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C'étoft le Roi des Ours, au compte de ces gens.
Le Marchand, à fa peau, devoit faire fortune:
Elle garantiroit des froids les plus cuifans;

On en pourroit fourrer plutôt deux robes qu'une.
(1) Dindenaut prifoit moins fes Moutons qu'eux
leur Ours,

Leur, à leur compte, & non à celui de la bête.
S'offrant de la livrer au plus tard dans deux jours,
Ils conviennent de prix, & fe mettent en quête,
Trouvent l'Ours qui s'avance, & vient vers eux au trot.
Voilà mes gens frappés comme d'un coup de foudre.
Le marché ne tint pas, il fallut le réfoudre :
(2) D'intérêts contre l'Ours, on n'en dit pas un mot,
L'un des deux Compagnons grimpe au faîte d'un arbre;
L'autre plus froid que n'eft un marbre,
Se couche fur le nez, fait le mort, tient fon vent,
Ayant quelque part ouï dire,

Que l'Ours s'acharne peu fouvent

Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire.
Seigneur Ours, comme un fot, donna dans ce panneau.
Il voit ce corps gifant, le croit privé de vie;
Et de peur de fupercherie,

Le tourne, le retourne, approche fon museau,
Flaire aux paffages de l'haleine.

C'eft, dit-il, un cadavre: ôtons-nous, car il fent.
A ces mots, l'Ours s'en va dans la Forêt prochaine.
L'un de nos deux Marchands de fon arbre defcend :
Court à fon compagnon, lui dit que c'eft merveille,
Qu'il n'ait eu feulement que la peur pour tout mal.

(1) Marchand de Moutons, nomme Dindenant, févérement puni pour avoir infulté Panurge, & mis à trop haut prix fa marchandise ; comme Rabelais le raconte plaifam. ment à fa maniére. Voyez Pantagruel, Liv. IV. chap. 6, 7 & 8.

(2) Quant à la peine & à la dépense qu'avoit coûté cette expedition contre l'Ours', en ne lui en dit pas un mei,

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Et bien, ajouta-t-il, la peau de l'animal?
Mais que t'a-t-il dit à l'oreille?
Car il t'approchoit de bien près,
Te retournant avec fa ferre.

Il m'a dit qu'il ne faut jamais

Vendre la peau de l'Ours qu'on ne l'ait mis par terre.

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L'Ane vêtu de la peau du Lion.
De la peau du Lion l'Ane s'étant vêtu,

Etoit craint par- tout à la ronde;
Et bien qu'animal fans vertu,

Il faifoit trembler tout le monde.

Un petit bout d'oreille échappé par malheur,
Découvrit la fourbe & l'erreur.

(1) Martin fit alors fon office.

Ceux qui ne fçavoient pas la rufe & la malice,
S'étonnoient de voir que Martin
Chaffât les Lions au moulin.

Force gens font du bruit en France,

Par qui cet Apologue eft rendu families.
Un équipage cavalier

Fait les trois quarts de leur vaillance.

(1) Valet de Meûnier, armé d'un gros bâton.

Fin du cinquième "Livre.

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FA B LE I I

Le Lion & le Chaffeur.

Les Fables ne font pas ce qu'elles femblent être:

Le plus fimple animal nous y tient lieu de maître. Une morale nue apporte l'ennui:

Le conte fait paffer le précepte avec lui.

En ces fortes de feintes il faut inftruire & plaire;
Et conter pour conter me femble peu d'affaire.
C'est par cette raifon, qu'égayant leur efprit,
Nombre de gens fameux en ce genre ont écrit.
Tous ont fui l'ornement & le trop d'étendue.
On ne voit point chez eux de parole perdue.
Phédre étoit fi fuccinct qu'aucuns l'en ont blâné.
Efope en moins de mots s'eft encore exprimé.
Mais fur tous, certain (1) Grec renchérit & fe pique
D'une élégance (2) Laconique.

(1) Gabrias.

(2) Très-fuccincte, comme celles des Lacédémoniens.

Il renferme toujours fon conte en quatre vers:
Bien ou mal, je le laiffe à juger aux Experts.
Voyons - le avec Efope en un fujet femblable..
L'un aménc un Chaffeur, l'autre un (3) Pâtre en
fa Fable.

J'ai fuivi leur projet quant à l'événement,
Y coufant en chemin quelque trait feulement.
Voici comme, à peu près, Efope le raconte.

Un Pâtre à fes brebis trouvant quelque mécompte,
Voulut à toute force attraper le larron.

Il s'en va près d'un antre, & tend à l'environ
Des lacs à prendre loups, foupçonnant cette engeance.
Avant que de partir de ces lieux,

Si tu fais, difoit-il, ô (4) Monarque des Dieux,
Que le drôle à ces lacs fe prenne en ma préfence,
Et que je goûte ce plaifir,

Parmi vingt veaux je veux choifir
Le plus gras, & t'en faire offrande.

A ces mots fort de l'antre un Lion grand & fort.
Le Pâtre fe tapit, & dit à demi mort:

Que l'homme ne fçait guère, hélas ! ce qu'il demande!
Pour trouver le larron qui détruit mon troupeau,
Et le voir dans ces lacs pris avant que je parte,
O Monarque des Dieux, je t'ai promis un veau;
Je te promets un bœuf, fi tu fais qu'il s'écarte.

C'est ainfi que l'a dit le principal Auteur:
Paffons à fon imitateur.

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n Fanfaron, amateur de la chaffc, Venant de perdre un chien de bonne race, Qu'il foupçonnoit dans le corps d'un Lion, Vit un Berger. Enfeigne-moi de grace,

(3) Ou Berger qui garde des troupeaux de Brebis. (4) Jupiter.

De mon voleur, lui dit-il, la maison,
Que de ce pas je me faffe raison.

Le Berger dit: c'eft vers cette montagne.
En lui payant de` (1) tribut un mouton
Par chaque mois, j'erre dans la campagne
Comme il me plaît; & je fuis en repos.
Dans le moment qu'ils tenoient ce propos,
Le Lion fort, & vient d'un pas agile.
Le fanfaron auffi-tôt d'efquiver.
O Jupiter, montre-moi quelque asyle,
S'écria-t-il, qui me puiffe fauver.

La vraie épreuve de courage
N'eft que dans le danger que l'on touche du doigt:
Tel le cherchoit, dit-il, qui, changeant de langage,
S'enfuit auffi-tôt qu'il le voit.
(1) Comme une rente Seigneuriale.

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(1) Phoebus & Borée.

Borée & le Soleil virent un Voyageur,

Qui s'étoit muni par bonheur

Contre le mauvais temps. On entroit dans l'automne,
Quand la précaution aux Voyageurs eft bonne :.
Il pleut; le Soleil luit: & l'écharpe d'Iris

Rend ceux qui fortent avertis

(2) Qu'en ces mois le manteau leur eft fort néceffaire. LesLatins les nommoient(3)douteux pourcette affaire

(1) Le Soleil, & le Vent du Nord, qui eft en général très-violent.

(2) A caufe de la pluye qui forme actuellement l'Arcen Ciel, à la faveur des rayons du Soleil.

(3) Incertains. Incertis fi menfibus amnis abundans exit, Virg. Georg. L. 1. v. 111, 182.

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