Je dois faire aujourd'hui vingt poftes fans manquer. Ami, reprit le Coq, je ne pouvois jamais Que celle Et ce m'eft une double joie De la tenir de toi. Je vois deux Lévriers Ils vont vite, & feront dans un moment à nous. Une autre fois. Le galant auffi - tôt Tire fes (2) grégues, gagne au haut, Et notre vieux Coq, en foi-même, Car c'eft double plaifir de tromper un trompeur. (2) Vieux mot, pour dire, tirer fes chauffes, s'enfuir. Ménage foupçonne que Gregue vient de Graca, comme qui diroit, Culote à la Grecque. FABLE XV I. Le Corbeau voulant imiter l'Aigle. L'oifeau (1) de Jupiter enlevant un mouton ; Un Corbeau témoin de l'affaire, Et plus foible de reins, mais non pas moins glouton, En voulut fur l'heure autant faire. Il tourne à l'entour du troupeau, Marque, entre cent moutons, le plus gras, le plus beau, Un vrai mouton de (2) facrifice. On l'avoit réservé pour la bouche des Dieux. Mais ton corps me paroit en merveilleux état: Sur l'animal bêlant, à ces mots il s'abat. Pefoit plus qu'un fromage; outre que fa toifon Et mêlée, à peu près, de la même façon Elle empêtra fi bien les (4) ferres du Corbeau, (4) Les l'atres. (5) Attrait captieux, qui n'eft bon qu'à tromper ceux qui courent après. Tous les mangeurs de gens ne font pas grands Sei gneurs: Où la guêpe a paffé, le moucheron demeure. FABLE XVI I. Le Paon Se plaignant à Junon. Le Paon fe plaignoit à Junon. Déeffe, difoit-il, ce n'eft pas fans raifon Au-lieu qu'un Roffignol, chétive créature, Diseaux jaloux, & qui devrois te taire, Une fi riche queue, & qui femble à nos yeux Eft-il quelque oifeau fous les cieux Tout animal n'a pas toutes propriétés ; (1) Le chant du Paon n'a rien d'agréable, C'est 'urôt un miaulement qu'un chant. La Corneille avertit des malheurs à venir. Ceffe donc de te plaindre, ou bien, pour te punir, Je t'ôterai ton plumage. FABLE XVIII. La Chatte métamorphofée en femm? Un fa n Homme chériffoit éperdument sa Chatte, Il la trouvoit mignonne, & belle, & délicate,, Qui miauloit d'un ton fort doux : Il étoit plus fou que les fous. Cet Homme donc, par prieres, par larmes, Fait tant qu'il obtient du deftin, Elle manqua fon avanture. Souris de revenir, Femme d'être en pofture. Car ayant changé de figure, 11 fe moque de tout: certain âge accompli, Quelque chofe qu'on puiffe faire, (1) Tout ce que nous dit ici La Fontaine, Horace l'a renfermé plus heureufement, à mon avis, dans ce vers: Naturam expellas furcâ, tamen ufque recurret. Epift. x. lib. 1. . & je ne fçaurois m'empêcher d'ajoûter (fans décider pourtant) que La Fontaine auroit beaucoup mieux fait de terminer fa Fable par ces deux vers: Il se moque de tout; certain age accompli, Le vafe eft imbibé, l'étoffe a pris fon pli. car le reste n'eft qu'une foible répétition de la même pensée, ou je crois que La Fontaine s'eft engagé par l'envie d'imiter Horace. Le Lion & l'Ane chassant. Le Roi des animaux fe mit un jour en tête De (1) giboyer. Il célébroit fa fête. Le gibier du Lion ce ne font point moineaux, (1) Aller à ́la chasse du gibier, - |