FABLE XI V. Simonide préfervé par les Dieux. On n ne peut trop louer trois fortes de perfonnes Les Dieux, fa Maîtreffe, & fon Roi. Malherbe (1) le difoit: j'y foufcris quant à moi: La louange chatouille, & gagne les efprits. L'éloge (3) d'un athlete ; &, la chofe effayée, Le Poëte d'abord, parla de fon Héros. Faifoit les deux tiers de l'ouvrage. L'athlete avoit promis d'en payer un talent : Mais quand il le vit, le galant (1) Excelent Poëte François, qui a vécu fous Henri IV, & Louis XIII. (2) Ancien Poëte Grec, très - célèbre, dont il ne nous refte que quelques fragmens. (3) On nommoit Athlétes ceux qui, dans la Gréce, paroiffoient en divers lieux & en divers tems devant de nombreuses affemblées de peuple, pour y difputer le prix de la courfe, de la lutte, &c. N'en donna que le tiers; & dit fort franchement Venez fouper chez moi : nous ferons bonne vie. Mes parens, mes meilleurs amis. Un domestique accourt, l'avertit qu'à la porte Ces deux hommes étoient les gémeaux de l'éloge. Et que cette maison va tomber à l'envers: Un pillier manque, & le plafond Une poutre caffa les jambes à l'athlete Pour la plupart eftropiés. La renommée eut foin de publier l'affaire. (4) Freres gémeaux, fils de Jupiter & de Léda, qui s'étant rendus fameux par leur adreffe dans les exercices du corps, & par leur valeur, furent placés entre les étoiles après leur mort. (3) Tout le refte de la compagnie. (6) Ceux qui avoient foin du buffet. Que méritoient les vers d'un homme aimé des Dieux. 11 n'étoit fils de bonne mere Qui, les payant à qui mieux mieux, Je reviens à mon texte; & dis premiérement, Jadis (8) l'Olympe & le (9) Parnaffe Etoient freres & bons amis. (7) Ici Melpomene fe prend pour le Poëte lui-même, qu'on fupofe infpire par cette Mufe. (8) Le fejour des Dieux. (9) Montagne habitée par les Mufes. FA BL E La Mort & te Malheureux. FABLE X V I. La Mort & le Bucheron. Un n malheureux apeloit tous les jours La Mort à fon fecours. O Mort, lui difoit-il, que tu me fembles belle! Vien vîte, vien finir ma fortune cruelle. La Mort crut, en venant, l'obliger en effet. Elle frape à fa porte, elle entre, elle fe montre. Que vois-je! cria -t-il, ôtez-moi cet objet; Qu'il eft hideux! Que fa rencontre N'aproche pas, ô Mort, & Mort, retire-toi. Mécénas (1) fut un galant homme : Il a dit quelque part: (2) qu'on me rende impotent, (2) Debilem facito manu, Tuber ad true gibberum, Lubricos quate dentes. Vita dum fuperest, benè eft. Si fedeam cruce, fuftine. Ces vers de Mecenas nous ont été confervés par Senéque Epift. 101. Ce fujet a été traité d'une autre façon par Efope, comme la Fable fuivante le fera voir. Fe compofai celleci pour une raifon qui me contraignoit de rendre la choSe ainfi générale. Mais quelqu'un me fit connoitre que j'eufe beaucoup mieux fait de fuivre mon original, & que je lailfois pafer un des plus beaux traits qui fut dans Efope. Cela m'obligea d'y avoir recours. Nous ne Scaurions aller plus avant que les Anciens: ils ne nous ont laffé pour notre part que la gloire de les bienfuivre. Je joins toutefois ma Fable à celle d'Efope, nor que la mienne le mérite, mais à caufe du mot de Mécénas que j'y fais entrer, & qui eft fi beau & fi à propos, que je n'ai pas crû le devoir omettre. U n pauvre Bucheron tout couvert de (1) ramée, Sous le faix du fagot auffi - bien que des ans, Gémiffant & courbé marchoit à pas pefans, Et tâchoit de gagner fa chaumine enfumée, (4) Paquet de branches avec leurs feuilles. Enfin, n'en pouvant plus d'effort & de douleur, Lui font d'un malheureux la peinture achevée. C'eft, dit-il, afin de m'aider A recharger ce bois, tu ne tarderas guère. Le trépas vient tout guérir, Mais ne bougeons d'où nous fommes, C'eft la devife des hommes. (2) Travail que les païfans doivent à leur Seigneur comme une redevance. FABLE X VI I. L'Homme entre deux ages, & fes deux Maitreffes. n homme de moyen âge. Il avoit du compant, De quoi choifir. Toutes vouloient lui plaire: (1) Ayant bien des cheveux blancs, (2) De l'argent, |