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L'on va, l'on vient, les valets font cent tours,
L'intendant même; & pas un d'avanture

N'aperçut ni (2) cor, ni (2) ramùre,

Ni Cerf enfin. L'habitant des forêts

Rend déjà grace aux Bœufs, attend dans cette étable
Que chacun retournant au travail (3) de Cérès,
11 trouve pour fortir un moment favorable.
L'un des Boeufs ruminant, lui dit: cela va bien;
Mais quoi? L'homme aux cent yeux n'a pas fait fa

revue:

Je crains fort pour toi fa venue.

Jufque-là, pauvre Cerf, ne te vante de rien.
Là-deffus le Maître entre, & vient faire fa ronde.
Qu'est ceci? dit-il à son monde,

Je trouve bien peu d'herbe en tous ces râteliers.
Cette litière eft vieille; allez vite aux greniers.
Je veux voir déformais vos bêtes mieux foignées.
Que coûte -t-il d'ôter toutes ces araignées ?
Ne fçauroit-on ranger ces jougs & ces colliers?
En regardant à tout, il voit une autre tête
Que celles qu'il voyoit d'ordinaire en ce lieu.
Le Cerf eft reconnu: chacun prend un épieu:
Chacun donne un coup à la bête.
Ses larmes ne fçauroient la fauver du trépas.
On l'emporte, on la fale, on en fait maint repas
Dont maint voisin s'éjouit d'être.

Phédre (4) fur ce fujet dit fort élégamment:

Il n'eft pour voir que l'œil du Maître. Quant à moi, j'y mettrois encor l'œil de l'Amant.

(2) Terme de Chaffeur, pour dire les cornes du Cerf. (3) Le labourage, ou autre travail de la terre.

(4) Phédre, excellent Auteur de Fables, qu'il a écrites en vers Latins, d'un file auth pur que celui de Térence.

FABLE

XXII.

L'Alouette & fes petits, avec le Maître d'un Champ.

Ne t'attens

e t'attens qu'à toi feul, c'eft un commun proverbé. Voici comme Esope le mit

1

(1) En crédit.

Les Alouettes font leur nid

Dans les bleds quand ils font en herbe,
C'eft-à-dire environ le temps

Que tout aime, & que tout pullule dans le monde;
Monftres marins au fond de l'onde,
Tigres dans les forêts, Alouettes aux champs.
Une pourtant de ces derniéres

Avoit laiffé paffer la moitié d'un Printemps
Sans goûter les plaifirs des amours printanniéres.
A toute force enfin elle fe réfolut

D'imiter la nature, & d'être mere encore.
Elle bâtit un nid, pond, couve, & fait éclore,
A la hâte le tout alla du mieux qu'il put.
Les bleds d'alentour mûrs, avant que la (2) nitée
Se trouvât affez forte encor

Pour voler & prendre l'effor,

De mille foins divers l'Alouette agitée,

(1). Par la Fable fuivante qui nous a été confervée en Latin par Aula-Gelle, L. II. c. 29. On n'a qu'à comparer la maniére de conter de cet Auteur, affez élégante, avec celle de La Fontaine, pour être convaincu que La Fontaine a trouvé l'art d'embellir fes originaux, qu'il leur prête des graces fi naturelles, qu'en les imitant, il des vient original lui-même, & un original, qui, felon tou tes les aparences, reftera long-tems inimitable.

(2) On a trouvé nitée, dans l'Edition in quarto de 1668. On parle ainfi dans plufieurs Provinces; mais on dit plus communément niches.

S'en va chercher pâture, avertit ses enfans
D'être toujours au guet & faire fentinelle.
Si le poffeffeur de ces champs

Vient avecque fon fils, comme il viendra, dit-elle
Ecoutez bien felon ce qu'il dira,
Chacun de nous décampera.

Si-tôt que l'Alouette eut quitté fa famille,
Le poffeffeur du champ vient avecque fon fils.
Ces bleds font mûrs, dit-il; allez chez nos amis,
Les prier que chacun apportant fa faucille,
Nous vienne aider demain dès la pointe du jour.
Notre Alouette de retour

Trouve en alarme fa couvée.

L'un commence: il a dit que l'Aurore levée,
L'on fit venir demain fes amis pour l'aider.
S'il n'a dit que cela, repartit l'Alouette,

Rien ne nous preffe encor de changer de retraite :
Mais c'eft demain qu'il faut tout de bon écouter.
Cependant foyez gais: voilà de quoi manger.
Eux repûs, tout s'endort, les petits & la mere.
L'aube du jour arrive; & d'amis point du tout.
L'Alouette a l'effor. Le Maître s'en vient faire
Sa ronde ainfi qu'à l'ordinaire.

Ces bleds ne devroient pas, dit-il, être debout.
Nos amis ont grand tort, & tort qui fe repofe
Sur de tels pareffeux à fervir ainfi lents.
Mon fils, allez chez nos parens

Les prier de la même chose.
L'épouvante eft au nid plus forte que jamais.
Il a dit fes parens, mere, c'eft à cette heure....
Non, mes enfans, dormez en paix:
Ne bougeons de notre demeure.

L'Alouette eut raifon, car perfonne ne vint.
Pour la troifiéme fois le Maître fe fouvint
De vifiter fes bleds. Notre erreur eft extrême,
Dit-il, de nous attendre à d'autres gens que nous.
Il n'eft meilleur ami ni parent que foi-même.

Retenez bien cela, mon fils; & fçavez-vous
Ce qu'il faut faire? il faut qu'avec notre famille,
Nous prenions dès demain chacun une faucille;
C'est-là notre plus court; & nous acheverons
Notre moiffon quand nous pourrons.

Dès lors que le deffein fut fçu de l'Alouette,
C'eft à ce coup qu'il faut décamper, mes enfans :
Et les petits en même temps
Voletans, fe culebutans,
Délogerent tous fans trompette.

Fin du quatrième Livre.

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FABLE PREMIERE. Le Bûcheron & Mercure, à M. le C. D. B.

V.

OTRE goût á fervi de règle à mon ouvrage: J'ai tenté les moyens d'acquérir fon fuffrage. Vous voulez qu'on évite un foin trop curieux, Et des (1) vains ornemens l'effort ambitieux: Je le veux comme vous: cet effort ne peut plaire. Un Auteur gâte tout quand il veut trop bien faire. Non qu'il faille bannir certains traits délicats: Vous les aimez, ces traits; & je ne les hais pas. Quant au principal but qu'Efope se propose,

J'y tombe au moins mal que je puis. Enfin, fi dans mes vers je ne plais & n'inftruis, Il ne tient pas à moi, c'est toujours quelque chofe. Comine la force eft un point

Dont je ne me pique point,

(1) Ornemens inutiles & affectés. Horace qui les nom.. me des ornemens ambitieux, nous dit expreffément, qu'un efprit jufte & éclairé les retranchera fans façon de tout Ecrit foumis à fa critique. Ambitiofa recidet ornamenta. De Arte Poëtica, &c. v. 447.

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