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les

des avantures romanefques, ces fujets que Grecs n'avoient jamais déshonorés par de tels épisodes; on prétendit qu'on pouvoit admirer les Grecs dans la lecture; mais qu'il étoit impoffible de les imiter fans être comdamné par fon fiécle: étrange contradiction! car fi en effet la lecture en plaît, comment la représentation en peut-elle déplaire?

Il ne faut pas, je l'avoue, s'attacher à imiter ce que les anciens avoient de défectueux & de faible. Il eft même très-vraifemblable que les défauts où ils tombérent furent relevés de leur temps. Je fuis perfuadé, MADAME, que les bons efprits d'Athènes condamnérent comme vous quelques répétitions, quelques déclamations, dont Sophocle avoit chargé fon Electre. Ils durent remarquer qu'il ne fouilloit pas affez dans le cœur humain. J'avouerai encore qu'il y a des beautés propres non-feulement à la langue Gréque, mais aux mœurs, au climat, au temps, qu'il feroit ridicule de vouloir tranfplanter parmi nous. Je n'ai point copié l'Electre de Sophocle, il s'en faut beaucoup : j'en ai pris autant que je l'ai pû, tout l'efprit & toute la fubftance. Les Fêtes que célébroient Egifte & Clitemheftre, & qu'ils appelloient les Feftins d'Agamemnon, l'arrivée d'Orefte & de Pilade, l'urne dans laquelle on croit que font renfermées les cendres d'Orefte, l'anneau d'Agamemnon, le caractere d'Electre, celui d'Iphife, qui eft précilement la Crifothémis de Sophocle, & fur tout les remords de Clitemnestre, tout eft puifé dans la Tragédie Gréque; car lorfque celui qui fait à Clitemneftre le récit de la prétendue mort d'Orefte, lui dit : Eh! quoi, Madame, cette mora vous afflige? Clitemneftre répond: Jefuis mere

& par-là malheureuse; une mere, quoiqu'outragée ne peut hair fon fang: elle cherche même à le juftifier devant Electre du meurtre d'Agamemnon; elle plaint fa fille; & Euripide a pouffé encore plus loin que Sophocle l'attendriffement & les larmes de Clitemnestre: voilà ce qui fut applaudi chez le peuple le plus judicieux & le plus fenfible de la terre: voilà ce que j'ai vû fenţi par tous les bons Juges de notre Nation. Rien n'est en effet plus dans la nature, qu'une femme criminelle envers fon époux, & qui fe laiffe attendrir par les enfans, qui reçoit la pitié dans fon cœur altier & farouche; qui s'irrite, qui reprend la dureté de fon caractère quand on lui fait des reproches trop violens, & qui s'appaife enfuite par les foumiffions & par les larmes : le germe de ce perfonnage étoit dans Sophocle & dans Euripide, & je l'ai développé. Il n'appartient qu'à l'ignorance, & à la préfomption, qui en est la fuite, de dire qu'il n'y a rien à imiter dans les anciens: il n'y a point de beautés dont on ne trouve chez eux les femences.

Je me fuis impofé fur tout, la loi de ne pas m'écarter de cette fimplicité, tant recommandée par les Grecs, & fi difficile à faifir ; c'étoitlà le vrai caractère de l'invention & du génie; c'étoit l'effence du Théâtre: un perfonnage étranger, qui, dans l'Edipe ou dans l'Electre, feroit un grand rôle qui détourneroit fur lui l'attention, feroit un monftre aux yeux de quiconque connait les anciens & la nature, dont ils ont été les premiers peintres. L'art & le gé. nie confiftent à trouver tout dans fon fujet, & non pas à chercher hors de fon fujet. Mais comment imiter cette pompe & cette magnificence vraiment tragique des vers de Sophocle, cette

élégance, cette pureté, ce naturel, fans quoi un ouvrage (bien fait d'ailleurs) feroit un mauvais ouvrage?

J'ai donné au moins à ma nation quelque idée d'une Tragédie fans amour, fans confidens, fans épifodes; le petit nombre des partifans du bon goût m'en fçait gré: les autres ne reviennent qu'à la longue, quand la fureur de parti, l'injuftice de la perfécution & les ténébres de l'ignorance font diffipées. C'est à vous, MADAME, à conferver les étincelles qui reftent encore parmi nous de cette lumiere précieufe que les anciens nous ont tranfmife. Nous leur devons tout: aucun Art n'est né parmi nous, tout y a été transplanté : mais la terre qui porte ces fruits étrangers, s'épuile & fe laffe, & l'ancienne barbarie, aidée de la frivolité, perceroit encore quelquefois, malgré la culture; ; les difciples d'Athènes & de Rome deviendroient des Gots & des Vandales, amollis par les mœurs des Sibarites, fans cette protection éclairée & attentive des perfonnes de votre rang. Quand la nature leur a donné ou du génie, ou l'amour du génie, elles encouragent notre nation, qui eft plus faite pour imiter que pour inventer, & qui cherche toujours dans le fang de fes maîtres les leçons & les exemples dont elle a befoin. Tout ce que je defire, MADAME, c'est qu'il fe trouve quelque génie qui acheve ce que j'ai ébauché, qui tire le Théâtre de cette molleffe & de cette afféterie où il eft plongé, qui le rende refpectable aux efprits les plus auftères, digne des beaux jours d'Athènes, digne du très-petit nombre de chefs-d'œuvres que nous avons, & enfin du fuffrage d'un efprit tel que le vôtre & de ceux qui peuvent vous reffembler.

ACTEURS.

ORESTE.

ELECTR E.

IPHISE.

CLITEMNESTRE.

ÉGISTE.

PILADE.

PAMMENE.

Suite.

Le Théâtre doit représenter le rivage de la Mer; un Bois, un Temple, un Palais, & un Tombeau d'un côté, $ de l'autre Argos dans le lointain.

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ORESTE,

TRAGÉDIE.

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ACTE PREMIER.

SCENE I.

IPHISE, PAMMEN E.

IPHISE.

EST-IL vrai, cher Pammene, & ce lieu fo❤

litaire,

Ce Palais exécrable où languit ma mifere,
Me verra-t-il goûter la funefte douceur

De mêler mes regrets aux larmes de ma fœur?
La malheureuse Electre à mes douleurs fi chere
Vient-elle avec Egifte au tombeau de mon pere?
Egifte ordonne-t-il qu'en ces folemnités
Le fang d'Agamemnon paraiffe à fes côtés?
Serons-nous les témoins de la pompe inhumaine
Qui célebre le crime, & que ce jour amene?

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