu'un poëte, dit Champfort, doit le plus dissimuler; c'est, « pour ainsi dire, son secret, et il ne doit «<le laisser surprendre qu'à ses lecteurs les « plus assidus et admis à sa confiance in«time ». Mais il faut une telle force de génie pour cacher toujours ce secret de l'art, qu'il n'est pas étonnant qu'il échappe quelquefois; mais alors l'acteur ne doit-il pas s'appliquer à dissimuler ce moment de faiblesse ?

Lorsque la confidente d'Aménaïde lui représente les dangers auxquels elle s'expose, elle répond

Ah! que l'amour est faible, alors qu'il est timide !

Lorsqu'Arcas prêt à mener Clitemnestre au milieu du camp révolté, lui dit : Ne craignez rien; elle s'écrie: Moi, craindre! ce qui veut dire, j'aimerais bien peu ma fille, si je pouvais craindre quelque chose, ou

bien Ah! que l'amour maternel est faible, alors qu'il est timide ! La réponse d'Aménaïde est naturelle et bien placée; pourquoi celle de Clitemnestre produitelle cent fois plus d'effet? C'est que le sentiment qui l'a dictée est plus rapide. Il est donc clair que le mot d'Aménaïde perdra encore de son effet, si au lieu d'y mettre l'élan de la sensibilité ou la simplicité du courage, l'actrice le prononce avec les lenteurs de la réflexion.

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Il est certain aussi que les maximes tant reprochées à Voltaire, et qu'on devrait encore plus reprocher à Corneille, sans être toujours un défaut dans la tragédie, pourraient le plus souvent être remplacées par des beautés d'un ordre supérieur ; qu'alors leur plus grand mérite est de paraître naturellement placées, et qu'au lieu de s'attacher à les faire ressortir, les acteurs doivent mettre tous leurs soins à les lier tellement au discours qu'elles y paraissent nécessaires, et ne présentent d'autre idée que celle du sentiment qui les a amenées.

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QUAND on vient de relire les commentaires de Voltaire sur Corneille; quand on se rappelle que ce fut Voltaire qui un des premiers nous apprit à admirer véritablement Racine, on est singulièrement frappé en voyant ses tragédies, sur-tout OEdipe, la première de toutes, d'y trouver un trèsgrand' penchant à imiter les défauts de Corneille, qu'il n'a peut-être relevés depuis avec un peu de sévérité, que pour en avoir été d'abord un peu trop séduit. C'est déjà une grande ressemblance que cette dispo'sition qu'ils ont montrée tous deux à sacrifier un peu la vraisemblance à l'effet, ce talent pour amener des situations théâtrales, mais souvent par des moyens un peu forcés.

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Peut-être ces légères imperfections des beaux ouvrages de Corneille ne tiennentelles pas absolument au tems où il écrivait, Racine les a évitées; Voltaire y est retombé depuis, et il est permis de croire

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