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LE DUC

DE FOIX,

TRAGÉDI E.

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ACTE PREMIER.

SCENE I.

AMÉLIE, LISOIS.

LISOIS.

SOUFFREZ qu'en arrivant dans ce féjour d'a

larmes,

Je dérobe un moment au tumulte des armes. Le grand cœur d'Amélie eft du parti des Rois: Contre eux, vous le fçavez, je fers le Duc de

Foix,

Ou plutôt je combats ce redoutable Maire,
Ce Pepin qui du trône heureux dépofitaire,
En fubjuguant l'Etat en foutient la fplendeur,

Et de Thierri fon maître ofe être protecteur. Le Duc de Foix ici nous tient fous la puiffance, J'ai de fa paffion prévu la violence,

Et fur lui, fur moi-même & sur votre intérêt Je viens ouvrir mon cœur, & dicter mon arrêt. Ecoutez-moi, Madame, & vous pourrez con

naître

L'ame d'un vrai foldat digne de vous peut-être,
AMÉLIE.

Je fçai quel eft Lifois : fa noble intégrité
Sur les lévres toujours plaça la vérité;
Quoique vous m'annonciez, je vous croirai
fans peine,

LISOIS.

Sçachez que fi dans Foix mon zéle me ramene,
Si de ce Prince altier j'ai fuivi les drapeaux,
Si je cours pour lui feul à des périls nouveaux,
Je n'approuvai jamais la fatale alliance
Qui le foumet au Maure & l'enleve à la France.
Mais dans ces temps affreux de difcorde &
d'horreur,

Je n'ai d'autre parti que celui de mon cœur,
Non que pour ce héros mon ame prévenue
Prétende å fes défauts fermer toujours ma vûe;
Je ne m'aveugle pas; je vois avec douleur
De fes emportemens l'indifcrette chaleur;
Je vois que de fes fens l'impétueufe yvreffe
L'abandonne aux excès d'une ardente jeuneffe
Et ce torrent fougueux que j'arrête avec foin,
Trop fouvent me l'arrache & l'emporte trop
loin.

Mais il a des vertus qui rachetent fes vices: Eh! qui fçauroit, Madame, où placer fes fervi ccs,

S'il ne nous falloit fuivre & ne chérir jamais Que des cœurs fans faibleffe, & des Princes parfaits?

Tout le mien eft à lui; mais enfin cette épée, Dans le fang des Français à regret s'eft trempée. Je voudrais à l'Etat rendre le Duc de Foix.

AMÉLIE.

Seigneur, qui le peut mieux que le fage Lifois?
Si ce Prince égaré chérit encor fa gloire,
C'est à vous de parler, & c'est vous qu'il doir
croire ;

Dans quel affreux parti s'eft-il précipité !

LISOIS.

Je ne peux à mon choix fléchir fa volonté.
J'ai fouvent de fon cœur, aigriffant les bleffures,
Révolté fa fierté par des vérités dures;
Vous feule à votre Roi le pourriez rappeller,
Et c'eft de quoi fur tout je cherche à vous parler.
Dans des temps plus heureux j'osai, belle Amé-

lie,

Confacrer à vos loix le refte de ma vie ; Je crus que vous pouviez, approuvant mon deffein,

Accepter fans mépris mon hommage & ma main;

Mais à d'autres deftins je vous vois réservée. Par les Maures cruels dans Leucate enlevée, Lorsque le fort jaloux portoit ailleurs mes pas, Cet heureux Duc de Foix vous fauva de leurs bras.

La gloire en est à lui, qu'il en ait le falaire; Il a par trop de droits mérité de vous plaire; Il elt Prince, il eft jeune, il eft votre vengeur, Ses bienfaits & fon nom, tout parle en la faveur;

La juftice & l'amour vous preffent de vous rendre:

Je n'ai rien fait pour vous, je n'ai rien à prétendre.

Je me tais.... cependant s'il faut vous mériter,
A tout autre qu'à lui j'irais vous disputer ;
Je céderais à peine aux enfans des Rois même ;
Mais ce Prince est mon chef,. il me chérit, je
l'aime :

Lifois ni vertueux, ni superbe à demi,

Auroit bravé le Prince, & céde à fon ami.
Je fais plus: de mes fens maîtrisant la faiblesse;
J'ofe de mon rival appuyer la tendresse,
Vous montrer votre gloire & ce que vous devez
Au héros qui vous fert, & par qui vous vivez;
Je verrai d'un œil fec, & d'un cœur fans envie
Cet hymen qui pouvoit empoisonner ma vie;
Je réunis pour vous mon fervice & mes vœux
Le bras qui fut à lui, combattra pour tous deux.
Voilà mes fentimens : fi je me facrifie,
L'amitié me l'ordonne & fur tout la Patrie.
Songez que fi l'hymen vous range sous fa loi,
Si le Prince est à vous, il est à votre Roi.

AMÉLIE.

Qu'avec étonnement, Seigneur, je vous con temple!

Que vous donnez au monde un rare & grand exemple!.

Quoi ce cœur (je le crois fans feinte & fans dé

tour )

Connaît l'amitié feule & fçait braver l'amour! Il faut vous admirer quand on fçait vous con

naître,

Vous fervez votre ami, vous fervirez mon

maître ;

D

Un cœur fi généreux doit penfer comme moi Tous ceux de votre fang font l'appui de leur Roi. Eh bien, de vos vertus je demande une grace.

LISOIS.

Vos ordres font facrés ; que faut-il que je faffe
AMÉLIE.

Vos confeils généreux me preffent d'accepter Ce rang dont un grand Prince a daigné me flatter:

Je ne me cache point combien fon choix m'ho

nore,

J'en vois toute la gloire, & quand je fonge

encore

Qu'avant qu'il fût épris de ce funéste amour
Il daigna me fauver & l'honneur & le jour;
Tout ennemi qu'il eft de fon Roi légitime,
Tout allié du Maure, & protecteur du crime,
Accablée à fes yeux du poids de fes bienfaits,
Je crains de l'affliger, Seigneur, & je me tais.
Mais malgré fon fervice & ma reconnaiffance
Il faut par des refus répondre à sa constance:
Sa paffion m'afflige, il eft dur à mon cœur
Pour prix de fes bontés, de caufer son malheur ;
Non, Seigneur, il lui faut épargner cet outrage.
Qui pourrait mieux que vous gouverner fon
courage?

Eft-ce à ma faible voix d'annoncer fon devoir ?
Je fuis loin de chercher ce dangereux pouvoir.
Quel appareil affreux! quel temps pour l'hy-

menée !

Des armes de mon Roi la Ville environnée N'attend que des affauts, ne voit que des com

bats;

Le fang de tous côtés coule ici fous mes pas;

*

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