Obrazy na stronie
PDF
ePub

>> ces générations tardives, et je n'ai point échappé au » malheur commun; du moins je déplore mes misères, » et je n'ose en parler qu'en tremblant. Porté naturelle>>ment à l'étude des choses qui font le sujet de cet ou»vrage, je fus entraîné à l'écrire par les goûts de mon >> esprit et la continuité de mes loisirs : ce sont de simples >> réflexions que je publie. On y reconnoîtra, j'espère, » un amour pur du vrai. J'aimerois mieux les anéantir » jusqu'à la moindre trace, que d'apprendre qu'elles >> renferment une opinion qui puisse égarer. »

Rien n'est plus noble, plus touchant, plus aimable que ce mouvement; rien ne fait tant de plaisir que de rencontrer de pareils traits au milieu d'un sujet naturellement sévère. On peut appliquer ici à l'auteur le mot du poète grec : « Il sied bien à un homme armé de jouer de » la lyre. »

On prétend aujourd'hui qu'il faut toujours, dans l'examen des ouvrages, faire une part à la critique : nous l'avons donc faite. Cependant, nous l'avouerons, si nous étions condamnés à jouer souvent le triste rôle de censeur, ce qu'à Dieu ne plaise, nous aimerions mieux suivre l'exemple d'Aristote, qui, au lieu de blâmer les fautes d'Homère, trouve douze raisons pour les excuser. Nous pourrions encore reprocher à l'auteur des Essais quelques amphibologies dans l'emploi des pronoms, et quelque obscurité dans la construction des phrases; toutefois son livre, où l'on trouve différents genres de mérite, est purgé de ces fautes de goût que tant d'auteurs laissent échapper dans leurs premiers ouvrages. Racine même ne fut pas exempt d'affectation et de recherche dans sa jeunesse; et le grand, le sublime, le grave Bossuet fut un bel esprit de l'hôtel de Rambouillet. Ses premiers sermons sont pleins d'antithèses, de bat

304 ESSAIS DE MORALE ET DE POLITIQUE.

tologie et d'enflure de style. Dans un endroit il s'écrie tout à coup: << Vive l'Éternel!» Il appelle les enfants la recrue continuelle du genre humain; il dit que Dieu nous donne par la mort un appartement dans son palais. Mais ce rare génie, épuré par la raison qu'amènent naturellement les années, ne tarda pas à paroître dans toute sa beauté : semblable à un fleuve qui, en s'éloignant de sa source, dépose peu à peu le limon qui troubloit son eau, et devient aussi limpide vers le milieu de son cours que profond et majestueux.

Par une modestie peu commune, l'auteur des Essais ne s'est point nommé à la tête de son ouvrage; mais on assure que c'est le dernier descendant d'une de ces nobles familles de magistrats qui ont si long-temps illustré la France'. Dans ce cas nous serions moins étonné de l'amour du beau, de l'ordre et de la vertu qui règne dans les Essais; nous ne ferions plus un mérite à l'auteur de posséder un avantage héréditaire; nous ne louerions que son talent.

⚫ Ce qui révéla le nom de l'auteur, c'est que le volume des Essais de morale se terminoit par la vie de Mathieu Molé.

DE LA

RÉVOLUTION

DE

FERNAMBOURG'.

Les derniers événements du Brésil, bien qu'ils aient été sans doute exagérés dans les premiers rapports, ont fixé les yeux de tous les hommes qui jugent de l'avenir par le présent, comme ils avoient cherché à deviner le présent par le passé.

Il ne faut pas croire que la révolution de Fernambourg soit un fait isolé; il est placé dans une chaîne de principes et de conséquences qui enveloppe aujourd'hui l'ordre social.

Il sera utile de réveiller un peu l'attention sur l'état actuel des choses. Il est toujours bon de savoir d'où l'on vient et où l'on va.

Toute révolution a des conséquences inévitables. Ces conséquences sont plus ou moins grandes, plus ou moins

↑ Juin 1947.

FRAGMENTS.

2

heureuses, plus ou moins funestes, selon qu'elle a lieu chez un peuple plus ou moins puissant, plus ou moins civilisé, plus ou moins influent sur tous les autres peuples par son génie, plus ou moins en rapport avec eux par sa position géographique.

Nous prêtâmes, en 1778, nos bras à l'Amérique républicaine. Nous revînmes de Boston la tête remplie de chimères républicaines.

A peine notre révolution étoit-elle commencée qu'elle agita l'Angleterre. Il ne fallut rien moins que l'inflexibilité de Pitt, le génie de Burke, une position insulaire et une guerre de vingt-trois ans, pour préserver la Grande-Bretagne. La religion, la morale, la vraie liberté, tirèrent un cordon autour de l'Angleterre contre notre athéisme, notre démoralisation, notre fausse liberté. On mit les principes françois au lazaret, et la peste n'entra point pour cette fois à Londres.

L'Europe continentale fut moins heureuse. Elle prit, il est vrai, les armes contre notre révolution, mais elle fut battue. L'énergie de la France révolutionnaire, habilement détournée de sa direction, se changea en force conquérante. Buonaparte, qui craignait l'impiété, la liberté, l'égalité, mêla, dénatura, écrasa, broya tout cela: il en fit de la gloire. L'Europe tomba, la France

se tut.

Dans cette nouvelle position, il y avoit plus de danger moral. Les principes révolutionnaires dormoient en France au bruit de la victoire : ce que la patrie avoit perdu en liberté elle le retrouvoit en puissance. L'esprit d'égalité s'arrangeoit même du despotisme : tous les hommes y sont égaux, avec cette différence que dans la première ils sont tous également grands, et sous le dernier tous également petits.

De ceci il résultoit pourtant des institutions fortes et monarchiques. La populacerie de la révolution disparoissoit; et comme, après tout, les principes d'une sage liberté sont éternels, ils se seroient sauvés à travers une tyrannie passagère.

Le bon sens et la modération manquoient à Buonaparte par ces défauts, il perdit ce qu'il avoit fait. Vaincus avec lui, nous cessâmes d'être les compagnons de ses triomphes, pour n'être plus que les flatteurs de sa gloire comme tels nous avons été punis.

La magnanimité des alliés fut réelle pourtant. Elle écouta la France qui redemandoit son roi. En nous rendant le premier des biens, l'Europe fit dans ses intérêts une chose habile: consacrer le principe de la légitimité, c'étoit pour les souverains consacrer leurs droits.

Mais ce n'est pas tout qu'une déclaration de droits; il faut encore prendre les mesures qui les soutiennent, connoître le mal qui reste, prévenir celui qui peut renaître.

:

Tout n'a pas été fini lorsque le joug de l'usurpateur a été brisé les triomphes disparus en France ont laissé voir la révolution cachée derrière eux. Buonaparte, pendant les cent jours, a rappelé cette révolution, son ancienne alliée; elle seroit redevenue son esclave après la victoire. Buonaparte a fui, la révolution est restée. Hâtonsnous de la renvoyer à son maître.

[ocr errors]

L'Europe, à son tour délivrée de la guerre, et n'étant plus obligé de penser à sa sûreté, a vu reparoître les symptômes du mal que nous lui avons inoculé.

Que les gouvernements connoissent donc leur situation politique; que de petits détails ne les empêchent pas de voir l'ensemble des objets; qu'il n'y ait parmi

« PoprzedniaDalej »