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Chacun fe dit ami; mais fou qui s'y repofe.
Rien n'eft plus commun, que ce nom,
Rien, n'eft plus rare que la chose.

FABLE

Toute

XVI I I.

Le Vieillard & fes Enfans.

oute puiffance eft foible, à moins que d'être unie. Ecoutez là-deffus (1) l'Esclave de Phrygie. Si j'ajoute du mien à fon invention,

C'est pour peindre nos mœurs, & non pas par envie; Je fuis trop au- deffus de cette ambition.

Phédre enchérit fouvent par un motif de gloire:
Pour moi, de tels penfers me feroient mal-féans.
Mais venons à la Fable, ou plutôt à l'Hiftoire
De celui qui tâcha d'unir tous fes enfans.

Un Vieillard prêt d'aller où la mort l'appeloit;
Mes chers enfans, dit-il (à fes fils il parloit,)
Voyez fi vous romprez ces dards liés enfemble:
Je vous expliquerai le nœud qui les affemble.
L'ainé les ayant pris, & fait tous les efforts,
I.es rendit en difant: (2) Je le donne aux plus forts.

(1) Efope, né en Phrygie.

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(2) Je défie les plus foris d'en venir à bout, c'est-à dire, de rompre ces dards joints enfemble. Dans la plupart des Editions des Fables de La Fontaine, au lieu de, Je le donre aux plus forts: on trouve, fe les donne aux plus forts, faute groffiére qui a été corrigée par La Fontaine luimême dans une Edition de Paris, publiée en 1678. La même faute à reparu depuis dans plufieurs autres Edi tions, par la négligence ou l'ignorance des Correcteurs: mais on peut compter préfentement, que cette Note mu. nie de l'autorité de La Fontaine, la fera difparoître pour toujours.

Un fecond lui fuccede, & fe met en posture,
Mais en vain. Un cadet tente auffi l'avanture.
Tous perdirent leur temps, le faisceau résista:
De ces dards joints ensemble un feul ne s'éclata.
Foibles gens! dit le pere, il faut que je vous montre
Ce que ma force peut en semblable rencontre.
On crut qu'il fe moquoit, on fourit, mais à tort.
11 fépare les dards, & les rompt fans effort.
Vous voyez, reprit-il, l'effet de la concorde.
Soyez joints, mes enfans, que l'amour vous accorde.
Tant que dura fon mal, il n'eut autre difcours.
Enfin fe fentant prêt de terminer les jours;
Mes chers enfans, dit-il, je vais où font nos peres:
Adieu, promettez-moi de vivre comme freres;
Que j'obtienne de vous cette grace en mourant.
Chacun de fes trois fils l'en affure en pleurant.
Il prend à tous les mains: il meurt; & les trois freres
Trouvent un bien fort grand, mais fort mêlé d'affaires.
Un créancier faifit, un voifin fait un procès:
D'abord notre Trio s'en tire avec fuccès.
Leur amitié fut courte autant qu'elle étoit rare.
Le fang les avoit joints, l'intérêt les fépare.
L'ambition, l'envie, avec les (3) confultans,
Dans la fucceffion entrent en même temps.

On en vient au partage, on contefte, on chicane:
Le Juge fur cent points tour à tour les condamne.
Créanciers & voifins reviennent auffi - tôt,
Ceux-là fur une erreur, ceux-ci fur un défaut.
Les freres défunis font tous d'avis contraire :
L'un veut s'accommoder, l'autre n'en veut rien faire.
Tous perdirent leur bien; & voulurent, trop tard,
Profiter de ces dards unis, & pris à part.

(3) Avocats qui ne plaident plus au Barreau, mais qu'on va confulter chez eux.

V

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ouloir tromper le Ciel, c'eft folie à la Terre. Le (1) Dédale des cœurs en fes détours n'enferre Rien qui ne foit d'abord éclairé par les Dieux. Tout ce que l'homme fait, il le fait à leurs yeux, Même les actions que dans l'ombre il croit faire.

Un Payen qui fentoit quelque peu le (2) fagot,
Et qui croyoit en Dieu, pour user de ce mot,
(3) Par bénéfice d'inventaire,
Alla confulter Apollon.

Dès qu'il fut en fon fanctuaire,

Ce que je tiens, dit-il, eft-il en vie ou non?
Il tenoit un moineau, dit-on,
Prêt d'étouffer la pauvre bête,
Ou de la lâcher auffi -tôt,

Pour mettre Apollon en défaut.

