FABLE XI. Le Lion & le Rat. FABLE E XII. La Colombe & la Fourmi. Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde. On a fouvent befoin d'un plus petit que foi. Tant la chofe en preuves abonde. Entre les pattes d'un Lion, Un Rat fortit de terre, affez à l'étourdie. Dont fes rugiffemens ne le pûrent défaire. L'au Patience & longueur de temps Font plus que force ni que rage. 'autre exemple eft tiré d'animaux plus petits. Le long d'un clair ruiffeau bûvoit une Colombe: Quand fur l'eau fe penchant une Fourmis y tombe. Et dans cet Océan (1) l'on eût vu la Fourmis Un brin d'herbe dans l'eau, par elle étant jetté, Paffe un certain (3) croquant qui marchoit les pieds nuds: Ce croquant, par hazard, avoit une arbalete. Dès qu'il voit (4) l'Oifeau de Vénus, Il le croit en fon pot, & déjà lui fait fête. Tandis qu'à le tuer mon Villageois s'apprête, La Fourmis le pique au talon. Le (5) vilain retourne la tête. La Colombe l'entend, part, & tire de (6) long. Le foupé du croquant avec elle s'envole. Point de Pigeon pour une obole. (1) La grande mer, par raport à la Fourmi. (2) Pointe de terre ou de roche, qui avance dans la mer. (3) Un Paifan. En 1637. fous Louis XIII. il fe fit un foulèvement de quelques communes dans le Périgord & la Xaintonge, qui, fous prétexte de liberté ne vouloient plus payer de fubfides; & fe nommoient Croquans. De ce nom a été employé pour défigner en général un pauvre Paifan, un Villageois, (4) La Colombe. (5) Mot ancien, qui fignifie un Païfan. De Villa, Maifon de campagne, a été formé Villanus, qui n'eft que de la baffe latinité. (6) S'envole au plus vite. FABLE XII I. L'Aftrologue qui fe laisse tomber dans Un Aftrologue un jour fe laiffa cheoir Au fond d'un puits. On lui dit:Pauvre bête, Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir, Cette avanture en foi, fans aller plus avant, Peut fervir de leçon à la plupart des hommes. Parmi ce que de gens fur la terre nous fommes, Il en eft peu qui fort fouvent Ne fe plaifent d'entendre dire, Qu'au livre du deftin les mortels peuvent lire." Or du hazard il n'eft point de science :- De l'appeler hazard, ni fortune, ni fort, Quant aux volontés fouveraines; De celui qui fait tout, & rien qu'avec dessein, Qui les fçait que lui feul? Comment lire en fon fein? Auroit-il imprimé fur le front des étoiles Ce que la nuit des temps enferme dans fes voiles? De ceux qui de la fphére & du globe ont écrit? D'amener les faifons, de meurir les femences,) (1) Anticipés par notre imagination, norbao I Du refte, en quoi répond au fort toujours divers Ce train toujours égal dont marche l'univers ? Charlatans, faiseurs d'horoscope, Quittez les Cours des Princes de l'Europe. Emmenez avec vous les (2) fouffleurs tout d'un temps; Vous ne méritez pas plus de foi que ces gens. Je m'emporte un peu trop: revenons à l'histoire De ce Spéculateur qui fut contraint de boire. Outre la vanité de fon art mensonger, #51 C'eft l'image de ceux qui bâillent aux chimeres, Cependant qu'ils font en danger, han Soit pour eux, foit pour leurs affaires. (1) Les Chimiftes qui s'amufent à chercher la pierre philofophale, c'est-à-dire, le moyen de convertir des métaux communs en or. FA BLE XIV. 'Le Liévre & les Grenouilles. Un Liévre en fon (1) gite fongeoit ; (Car que faire en un gite, à moins que l'on ne fonge?) Sont, difoit-il, bien malheureux!! Ils ne fçauroient manger morceau qui leur profite: (1) L'endroit où il se retire pour dormir & fe repofer. Je croi même qu'en bonne foi, Il étoit douteux, inquiet: Un fouffle, une ombre, un rien, tout lui donnoit la fiévre. Le mélancolique animal, En rêvant à cette matiére, Il s'en alla paffer fur le bord d'un étang. Qu'on m'en fait faire! Ma préfence Effraie auffi les gens! je mets l'allarme au camp! Il n'eft, je le vois bien, fi poltron fur la terre, FABLE X V. Le Coq &le Renard. Un vieux Coq adroit & (1) matois. Paix générale cette fois. Je viens te l'annoncer; defcens que je t'embraffe. Ne me retarde point, de grace: (1) Rufé. |