Obrazy na stronie
PDF
ePub

Qu'on en faifoit jadis (1) le partage des dieux?
Rarement la fortune à fes hôtes le laiffe.
Ne cherchez point cette déeffe,

Elle vous cherchera: fon fexe en use ainfi.
Certain couple d'amis, en un bourg établi,
Poffèdoit quelque bien. L'un foupiroit fans cesse
Pour la Fortune: il dit à l'autre un jour,
Si nous quittions notre féjour ?

Vous fçavez que nul n'eft prophéte

En fon pays: cherchons notre avanture ailleurs. Cherchez, dit l'autre ami: pour moi je ne souhaite Ni climats, ni deftins meilleurs.

Contentez-vous; fuivez votre humeur inquiéte: Vous reviendrez bientôt. Je fais vœu cependant De dormir en vous attendant. L'ambitieux, ou fi l'on veut, l'avare, S'en va par voie & par chemin.

Il arriva le lendemain

En un lieu que devoit la Déesse bizarre
Fréquenter fur tout autre ; & ce lieu, c'eft la cour
Là donc, pour quelque temps, il fixe fon féjour,
Se trouvant au (2) coucher, au lever, à ces heures
Que l'on fçait les meilleures,

Bref fe trouvant à tout, & n'arrivant à rien.
Qu'eft ceci? fe dit il: cherchons ailleurs du bien
La Fortune pourtant habite ces demeures.
Je la vois tous les jours entrer chez celui-ci,
Chez celui-là: d'où vient qu'auffi
Je ne puis (3) héberger cette capricieuse?
On me l'avoit bien dit, que des gens de ce lieu
L'on n'aime pas toujours l'humeur ambitieuse.
Adieu, meffieurs de cour, meffieurs de cour, adie
Suivez jusques au bout une ombre qui vous flatte.
La Fortune a, dit-on, des Temples à (4) Surat

(1) Selon Epicure & fes Sectateurs, les Dieux vivoi dans un doux repos, fans fe mêler des affaires du Mon (2) Du Roi. (3) Loger chez moi.

(4) Groffe Ville de commerce dans les Indes.

Allons là. Ce fut un de dire & s'embarquer.
(5) Ames de bronze, humains, celui-là fut fans doute
Armé de diamant, qui tenta cette route,
Et le premier ofa l'abysme défier.

Celui-ci, pendant fon voyage,
Tourna les yeux vers fon village

Plus d'une fois; effuyant les dangers

Des (9) pirates, des vents, du calme & des rochers,
Miniftres de la mort. Avec beaucoup de peines
On s'en va la chercher en des rives lointaines,
La trouvant affez tôt fans quitter la maison.
L'homme arrive au Mogol: on lui dit qu'au (7) Japon
La Fortune pour lors diftribuoit fes graces.
Il y court: les mers étoient laffes
De le porter; & tout le fruit

Qu'il tira de fes longs voyages,

Ce fut cette leçon que donnent les fauvages:
Demeure en ton pays, par la nature inftruit.
Le Japon ne fut pas plus heureux à cet homme
Que le (8) Mogol l'avoit été :

Ce qui lui fit conclure en fomme,
Qu'il avoit à grand tort fon village quitté.
Il renonce aux courfes ingrates,

Revient en fon pays, voit de loin fes (9) pénates,
Pleure de joie, & dit: heureux qui vit chez foi,
De régler ses désirs faisant tout fon emploi.

(5) La Fontaine imite affez heureufement ici ce pas. fage d'Horace,

Illi robur & as triplex circa pecus erat.

Ode 3. Livre 1.

On ne peut pas dire la même chole de ce qui fuit,

Qui fragilem truci commifit pelato ratem Primus.

Car l'expreffion du Poëte Latin eft fans doute beaucoup plus jufte & plus naturelle que celle-ci,

Et le premier ofa Pabime défier.

(6) Voleurs de mer.

(7) Puiffant Royaume au Nord Eft de la Chine. (8) Grand Royaume des Indes.

(9) La maison où étoient les Dieux domestiquese

Il ne fçait que par ouï-dire

Ce que c'eft que la cour, la mer, & ton empire,
Fortune, qui nous fais paffer devant les yeux
Des dignités, des biens, que jusqu'au bout du monde
On fuit, fans que l'effet aux promeffes réponde.
Déformais je ne bouge, & ferai cent fois mieux.
En raisonnant de cette forte,

Et contre la Fortune ayant pris ce confeil,
Il la trouve affife à la porte

De fon ami plongé dans un profond.fommeil.

