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SCENE V.

SEMIRAMIS paraît dans le fond, appuyée Sur les femmes: OTANE Son confident va au devant d'Affur. ASSUR, ARZACE, MITRANE.

OTANE.

SEIGNEUR, quittez ces lieux,

La Reine en ce moment se cache à tous les yeux; Refpectez les douleurs de fon ame éperdue. Dieux retirez la main fur fa tête étendue!

ARZACE en fortant.

Que je la plains!

ASSUR à l'un des fiens.

Sortons; & fans plus confultér,

De ce trouble inouï, fongeons à profiter.

SÉMIRAMIS avance fur la scène.
OTANE revenant à Sémiramis.

O Reine, rappellez votre force premiere, Que vos yeux fans horreur s'ouvrent à la lu miere.

SEMIRA MIS.

O voiles de la mort, quand viendrez-vous cou

vrir

Mes yeux remplis de pleurs & laffés de s'ouvrir?

Elle marche éperdue fur la scène, croyant voin l'ombre de Ninus,

Abysmes, fermez-vous; fantôme horrible, arrête :

Frappe, ou cesse à la fin de menacer ma tête : Arzace eft-il venu?

ΟΤΑΝΕ.

Madame, en cette Cour,

Arzace auprès du Temple a devancé le jour. SÉMIRA MIS.

Cette voix formidable, infernale, ou célefte, Qui dans l'ombre des nuits pouffe un cri fi fu

nefte,

M'avertit que le jour qu'Arzace doit venir, Mes douloureux tourmens feront prêts à finir. OTANE.

Au fein de ces horreurs, goûtez donc quelque

joie,

Efpérez en ces Dieux, dont le bras fe déploie.

SEMIRA MIS.

Arzace eft dans ma Cour!... ah! je sens qu'à fon nom,

L'horreur de mon forfait trouble moins ma raison.

OTANE.

Perdez-en pour jamais l'importune mémoire; Que de Sémiramis les beaux jours pleins de gloire,

Effacent ce moment heureux ou malheureux, Qui d'un fatal hymen brisa le joug affreux. Ninus en vous chaffant de fon lit & du thrône, En yous perdant, Madame, eût perdu, Babylone.

Pour le bien des mortels vous prévintes ses coups;

Babylone & la terre avoient befoin de vous ;
Et quinze ans de vertus & de travaux utiles,
Les arides déferts par vous rendus fertiles,
Les fauvages humains foumis au frein des loix,
Les arts dans nos Cités naiffans à votre voix,
Ces hardis monumens que l'univers admire,
Les acclamations de ce puiffant Empire,
Sont autant de témoins, dont le cri glorieux
A déposé pour vous au Tribunal des Dieux.
Enfin, fi leur justice emportois la balance,
Si la mort de Ninus excitoit leur vengeance,
D'où vient qu'Affur ici brave en paix leur cour-

roux ?

Affur fut en effet plus coupable que vous;
Sa main, qui prépara le breuvage homicide,
Ne tremble point pourtant, & rien ne l'inti-
mide.

SEMIRA MIS.

Nos deftins, nos devoirs étoient trop différens; Plus les nœuds font facrés, plus les crimes font grands.

J'étois épouse, Otane, & je suis fans excuse; Devant les Dieux vengeurs mon désespoir m'accufe.

J'avois cru que ces Dieux justement offenfés, En m'arrachant mon fils, m'avoient punie affez; Que tant d'heureux travaux rendoient mon diadême,

Ainfi qu'au monde entier, respectable au Ciel même.

Mais depuis quelques mois ce spectre furieux Vient affliger mon cœur, mon oreille, mes

Je me traîne à la tombe, où je ne puis descendre,

J'y révere de loin cette fatale cendre;

Je l'invoque en tremblant: des fons, des cris affreux,

De longs gémiffemens répondent à mes vœux.
D'un grand événement je me vois avertie,
Et peut-être il eft temps que le crime s'expie.
OTANE.

Mais eft-il affuré que ce fpectre fatal
Soit en effet forti du séjour infernal?

Souvent de fes erreurs notre ame eft obfédée,
De fon ouvrage même elle eft intimidée,
Croit voir ce qu'elle craint, & dans l'horreur
des nuits.

Voit enfin les objets qu'elle-même a produits.
SEMIRAMI S.

Je l'ai vû; ce n'eft point une erreur paffagere Qu'enfante du fommeil la vapeur menfongere; Le fommeil à mes yeux refufant fes douceurs, N'a point fur mes efprits répandu fes erreurs. Je veillois: je penfois au fort qui me menace Lorfqu'au bord de mon lit j'entends nommer Arzace.

Ce nom me raffuroit; tu fçais quel eft mon

cœur,

Affur depuis un temps l'a pénétré d'horreur.
Je frémis quand il faut ménager mon complice;
Rougir devant fes yeux eft mon premier fup-
plice;

Et je détefte en lui cet avantage affreux
Que lui donne un forfait qui nous unit tous deux.
Je voudrois.... mais faut-il dans l'état qui
m'opprime,.

Par

Par un crime nouveau punir fur lui mon crime! Je demandois Arzace, afin de l'opposer

Au complice odieux qui pense m'impofer; Je m'occupois d'Arzace, & j'étois moins troublée.

Dans ces momens de paix qui m'avoient confolée,

Ce miniftre de mort a reparu foudain,
Tout dégouttant de fang & le glaive à la main:
Je crois le voir encor; je crois encor l'entendre.
Vient-il pour me punir? vient-il pour me dé-
fendre?

Arzace au moment même arrivoit dans ma
Cour;

Le Ciel à mon repos a réservé ce jour : Cependant toute en proie au trouble qui me tue, La paix ne rentre point dans mon ame abattue. Je paffe à tout moment de l'espoir à l'effroi, Le fardeau de la vie eft trop pefant pour moi: Mon thrône m'importune, & ma gloire paffée N'eft qu'un nouveau tourment de ma trifte pensée.

J'ai nourri mes chagrins fans les manifefter: Ma peur m'a fait rougir: j'ai craint de confulter Ce Mage révéré que chérit Babylone, D'avilir devant lui la majefté du thrône, De montrer une fois en présence du Ciel Sémiramis tremblante aux regards d'un mortel. Mais j'ai fait en fecret, moins fiére ou plus hardie,

Confulter Jupiter aux fables de Libie; Comme fi loin de nous, le Dieu de l'univers N'eût mis la vérité qu'au fonds de ces déferts! Le Dieu qui s'eft caché dans cette fombre enceinte

A reçu dès long-temps mon hommage & mą

crainte;

Tom. IV,

C

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