Hâtons l'inftant fatal, il peut nous échapper. CATILINA. Non, Céthégus, crois moi, ce coup prématuré Souleveroit un Peuple inconftant, égaré; Armeroit le Sénat, qui flotte & qui s'arrête. La tempête à la fois doit fondre fur leur tête Que Rome & Cicéron tombent du même fer Que la foudre en grondant les-frappe avec l'é clair. Lentulus viendra-t-il? CETHEGUS.. Compte fur fon audace. Tu fçais, comme ébloui des grandeurs de fa face, A partager ton regne il fe croit destiné. CATILINA. Qu'à cet efpoir frivole il reste abandonné: Et le fier Clodius? CETHEGU S. Il voudroit de fes mains Ecrafer s'il pouvoit l'idole des Romains; CATILINA. Je pense le connoître : Il fe déclarera dès qu'il me verra maître. Je conçois que Céfar t'inquiéte & te gêne; Eft de tes grands deffeins un inftrument utile. CATILIN A. Ce n'eft pas le remords qui s'empare de moi, La pitié pour l'Etat, bien moins encor l'effroi Mais ces liens Tecrets, une époule adorée, La naiffance d'un fils, une mere éplorée, Jour Peut payer de fon fang ce malheureux amour: Peut-elle nous trahir ? CATILINA. Non, je connois fon cœur. Mais de tous nos deffeins perçant la profondeur, Son œil s'en effarouche, & fon ame effrayée Gémit dans les horreurs dont elle eft dévorée. Ciel! fe peut-il qu'un cœur que mes mains ont formé, De préjugés Romains foit encor animé? CETHEGU S. Ne fongeons qu'à Céfar; nos femmes, nos en fans, N'ont pas droit d'occuper ces précieux inftans. A ta longue amitié fi Céfar infidéle, Refufe la grandeur qui par ta voix l'appelle, Dans le rang des profcrits, faut-il placer for nom? Faut-il confondre enfin Céfar & Cicéront CATILIN A. Sans doute, il le faudra, fi par mon artifice, TANDIS ANDIS que ton armée approche de ces lieux, Sçais-tu ce qui fe paffe en ces murs odieux ? CATILIN A. Je fçais que d'un Conful la fombre défiance Se livre à des terreurs qu'il appelle prudence: Sur le vaiffeau public, ce Pilote égaré Préfente à tous les vents un flanc mal affuré; Il s'agite au hafard, à l'orage il s'apprête, Sans fçavoir feulement d'où viendra la tempête. LENTULU S. Il la prévoit du moins: des Chevaliers Romains CATILINA. En recevant le coup il connoîtra la main; Une heure me fuffit, pour mettre Rome en cen dre: Cicéron contre moi ne peut rien entreprendre. Ne crains rien du Sénat, ce corps faible & ja loux Avec joie en fecret l'abandonne à nos coups. me. Ce Samnite arrogant croit leur donner la loi: Il a dans le Sénat plus d'ennemis que moi; Céfar n'eft point à lui, Craffus le facrifie. J'attends tout de ma main, j'attends tout de l'envie. C'est un homme expirant, qu'on voit d'un faible effort Se débattre, & tomber dans les bras de la mort LENTULUS. Oui, nous le ha'ïffons, mais il parle, il entraîne, Il fait pâlir l'envie, il fubjugue la haine; Je le crains au Sénat. CATILIN A. Je le brave en tous lieux; J'entends avec mépris ces cris injurieux Qu'il déclameà fon gré jufqu'à fa derniere heure: Qu'il triomphe au Sénat, qu'on l'admire & qu'il meure. Vers ces lieux fouterains nous allons raffembler Ces vangeurs, ces héros, prêts à fe fignaler. Raffurez cependant mon époufe éperduë; |