Sans tant de (5) contredit & d'interlocutoires, On verra qui fçait faire, avec un fuc fi doux, Le refus des Frêlons fit voir Que cet art paffoit leur fçavoir; Et la Guêpe adjugea le miel à leurs parties. Plût à Dieu qu'on réglât ainfi tous les procès! Il ne faudroit point tant de frais. Au-lieu qu'on nous mange, on nous gruge, On fait tant à la fin que l'huître eft pour le Juge, (5) Terme de Pratique. 6) C'eft le recueil de Loix. FABLE X X I I. Le Chêne & le Rofeau. Le Дe Chêne un jour dit au Roseau : Vous avez bien fujet d'accufer la Nature; Un (1) Roitelet pour vous eft un pefant fardeau. Le moindre vent qui' d'avanture Fait rider la face de l'eau, Vous oblige à baiffer la tête; Cependant que mon front, au (2) Caucase pareil (1) Fort petit Oifeau. Qui voudra fçavoir pourquoi set oifeau a été apele Roitelet, e'eft-à-dire, petit Roi n'a qu'à confulter Plutarque, dans fon Traite, intitulé Inftruction pour ceux qui manient affaire d'Etat ch. 7. de la sraduction d'Amyot. (2) Haute Montagne en Afie. Non content d'arrêter les rayons du Soleil, Tout vous eft (3) aquilon, tout me femble (4) zéphir. Mais vous naissez le plus fouvent Bur les humides bords des (5) royaumes du vent. Mais attendons la fin. Comme il difoit ces mots, Et fait fi bien qu'il déracine (8) Celui de qui la tête au ciel étoit voifine, 9) Et dont les pieds touchoient à l'empire des morts. (3) Vent très-impétueux. (4) Vent fort doux. (5) Les eaux, comme les étangs, (6) L'extrêmité aparente du Ciel, (7) Un vent des plus violens. (8) Imité de Virgile, qui dit en parlant du Chêne: .... Qua quantum vertice ad auras. Ethereas, tantum radice in Tartara tendit.. Georg. L. II. v. 295, 292. (9) Expreffion poètique, pour dire, Et dont les raciyer neroient fort avant dans la terre. Fin du premier Livre. 30 LIVRE SECOND. FABLE Q PREMIERE. Contre ceux qui ont le goût difficile. uand j'aurois en naiffant reçu de (1) Calliope Les dons qu'à fes Amans cette Muse a promis, Je les confacrerois aux (2) menfonges d'Efope: Le menfonge & les vers de tout temps font amis. Mais je ne me crois pas fi chéri du Parnaffe Que de fçavoir orner toutes ces fictions; On peut donner du luftre à leurs inventions: On le peut, je l'effaie; un plus fçavant le faffe.Cependant jufqu'ici d'un langage nouveau J'ai fait parler le loup & répondre l'agneau : J'ai paffé plus avant; les arbres & les plantes Sont devenus chez moi créaturés parlantes. Qui ne prendroit ceci pour un enchantement? Vraiment, me diront nos critiques, Vous parlez magnifiquement De cinq ou fix contes d'enfant, (1) Une des Mufes. (2) Fables, fictions. Cenfeurs, en voulez-vous qui foient plus autentiques, Et d'un ftile plus haut? En voici. Les Troyens, Après dix ans de guerre autour de leurs murailles, Avoient laffé les Grecs, qui, par mille moyens, Par mille affauts, par cent batailles, N'avoient pû mettre à bout cette fiére Cité: Quand un cheval de bois, par Minerve inventé, D'un rare & nouvel artifice, Dans fes énormes flancs reçut le fage (3) Ulyffe, Le vaillant (3) Dioméde, (3) Ajax l'impétueux, Que ce Coloffe monftrueux Avec leurs efcadrons devoit porter dans Troie, Livrant à leur fureur fes Dieux mêmes en proie? Stratagême inoui, qui des Fabricateurs Paya la conftance & la peine. C'eft affez, me dira quelqu'un de nos auteurs, Vos héros avec leurs (4) phalanges, Qu'un renard qui cajole un corbeau fur fa voix. Au doux Zéphir, & le priant De les porter à fon amant. Je vous arrête à cette rime, Remettez, pour le mieux, ces deux vers à la fonte. (3) Princes, Héros, Grecs. (4) Troupes de Soldats. Maudit Cenfeur, te tairas-tu? FABLE Confeil tenu par les Rats. Un n Chat nommé Rodilardus, Faifoit de Rats telle (1) déconfiture, Que l'on n'en voyoit prefque plus, Tant il en avoit mis dedans la fépulture. Non pour un Chat, mais pour un diable. Le galant alla chercher femme, Pendant tout le fabbat qu'il fit avec sa dame, Dès l'abord, leur Doyen, perfonne très-prudente, Qu'ainfi, quand il iroit en guerre, De fa marche avertis ils s'enfuiroient fous terre; Chacun fut de l'avis de monfieur le doyen. (1) Destruction. |