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terme que la philosophie antique, c'est-à-dire, à l'athéisme d'abord, et ensuite à l'indifférence, qui renferme toutes les erreurs ensemble, parce qu'elle exclut à la fois toutes les vérités.

Alors il s'opéra dans les idées une révolution semblable à celle qui eut lieu à Rome vers la fin de la république : on cessa de s'occuper de la Religion comme vraie, pour la considérer sous un point de vue purement politique. On en fit une institution de l'Etat, complètement soumise au chef de l'Etat, même quant au dogme. On avoit refusé de croire au Christianisme sur l'autorité de Dieu, et l'on en vint jusqu'à ne croire en Dieu que sur l'autorité du Roi; « parce qu'il est immoral et impie, dit un célèbre philosophe anglois, lors>> que le souverain a sanctionné un symbole, de » nier ou de révoquer en doute l'autorité divine >> d'une seule ligne ou d'une seule syllabe de ce » symbole »>, attendu que « le témoignage et l'au»torité des lois sont l'unique garantie que nous >> ayons contre l'erreur (1) ». Tel est aussi le sentiment de Hobbes; les chrétiens, selon lui, sont obligés d'obéir aux lois d'un prince infidèle, même en matière de religion : « La pensée est libre; » mais, en ce qui tient à la confession de la foi,

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(1) Lord Shaftsbury's Characteristics, volume Ier. pages 231-360.

» la raison particulière doit se soumettre à la rai» son générale, ou au souverain, qui est le lieute»nant de Dieu (1) ».

On ne sauroit confondre plus entièrement l'ordre politique et l'ordre religieux, ni montrer une plus profonde indifférence pour la vérité. On sentoit le besoin d'un culte, et par conséquent d'une autorité qui le défendît contre l'inconstance des opinions; et, comme on ne connoissoit plus d'autre autorité extérieure que l'autorité humaine ou la force, on rendit le dépositaire de la force publique l'arbitre indépendant de la foi. Les passions et les intérêts se donnèrent une religion comme ils s'étoient donné une constitution; et la religion ne fut même qu'un article de cette constitution, espèce de contrat entre le peuple et le souverain, où le peuple stipula sa servitude religieuse, en échange de ce qu'il prenoit pour la liberté politique. Et quand je dis sa servitude, je le dis avec réflexion ; car la servitude consiste, non dans l'obéissance à l'autorité, ce qui est au contraire la seule liberté véritable, mais dans l'asservissement à une autorité dépourvue de droit.

Dès que la Religion fut devenue une simple institution politique, et la foi une loi de l'Etat, quiconque professa publiquement une foi différente

(1) Leviathan, pag. 238.

dut être regardé comme rebelle aux lois et ennemi de l'Etat. De là les persécutions que subirent les dissidens en Angleterre, persécutions purement politiques de leur nature. Car, remarquez la différence: l'Eglise, société spirituelle, ne considérant les religions diverses que sous un rapport spirituel, c'est-à-dire, comme vraies ou fausses, est souverainement intolérante pour les erreurs; mais ne prononce contre les personnes que des peines spirituelles. Le pouvoir politique, au contraire, ne considérant la Religion que sous un rapport indépendant de sa vérité, est souverainement tolérant pour les erreurs; il réserve pour les personnes toute sa sévérité, parce qu'il ne peut connoître que des délits extérieurs ou des actions. Ainsi les lois, en Angleterre, ne déclarèrent point telles ou telles doctrines fausses; mais elles privèrent des droits civils les sectateurs de tel ou tel culte, et condamnèrent les personnes convaincues d'avoir exercé ces cultes proscrits, à l'emprisonnement, à l'exil, à la mort, toutes peines purement civiles.

Cependant l'indifférence pour la vérité, qui faisoit le fonds même de ces lois, protégea chaque jour davantage contre leur rigueur les sectes nées du protestantisme, qui toutes participoient plus ou moins à la même indifférence. Soeurs, pour ainsi parler, de la religion établie, elle se rapprochoient des sentimens et des intérêts communs; tandis

par

que la religion catholique, également opposée à chacune d'elles, les eut toutes pour ennemies, et finit par porter seule le poids d'une législation oppressive. La même chose étoit arrivée au Christianisme, sous les empereurs : ils le proscrivirent rigoureusement, à cause de son incompatibilité avec la religion de l'empire, et tolérèrent les cultes idolâtriques, parce que, fondés sur la même er

reur,

ils ne s'excluoient pas mutuellement. Et quel moyen de contester l'exactitude de ce parallèle, quand on voit l'Angleterre prescrire, dans le plus minutieux détail, à ses agens au Canada, d'odieuses mesures de persécution contre la religion catholique; et, en même temps, garantir, par un traité solennel, aux habitans de l'île de Ceylan, la liberté de l'idolâtrie; assister, par ambassadeurs, aux cérémonies religieuses de ces peuples, et offrir à leurs divinités des dons sacriléges?

Une nation à qui ce scandale déshonorant n'a point arraché un cri universel d'indignation et d'horreur, n'est plus une nation chrétienne. Elle touche au dernier terme de l'indifférence religieuse, et voilà ce qui la préserve du fanatisme de l'impiété. Au reste, cette indifférence toujours croissante affoiblit progressivement l'intolérance politique, et tôt ou tard elle en triomphera. Ce moment sera l'époque si désirée de l'émancipation des catholiques. La masse de la nation, indifférente à toutes

les erreurs, sera bientôt indifférente à la vérité même; à force de la mépriser, elle la supportera. L'opinion a déjà presque tout fait à cet égard : le Gouvernement seul résiste, et l'on comprend assez pourquoi. L'existence de l'église anglicane est liée à la constitution de l'Etat; et le Gouvernement tremble de placer sa religion factice en présence d'une religion véritable. Il faudra pourtant qu'il s'y résolve, car cet événement est nécessaire. Une politique prévoyante, au lieu de le retarder, le hâteroit peut-être. Il est d'ailleurs aisé d'apercevoir qu'il ne sauroit qu'être avantageux à l'Angleterre. En proie à une cupidité dévorante, qui ne manque jamais de s'emparer des nations à leur déclin, elle déploie une inquiète et prodigieuse activité, que quelques-uns prennent pour de la vie, et qui est la vie, comme la fièvre est la vie, comme la frénésie est la vie. Elle est morte par ses mœurs; et, au premier coup imprévu qui viendra frapper sa richesse, on sera tout surpris de voir ce grand corps, auquel on supposoit tant de vigueur, expirer d'épuisement après quelques convulsions. Il existe néanmoins dans ce peuple des germes de régénération; mais il ne se ranimera que par des croyances. La Religion établie étant nulle aujourd'hui sous ce rapport (*), l'Angleterre doit opter

(*) Warburton, mort évêque de Glocester, en 1779,

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