Qu'on en faifoit jadis (1) le partage des dieux? Elle vous cherchera: fon fexe en use ainfi. Vous fçavez que nul n'eft prophéte En fon pays: cherchons notre avanture ailleurs. Cherchez, dit l'autre ami: pour moi je ne souhaite Ni climats, ni deftins meilleurs. Contentez-vous; fuivez votre humeur inquiéte: Vous reviendrez bientôt. Je fais vœu cependant De dormir en vous attendant. L'ambitieux, ou fi l'on veut, l'avare, S'en va par voie & par chemin. Il arriva le lendemain En un lieu que devoit la Déesse bizarre Bref fe trouvant à tout, & n'arrivant à rien. (1) Selon Epicure & fes Sectateurs, les Dieux vivoi dans un doux repos, fans fe mêler des affaires du Mon (2) Du Roi. (3) Loger chez moi. (4) Groffe Ville de commerce dans les Indes. Allons là. Ce fut un de dire & s'embarquer. Celui-ci, pendant fon voyage, Plus d'une fois; effuyant les dangers Des (9) pirates, des vents, du calme & des rochers, Qu'il tira de fes longs voyages, Ce fut cette leçon que donnent les fauvages: Ce qui lui fit conclure en fomme, Revient en fon pays, voit de loin fes (9) pénates, (5) La Fontaine imite affez heureufement ici ce pas. fage d'Horace, Illi robur & as triplex circa pecus erat. Ode 3. Livre 1. On ne peut pas dire la même chole de ce qui fuit, Qui fragilem truci commifit pelato ratem Primus. Car l'expreffion du Poëte Latin eft fans doute beaucoup plus jufte & plus naturelle que celle-ci, Et le premier ofa Pabime défier. (6) Voleurs de mer. (7) Puiffant Royaume au Nord Eft de la Chine. (8) Grand Royaume des Indes. (9) La maison où étoient les Dieux domestiquese Il ne fçait que par ouï-dire Ce que c'eft que la cour, la mer, & ton empire, Et contre la Fortune ayant pris ce confeil, De fon ami plongé dans un profond.fommeil. FABLE XI I I. Le deux Coqs. Deux Cogs vivoient en paix, une Poule furvint, Et voilà la guerre allumée. (1) Amour, tu perdis Troye ; & c'eft de toi que vint Cette querelle envenimée, Où du fang des dieux même on vit le (2) Xanthe teint. Pleura fa gloire & fes amours; Ses amours, qu'un rival tout fier de fa défaite 1) A caufe de l'enlèvement d'Héléne par Pâris Prin ce Troyen. (z) Riviére qui couloit à Troye, Cet objet rallumer fa haine & fon courage. Il n'en eut pas befoin. Son vainqueur fur les toits Un Vautour entendit fa voix: Tout cet orgueil périt fous l'ongle du (3) Vautour. Son rival autour de la Poule La Fortune se plait à faire de ces coups: (3) Oifeau de proie, qui dévora le Coq. FABLE XIV. L'ingratitude & l'injuftice des Hommes envers la Fortune. Un trafiquant fur mer, par bonheur s'enrichit: Il triompha des vents pendant plus d'un voyage. Sur tous fes compagnons, (1) Atropos & (2) Neptune (3) Recueillirent leur droit, tandis que la Fortune Prenoit foin d'amener fon marchand à bon port. Facteurs, affociés, chacun lui fut fidele. Il vendit fon tabac, fon fucre, sa canelle Ce qu'il voulut, fa porcelaine encor. Le luxe & la folie enflerent fon tréfor: On ne parloit chez lui que par doubles ducats; Lui dit: & d'où vient donc un fi bon ordinaire? Un vaiffeau mal (4) freté périt au premier vent. Un troifiéme, au port arrivant, Rien n'eut cours ni débit. Le luxe & la folic Enfin, fes (5) facteurs le trampant, Son ami le voyant en mauvais équipage, Lui dit: d'où vient cela? De la Fortune, hélas ! (1) Une des Parques, qui eft chargée de couper le fil de la vie des hommes. (2) Le Dieu de la Mer. (3) Les ayant fait périr par de funeftes naufrages (4) Terme de marine, pour dire, mal équipé. (5) Ceux qui avoient soin de fon négoce." |