La difficulté fut d'attacher le grelot. L'un dit: Je n'y vas point, je ne fuis pas fi fot; Ne faut-il que délibérer ? La Cour en Confeillers foifonne. L'on ne rencontre plus perfonne. (2) Voire eft un vieux mot, mais fi bien placé dans cet endroit, que les Dames qui lifent cette Fable, ne s'aperçoivent pas de fon ancienneté. D'où je fuis tenté de conclure, qu'on pourroit employer avec fuccès bien des mots furannés qu'on a laiffé perdre fans en mettre d'antres à la place, & qui, employés à propos, plairoient comme dans La Fontaine, ce qu'on ne peut pas dire de cette foule de mots nouveaux qu'on fubftitue tous les ours à d'autres très-ufités, qui par-là font en danger de perdre. Le Loup plaidant contre le Renard pardevant le Singe. Un Loup difoit que l'on l'avoit volé. Un Renard, fon voifin, d'affez mauvaise vie, Non point par Avocats, mais par chaque partie. (1) Accusé en Justice. Le Magiftrat fuoit en fon lit de Juftice. Le Juge, inftruit de leur malice, Leur dit: Je vous connois de long-tems, mes amis; Car toi, Loup, tu te plains, quoiqu'on ne t'ait rien pris, Quelques perfonnes de bon fens ont cru que l'impossiBilite la contradiction qui eft dans le jugement de ce Singe, étoit une chose à cenfurer, mais je ne m'en fuis, fervi qu'après Phédre. Ceft en cela que confifte le bon mot, felon mon avis. FABLE I V. Les deux Taureaux & une Grenouille. Deux Taureaux combattoient à qui poffederoir Une Géniffe avec l'empire. 1 Sera l'exil de l'un; que l'autre le chaffant, Le fera renoncer aux campagnes fleuries? 11 ne régnera plus fur l'herbe des prairies, Viendra dans nos marais régner fur les rofeaux; I (1) Une autre Grenouille. Et nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux Fantôt l'une, & puis l'autre, il faudra qu'on pâtisse Du combat qu'a caufé madame la Géniffo. Cette crainte étoit de bon fens. L'un des Taureaux en leur demeure Il en écrafoit vingt par heure. (2) Hélas! on voit que de tout temps Les petits ont pâti des fottifes des Grands. (1) Ce qui revient à ce que dit Horace à l'occafion de la guerre de Troye : Quidquid delirant Reges plectuntur Achivi. FABLE V. La Chauve-fouris & les deux Belettes. U fut, ne Chauve-fouris donna tête baissée, Quoi ? vaus ofez, dit-elle, à mes yeux vous produire, Moi Souris ! Des méchans vous ont dit ces nouvelles; Je fuis oifeau: voyez męs atles: Deux jours après, notre étourdie Chez une autre Belette aux oifeaux ennemie. Je fuis Souris vivent les Rats; Par cette adroite répartie Elle fauva deux fois fa vie. Plufieurs fe font trouvés qui (1) d'écharpe changeans Aux dangers, ainfi qu'elie, ont fouvent (1) fait la figue. Le Sage dit, felon les gens, Vive le Roi, vive la (3) Ligue. (1) Paroiffant tantôt d'un parti & tantôt d'un autre. C'eft une chofe ordinaire que les partis fe diftinguent les uns des autres par des écharpes de différentes couleurs. (2) Faire la figue fignifie le moquer. (3) Parti opofe à celui du Roi. L'Oiseau bleffé d'une fléche. Mortellement atteint d'une (1) fléche empennée, Un Oifeau déploroit fa trifte destinée; (1) Munie de plumes, qui contribuent à la direction à la rapidité de fon vol. Et difoit en fouffrant un furcroit de douleur, Cruels humains, vous tirez de nos ailes De quoi faire voler ces machines mortelles. Mais ne vous moquez point, engeance fans pitié : Souvent il vous arrive un fort comme le nôtre. Des enfans de (2) Japet toujours une moitié Fournira des armes à l'autre. (2) Si, felon la Fable, les hommes font enfans de Fa pet, on ne voit pas trop bien comment elle a pû attribuer la formation de l'homme à Prométhée fils de Japet. Mais il feroit ridicule de s'arrêter ici à démêler cette fufée. U ne (1) Lice étant fur fon (2) terme, Ce fecond terme échû, l'autre lui redemande Ses enfans étoient déjà forts. (1) Une groffe chienne. ( 2 ) Préte à mettre bas ses petits. |