(1) Le Labyrinthe, que les Poëtes nomment fouvens Dedale, dans le fens propre, & dans un fens figure, par allufion à Dédale Architecte Athénien, qui bâtit le fameux Labyrinthe de Créte.

(2) Qui s'exposoit à être brûlé comme Athée.

(3) Qu'un homme fe trouve héritier par Teftament, sil foupçonne que l'héritage pourroit l'obliger à payer aux créanciers du défunt plus qu'il ne lui a laiffé par fon Teftament, il n'accepte l'héritage que par bénéfice d'inventaire, & dans ce cas il n'eft tenu de payer des dettes du défunt que jufqu'à la concurrence des biens invento riés. Ainfi, un homme qui croit en Dieu, fans être fort affure de fon existence, fe réferve la liberté de n'y point croire du tout. Un tel homme, dit La Fontaine, crois en Dieu, pour ufer de ce mot, par bénéfice d'inventaire : Expreffion hardie, qui n'eft ni fort jufte, ni fort claire, comme il femble le reconnoître lui-même.

Apollon reconnut ce qu'il avoit en tête.

Mort ou vif, lui dit-il, montre - nous ton moineau,
Et ne me tens plus de panneau,..

Tu te trouverois mal d'un pareil stratagême.
Je vois de loin, j'atteins de même.

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L'Avare qui a perdu son Trésor. L'ufage feulement fait la poffeffion.

Je demande à ces gens, de qui la paffion

Eft d'entaffer toujours, mettre fomme fur fomme,
Quel avantage ils ont que n'ait pas un autre homme.
(1) Diogene là-bas eft auffi riche qu'eux;
Et l'Avare ici haut, comme lui vit en gueux.
L'homme au tréfor caché qu'Efope nous propose,
Servira d'exemple à la chofe.

Ce malheureux attendoit,

Pour jouir de fon bien, une feconde vie,
Ne poffédoit pas l'or, mais l'or le poffédoit.
Il avoit dans la terre une fomme enfouie,

Son cœur avec, n'ayant autre (2) déduit,
Que d'y ruminer jour & nuit,

Et rendre fa (3) chevance à lui-même facrée.
Qu'il allat ou qu'il vînt, qu'il bût ou qu'il mangeåt,
On l'eût pris de bien court à moins qu'il ne fongeât
A l'endroit où giffoit cette fomme enterrée.
Il y fit tant de tours qu'un Foffoycur le vit,
Se douta du dépôt, l'enleva fans rien dire,
Notre Avare un beau jour ne trouva que le nid.

(1) Philofophe fort pauvre,
mais pauvre volontaire,
(2) Pas de plus grand plaifir,
(3) Son bien, fon trefor.

Voilà mon homme aux pleurs : il gémit, il foupire,
Il fe tourmente, il fe déchire.

Un paffant lui demande à quel fujet fes cris.
C'est mon trésor que l'on m'a pris.

Votre tréfor? où pris? tout joignant cette pierre.
Eh! fommes-nous en temps de guerre
Pour l'apporter fi loin? N'euffiez-vous pas mieux fait
De le laiffer chez vous en votre cabinet,
Que de le changer de demeure?

Vous auriez pû fans peine y puifer à toute heure.
A toute heure, bons Dieux! ne tient-il qu'à cela?
L'argent vient - il comme il s'en va?
Je n'y touchois jamais. Dites-moi donc, de grace,
Reprit l'autre, pourquoi vous vous affligez tant:
Puifque vous ne touchiez jamais à cet argent,
Mettez une pierre à la place,
Elle vous vaudra tout autant.

FABLE XX I.

L'œil du Maître.

Un Cerf s'étant fauvé dans une étable à Bœufs,

Fut d'abord averti par eux,

Qu'il cherchât un meilleur afyle.

Mes Freres, leur dit-il, ne me décelez pas :
Je vous enfeignerai les (1) pâtis les plus gras:
Ce fervice vous peut quelque jour être utile;
→ Et vous n'en aurez pas regret.

Les Bœufs, à toute fin, promirent le secret.
Il fe cache en un coin, refpire & prend courage.
Sur le foir on aporte herbe fraîche & fourage,
Comme l'on faifoit tous les jours.

(1) Lieux où il y a beaucoup d'herbe, & la meilleure.

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