Dans ans un chemin montant, fablonneux, mal-aifé, Et de tous les côtés au Soleil éxposé, Six forts chevaux tiroient un Coche. Une Mouche furvient, & des chevaux s'approche, S'affied fur le timon, fur le nez du Cocher. Et qu'elle voit les gens marcher, Elle s'en attribue uniquement la gloire, Va, vient, fait l'empreffée: il femble que ce foit La Mouche, en ce commun befoin, Il prenoit bien fon temps! Une femme chantoit: Après bien du travail, le coche arrive au haut. Ainfi certaines gens, faifant les empreffés, Ils font par-tout les néceffaires ; FABLE X. La Laitière & le Pot au Lait. Perrette errette, fur fa tête ayant un pot au lait, Prétendoit arriver fans (1) encombre à la ville. Notre Laitiére ainfi trouffée, Tout le prix de fon lait, en employoit l'argent,.. D'élever des poulets autour de ma maison: S'il ne m'en faiffe affez pour avoir un cochon. Le fait tombe: adieu veau, vache, cochon, couvée. 11) Malheur, accident fâcheux,542 201 cmumuni La Dame de ces biens, quittant d'un œil marri En grand danger d'être battue." Quel efprit ne bat la campagne? (2) Pichrocole, (3) Pyrrhus, la Laitiére, enfin tous, Autant les fages que les fous. Chacun fonge en veillant, il n'eft rien de plus doux, Tous les honneurs, toutes les femmes. Quand je fuis feul, je fais au plus brave un défi: Je m'écarte, je vais détrôner le (4) Sofi; On m'élit Roi, mon peuple m'aime : Les diadêmes vont fur ma tête pleuvant. Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même, Je fuis Gros - Jean comme devant. (2) Prince colére, ambitieux & vifionnaire, dont parle Rabelais. Gargantua, Liv, 1. ch. 33. (3) Pyrrhus, Roi des Epirotes: autre ambitieux vi Gionnaire, defcendu d'Achille. Voyez sa vie dans Plutarque, (4) Empereur de Perse. Un n mort s'en alloit triftement Notre défunt étoit en caroffe porté, Et vêtu d'une robe, hélas! qu'on nomme biére, Et récitoit à l'ordinaire Et des pfeaumes & des leçons, Monfieur le Mort, laiffez-nous faire, On vous en donnera de toutes les façons: Meffire Jean Chouart couvoit des yeux fon Mort, Et, des regards, fembloit lui dire: Il fondoit là-deffus l'achat d'une feuillette Sur Sur cette agréable penfée Un heurt furvient: adieu le char. Qui du choc de fon mort a la tête caffée: Proprement, toute notre vie Eft le Curé Chouart, qui fur fon mort comptoit, Et la Fable du Pot au lait. L'Homme qui court après la Fortune, & l'Homme qui l'attend dans fon lit. Qui ui ne court après la Fortune? Je voudrois, etre en lieu d'où je puffe ailément De ceux qui cherchent vainement Quand ils font près du bon moment, L'inconftante auffi-tôt, à leurs défirs échappe : Pauvres gens! Je les plains; car on a pour les fous Plus de pitié que de courroux. Cet homme, difent-ils, étoit planteur de choux; Ne le valons - nous pas ? vous valez cent fois mieux : II. Partie. I |