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Les gouvernements qui avaient le plus besoin de lumières sur ce point, n'ont rien fait pour en obtenir. Bonaparte, qu'on peut citer sans indiscrétion, puisqu'il n'est plus, voulut tenter une opération ultrà-civilisée, la répression du monopole maritime insulaire. Il ne provoqua pas la moindre invention contre ce monopole; et comme il était lui-même tout aheurté au simplisme, il n'imagina contre l'Angleterre que des attaques d'ordre simple, qui le conduisirent à sa perte il fut renversé par un agioteur.

L'Europe croit en avoir eu l'honneur ; c'est à tort il est certain que l'Europe aurait échoué et serait encore asservie aujourd'hui, si un agioteur de Paris n'eût donné à Bonaparte un croc-en-jambe, par une famine factice, qui fit avorter la campagne de Russie, en la différant de six semaines. Commencée à temps, au 15 mai, comme celle de Tilsitt, aurait eu plein succès. Bonaparte, si menaçant avec les rois, osa à peine se plaindre de cet agioteur. Il révérait tant les marchands qu'il méritait bien de tomber dans leurs embûches.

elle

D'autre part, il brûlait d'une secrète envie de s'emparer du commerce. L'envahissement des tabacs l'avait alléché, et il ne songeait qu'à happer pièce à pièce les autres branches, dans des temps plus favorables. Déjà il tenait à moitié, par voie indirecte, le négoce des denrées coloniales. Il avait conçu par hasard un plan très-sage dont il n'entrevit pas les résultats: il méditait de s'emparer du transport intérieur, dit roulage on en badinait dans les comptoirs, en disant, l'Empereur veut se faire Roulier! Je répondais que ce serait l'cpération la plus judicieuse de son règne; car le premier pas à faire pour métamorphoser le commerce mensonger en véridique, c'est d'occuper les deux extrêmes ou transitions de mécanisme :

Le Roulage, transition matérielle;
Le Courtage, transition politique.

Ces deux points une fois envahis, le commerce est bloqué, et on peut, en trois ans d'opérations sur la maîtrise proportionnelle (transit. ascend. simp. 249), le forcer à capituler sans aucune violence, et sans autre monopole que celui des deux transitions mécaniques, dont personne n'a songé à s'emparer.

DE LA LICENCE COMMERCIALE,

DE SES VICES CONNUS ET DE SES DANGERS INCONNUS.

(Théorie des 4 mouv.)

1808.

Nous touchons à l'endroit sensible de la Civilisation; c'est une pénible tâche que d'élever la voix contre la folie du jour, contre des chimères qui sont en pleine vogue.

Parler aujourd'hui contre les ridicules commerciaux, c'est s'exposer à l'anathème, comme si l'on eût parlé au XIIe siècle contre la tyrannie des Papes et des Barons. S'il fallait opter entre deux rôles dangereux, j'estime qu'il y aurait moins de risque à offenser un Souverain par de fâcheuses vérités qu'à offenser le Génie mercantile qui règne en despote sur la Civilisation et sur les Souverains mêmes.

Ce n'est jamais au plus fort de l'engouement qu'on porte des jugements sains en affaires sociales, témoin les systèmes commerciaux; une légère analyse va prouver qu'ils dépravent et désorganisent en tous sens la Civilisation, et qu'en matière de commerce, comme en toute autre, on s'égare de plus en plus sous les auspices des Sciences incertaines.

La controverse commerciale ne date guère que d'un demisiècle, et ses auteurs ont déjà fourni des milliers de volumes sans s'apercevoir que le Mécanisme du commerce est organisé à rebours du sens commun. Il subordonne le Corps social à une classe d'agents parasites et improductifs, qui sont les Négociants. Toutes les classes essentielles, le propriétaire, le cultivateur, le manufacturier, et même le Gouvernement, se trouvent maîtrisées par une classe accessoire, par le Négociant, qui devrait être leur inférieur, leur agent commissionné, amovible et responsable, et qui pourtant dirige et entrave à son gré tous les ressorts de la circulation.

Telle est la thèse sur laquelle ie disserterai; j'établirai

qu'en bonne politique le Corps commercial doit être solidaire et assureur de lui-même, et que le Corps social doit être assuré contre les Banqueroutes, l'Agiotage, l'Accaparement, l'Usure, les Déperditions, et autres désordres qui naissent du système actuel; système qui aurait dû exciter depuis longtemps l'indignation de tous les écrivains politiques, s'ils avaient pour les bonnes mœurs l'ombre du respect dont ils font parade.

Je ne veux dans ce premier Mémoire que préluder à la question, signaler les scandales qui attestaient notre égarement et qui excitaient à la recherche d'un Mode d'Échange moins vicieux que le Mode actuel, qu'on appelle la Libre Concurrence.

Il est pour l'Échange comme pour toute autre relation un procédé affecté spécialement à chaque Période; par exemple: En 4o Période (ou Barbarie), la vente forcée, les maximations, tarifs, etc.;

En 5e Période (ou Civilisation), la libre Concurrence, l'indépendance du marchand;

En 6o Période (ou Garanties), la Concurrence sociétaire, la solidarité et subordination du corps commercial aux intérêts des producteurs, des manufacturiers, cultivateurs et propriétaires.