FABLE XI I I.

Le deux Coqs.

Deux Cogs vivoient en paix, une Poule furvint,

Et voilà la guerre allumée.

(1) Amour, tu perdis Troye ; & c'eft de toi que vint Cette querelle envenimée,

Où du fang des dieux même on vit le (2) Xanthe teint.
Long-tems, entre nos Coqs, le combat fe maintint.
Le bruit s'en répandit par tout le voisinage.
La gent qui porte crête au spectacle accourut.
Plus d'une Héléne au beau plumage
Fut le prix du vainqueur: le vaincu difparut:
Il alla fe cacher au fond de fa retraite,

Pleura fa gloire & fes amours;

Ses amours, qu'un rival tout fier de fa défaite
Poffédoit à fes yeux. Il voyoit tous les jours

1) A caufe de l'enlèvement d'Héléne par Pâris Prin ce Troyen.

(z) Riviére qui couloit à Troye,

Cet objet rallumer fa haine & fon courage.
Il aiguifoit fon bec, battoit l'air & fes flancs;
Et s'exerçant contre les vents,
S'armoit d'une jalouse rage.

Il n'en eut pas befoin. Son vainqueur fur les toits
S'alla percher & chanter fa victoire.

Un Vautour entendit fa voix:
Adieu les amours & la gloire.

Tout cet orgueil périt fous l'ongle du (3) Vautour.
Enfin, par un fatal retour,

Son rival autour de la Poule
S'en revint faire le coquet:
Je laiffe à penfer quel caquet,
Car il eut des femmes en foule.

La Fortune se plait à faire de ces coups:
Tout vainqueur infolent à fa perte travaille.
Défions -nous du fort, & prenons garde à nous,
Après le gain d'une bataille.

(3) Oifeau de proie, qui dévora le Coq.

FABLE

XIV.

L'ingratitude & l'injuftice des Hommes envers la Fortune.

Un trafiquant fur mer, par bonheur s'enrichit:

Il triompha des vents pendant plus d'un voyage.
Gouffre, banc, ni rocher, n'exigea de péage
D'aucun de fes ballots : le fort l'en affranchit.

[ocr errors][ocr errors]

Sur tous fes compagnons, (1) Atropos & (2) Neptune (3) Recueillirent leur droit, tandis que la Fortune Prenoit foin d'amener fon marchand à bon port. Facteurs, affociés, chacun lui fut fidele.

Il vendit fon tabac, fon fucre, sa canelle

Ce qu'il voulut, fa porcelaine encor.

Le luxe & la folie enflerent fon tréfor:
Bref, il plut dans fon efcarcelle.

On ne parloit chez lui que par doubles ducats;
Et mon homme d'avoir chiens, chevaux & caroffes:
Ses jours de jeûne étoient des nôces.
Un fien ami, voyant ces fomptueux repas,

Lui dit: & d'où vient donc un fi bon ordinaire?
Et d'où me viendroit - il, que de mon fçavoir-faire?
Je n'en dois rien qu'à moi, qu'à mes foins, qu'au talent
De risquer à propos, & bien placer l'argent.
Le profit lui femblant une fort douce chose,
11 risqua de nouveau le gain qu'il avoit fait :
Mais rien, pour cette fois, ne lui vint à fouhait
Son imprudence en fut la caufe.

Un vaiffeau mal (4) freté périt au premier vent.
Un autre,
mal pourvu des armes néceffaires,
Fut enlevé par les Corfaires. -

Un troifiéme, au port arrivant,

Rien n'eut cours ni débit. Le luxe & la folic
N'étoient plus tels qu'auparavant.

Enfin, fes (5) facteurs le trampant,
Et lui-même ayant fait grand fracas, chere lie,
Mis beaucoup en plaisirs, en bâtimens beaucoup
Il devint pauvre tout d'un coup.

Son ami le voyant en mauvais équipage,

Lui dit: d'où vient cela? De la Fortune, hélas !

(1) Une des Parques, qui eft chargée de couper le fil de la vie des hommes.

(2) Le Dieu de la Mer.

(3) Les ayant fait périr par de funeftes naufrages (4) Terme de marine, pour dire, mal équipé.

(5) Ceux qui avoient soin de fon négoce."

« PoprzedniaDalej »