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SCENE III.

ÉLECTRE, IPHISE.

ELECTRE.

SEs difcours ont accru la fureur qui m'inspire;

Que veut-il? prétend-il que je doive fouffrir L'abominable affront dont on m'ofe couvrir? La mort d'Agamemnon, l'affaffinat d'un frere, N'avoient donc pu combler ma profonde mi

fère!

Après quinze ans de maux & d'opprobres souf

ferts,

De l'affaffin d'Orefte il faut porter les fers;
Et preffée en tout temps d'une main meurtriere,
Servir tous les bourreaux de ma famille entiere!
Glaive affreux, fer fanglant, qu'un outrage

nouveau

Expofoit en triomphe à ce facré tombeau,
Fer teint du fang d'Orefte, exécrable trophée,
Qui trompas un moment ma douleur étouffée,
Toi qui n'es qu'unoutrage à la cendre des morts,
Sers un projet plus digne, & mes juftes efforts.
Egifte, m'a-t-on dit, s'enferme avec la Reine;
De quelque nouveau crime il prépare la fcène
Pour fuir la main d'Electre, il prend de nou-
veaux foins ;

A l'affaffin d'Orefte on peut aller du moins; Je ne peux me baigner dans le fang des deux traîtres;

Allons, je vais du moins punir un de mes mat

tres.

IPHISE.

Je fuis loin de blâmer des douleurs que je fens, Mais fouffrez mes raifons dans vos emportemens;

Tout parle ici d'Orefte; on prétend qu'il refpi

re,

Et le trouble du Roi femble encor nous le dire.
Vous avez vû Pammène avec cet étranger
Lui parler en fecret, l'attendre, le chercher ;
Pammène de nos maux confolateur utile,
Au milieu des regrets vieilli dans cet afyle,
Jufqu'à tant de baffeffe a-t-il pû s'oublier?
Eft-il d'intelligence avec le meurtrier ?

ELECTRE.

Que m'importe un vieillard qu'on aura pu féduire ?

Tout nous trahit, ma sœur, tout fert à m'en inftruire;

Ce cruel étranger lui-même avec éclat
Ne s'eft-il pas vanté de son assassinat?
Egifte au meurtrier ne m'a-t-il pas donnée ?
Ne fuis-je pas enfin la preuve infortunée,
La victime, le prix de ces noirs attentats
Dont vous ofez douter, quand je meurs dans
vos bras;

Quand Oreste au tombeau m'appelle avec fon pere?

Ma fœur, ah! fi jamais Electre vous fut chere, Ayez du moins pitié de mon dernier moment; Il faut qu'il foit terrible, il faut qu'il soit fanglant.

Allez, informez-vous de ce que fait Pammène, Et fi le meurtrier n'eft point avec la Reine.... La cruelle a, dit-on, flatté mes ennemis ;

Tranquille elle a reçu l'affaffin de fon fils.
On l'a vu partager (& ce crime eft croyable)
De fon indigne époux la joie impitoyable.
Une mere! ah grands Dieux!... ah! je veux
de ma main

A fes yeux, dans fes bras, immoler l'affaffin;
Je le veux....

IPHISE.

Vos douleurs lui font trop d'injuftice: L'afpect du meurtrier eft pour elle un fupplice. Ma fœur, au nom des Dieux ne précipitez rien. Je vais avec Pammène avoir un entretien. Electre, ou je m'abuse, ou l'on s'obstine à taire, A cacher à nos yeux un important mystere; Peut-être on craint en vous ces éclats doulou

reux;

Imprudence excufable au cœur des malheureux. On fe cache de vous, Pammène vous évite; J'ignore comme vous, quel projet il médite: Laiffez-moi lui parler, laiffez-moi vous fervir. Ne vous préparez pas un nouveau repentir.

SCENE IV.

ELECTRE feule.

M Es tyrans de Pammène ont vaincu la fai

bleffe;

Le courage s'épuife & manque à la vieilleffe; Que peut contre la force un vain refte de foi? Pour moi, pour ma vengeance il ne refte que

moi.

Eh bien, c'en eft affez; mes mains défespérées

Dans ce grand abandon feront plus affurées.
Euménides, venez, foyez ici mes Dieux;
Accourez de l'enfer en ces horribles lieux,
En ces lieux plus cruels, & plus remplis de
crimes;

Que vos gouffres profonds regorgeant de victimes:

Filles de la vengeance, armez-vous, armez

moi ;

Venez avec la mort qui marche avec l'effroi ; Que vos fers, vos flambeaux, vos glaives étincellent ;

Orefte, Agamemnon, Electre vous appellent!... Les voici, je les vois, & les vois fans terreur: L'afpect de mes tyrans m'infpiroit plus d'hor

reur.

Ah! le barbare approche; il vient, fes pas impies Sont à mes yeux vengeurs entourés des furies; L'enfer me le défigne, & le livre à mon bras.

SCENE V

ÉLECTRE dans le fond, OR ESTE d'un autre côté.

ORESTE.

Où fuis-je ? C'eft ici qu'on adreffa mes pas.

O ma patrie! ô terre à tous les miens fatale;
Redoutable berceau des enfans de Tantale;
Famille de héros & de grands criminels,
Les malheurs de ton fang feront-ils éternels?
L'horreur qui régne ici m'environne & m'acca-

ble.

De quoi fuis-je puni? de quoi fuis-je coupable? Au fort de mes aïeux ne pourrai-je échapper?

ELECTRE avançant un peu du fond du Théatre.

Qui m'arrête? & d'où vient que je crains de frapper?

Avançons.

ORESTE.

Quelle voix ici s'eft fait entendre? Pere, époux malheureux, chere & terrible cendre,

Eft-ce toi qui gémis, ombre d'Agamemnon?

ELECTR E.

Jufte Ciel! eft-ce à lui de prononcer ce nom? D'où vient qu'il s'attendrit? je l'entends qui foupire;

Les remords en ces lieux ont-ils donc quelqu'empire?

Qu'importe des renords à l'horreur où je suis ? Elle avance vers Orefte.

Le voilà feul, frappons... meurs, traître. Je ne puis...

ORESTE.

Ciel! Electre eft-ce vous, furieufe, tremblante? ELECTR E.

Ah! je crois voir en vous un Dieu qui m'épou

vante:

Affaffin de mon frere; oui, j'ai voulu ta mort,
J'ai fait pour te frapper un impuiffant effort:
Ce fer m'eft échappé; tu brave ma colere;
Je céde à ton génie, & je trahis mon frere,

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