Il est pour les diverses Périodes d'autres procédés dont je ne donne pas le tableau, ne voulant parler que du 6o procédé, de la Concurrence sociétaire, qui est compatible avec nos usages, et qui est déjà aussi préférable au commerce libre que celui-ci est préférable aux maximations, tarifs et autres usages de 4o Période ou Barbarie.

C'est ici un débat que je traiterai en Civilisé comme si les lois du Mouvement n'étaient pas inventées; oublions pour un moment leur découverte, et raisonnons comme s'il ne s'agissait que de chercher un remède aux désordres commerciaux de la Civilisation. Voyons quelle marche auraient dû suivre, dans cette circonstance, les économistes, qui s'attribuent la compétence en affaires mercantiles.

Dans le cours de la discussion qui va suivre, j'aurai lieu d'exprimer des opinions peu flatteuses pour le Commerce en général; mais j'ai observé déjà qu'en critiquant une profes

sion je ne critique pas les individus qui l'exercent. Quiconque déclame contre les manœuvres des agioteurs, des procureurs ou autres, les surpasserait peut-être en avidité s'il était à leur place; on ne doit jamais blâmer les passions des individus, mais blâmer seulement la Civilisation qui, n'ouvrant aux passions que les routes du vice pour se satisfaire, force l'homme à pratiquer le vice pour arriver à la fortune, sans laquelle il n'est point de bonheur.

La digression sera divisée comme il suit :

1° Origine de l'Economie politique et de la controversé mercantile;

2o Spoliation du corps social par la Banqueroute;

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6o Décadence de la Civilisation par l'esprit commercial qui la conduisait en 4o phase (1).

I.

origine de l'ÉCONOMIE POLITIQUE

et de la Controverse mercantile.

C'est ici un sujet vraiment digne de l'Epopée. Muse, redisnous les exploits de ces Novateurs audacieux qui ont terrassé l'antique Philosophie; une Secte sortie tout à coup du néant, les Économistes ont osé attaquer les dogmes révérés de la Grèce et de Rome. Les vrais modèles de la vertu, les Cyniques, les Stoïciens, tous les illustres amants de la Pauvreté et de la Médiocrité, sont en déconfiture, et plient devant les économistes, qui combattent pour la cause du Luxe.

(1) [Le Traité des crimes du Commerce en définira 32; je n'en décrirai que 4; ayant voulu sur ce sujet comme sur tout autre me borner à des aperçus, conformément à mon titre de Prospectus.

Le divin Platon, le divin Sénèque sont chassés de leurs trones; le brouet noir des Spartiates, les raves de Cincinnatus, la souquenille de Diogène, tout l'arsenal des Moralistes est frappé d'impuissance, tout fuit devant des Novateurs impies qui permettent l'amour du faste, de la bonne chère et des plus vils métaux, tels que l'or et l'argent.

C'est en vain que les Jean-Jacques et les Mably ont défendu courageusement l'honneur de la Grèce et de Rome. Vainement ont-ils représenté aux Nations les vérités éternelles de la Morale : « que la pauvreté est un bien, qu'il >> faut renoncer aux richesses et embrasser sans délai la Phi» losophie (1). » Inutiles remontrances ! rien n'a pu résister au choc des nouveaux dogmes : le siècle corrompu ne respire que traités de commerce et balances de commerce par sous et deniers; les drapeaux du Portique et du Lycée sont désertés pour les Académies de Commerce et les Sociétés d'amis du Commerce; enfin, l'irruption des Économistes a été pour les Sciences incertaines une autre journée de Pharsale, où la sagesse d'Athènes et de Rome, et toute la belle Antiquité, ont essuyé une irréparable défaite.

Humainement parlant, la Civilisation a changé de phase : elle a passé de la 2e à la 3e où l'esprit commercial domine et régit exclusivement la Politique (p. 326). Ce changement est né des progrès de l'Art nautique et des Monopoles coloniaux. Les philosophes qui interviennent toujours après coup

(1) Ce sont les propres paroles de Sénèque, de l'homme aux 80 millions. Il veut qu'on se défasse des richesses à l'instant ; il ne don ne point de délai. Qu'attendez-vous ? dit-il, ne remettez point » à demain ; abandonnez vos richesses aujourd'hui même, pour » vous livrer à la Philosophie. »

Voilà les jongleries qui ont occupé la Civilisation pendant 2,000 ans; ces sornettes ont passé pour de la sagesse. Aujourd'hui l'on sent le ridicule de ces savantas qui nous conseillent de « jeter » les richesses perfides dans le sein des mers avides. (J.-B. Rousseau.) Eh bien ! ces faiseurs de phrases ne sont pas encore les plus ridicules; il est des histrions plus ineptes et plus coupables; c'est la coterie des Économistes, d'autant plus dangereuse qu'elle s'affuble d'un masque de raison.

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