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» tout meurt (1) ». Ainsi la mort de la société, la mort du genre humain seroit le résultat de la victoire que la sagesse moderne s'efforce de remporter sur ce qu'elle nomme les préjugés. Nous ne le savions que trop déjà; mais on aime à en entendre l'aveu de sa propre bouche.

Le Christianisme trouva donc l'empire dans cet état de défaillance morale qui résulte de la privation de la vérité, et présage une dissolution prochaine; et, pour s'établir, il eut à vaincre l'indifférence générale, et la résistance des magistrats, décidés à soutenir le paganisme, non comme Religion, mais comme institution de l'Etat. Tel fut presque l'unique motif qui dicta tant d'édits sanglans. Le fanatisme y eut si eut si peu de part, que le ; philosophe Marc-Aurèle et Trajan ne furent moins persécuteurs que Néron. Ils proscrivirent les Chrétiens comme des ennemis des lois; et il est très-remarquable que l'intolérance politique est la plus implacable et la plus barbare, parce qu'elle n'est point adoucie par la Religion qu'elle défend. En toute religion, même fausse, il y a quelque chose de généreux et de favorable à l'humanité : la politique au contraire est sans pitié, et constamment calme et froide, même lorsqu'elle est atroce. Cela

pas

(1) Correspondance littéraire de Grimm et de Diderot, tom. V, pag. 8.

s'est vu à toutes les époques; et rien, sous ce rapport, ne ressemble davantage aux persécutions des empereurs contre les premiers Chrétiens, que les persécutions de l'Angleterre contre les catholiques. Mais je traiterai ailleurs cet important sujet, qui mérite une attention particulière.

Il n'y a qu'un moyen de tirer les hommes de l'indifférence où les jette l'abus de la raison; c'est de dompter cette raison altière, en la forçant de plier sous une autorité si haute et si éclatante qu'elle n'en puisse méconnoître les droits. Il faut la convaincre qu'il existe une raison supérieure, immuable règle du vrai, à laquelle elle doit se soumettre, comme au suprême monarque de toutes les intelligences: il faut en un mot que, reconnoissant la souveraineté de Dieu, elle s'élève jusqu'à une obéissance absolue, qui, la retenant à sa place, d'où elle ne sort jamais que pour s'égarer, l'empêche de se ravir à elle-même la possession de la vérité. Or, voilà ce que le Christianisme fit admirablement. Il s'annonça d'abord avec tous les caractères extérieurs de divinité; et, quand il eut prouvé son origine céleste, il bannit tous les doutes, en ne laissant indécise aucune vérité nécessaire, et contraignit la raison humaine de se prosterner devant la raison divine, et d'écouter en silence, avec un plein assentiment, les sublimes leçons qu'elle lui dictoit. Le principe d'action ou la foi, acquérant un degré de force

proportionné à l'autorité infinie qui enseignoit, on put dire à l'homme: Sois parfait comme Dieu méme est parfait; on put lui commander tout, parce que tout est possible à celui qui croit (1) et certes, quiconque a l'idée de ce qu'étoit le genre humain sous Tibère et ses successeurs, avouera qu'il ne falloit rien moins qu'une puissance infinie pour substituer aux mœurs de ces siècles abominables la sévère morale de l'Evangile, et sa doctrine rigoureuse, à la sceptique philosophie, dont les maximes dissolues avoient jeté de si profondes racines dans tous les cœurs. Aux yeux de qui le sait comprendre, ce miracle est plus frappant que la résurrection d'un mort; et la parole qui ranime un cadavre, en le rappelant à la vie des sens, est moins merveilleuse peut-être que celle qui ranime un peuple entier, en le rappelant à la vie de l'intelligence.

Une constante fidélité au principe fondamental de la Religion chrétienne garantit l'Europe, pendant quinze siècles, non des scandales passagers de l'erreur, mais du mortel assoupissement de l'indifférence. On ne vit renaître en son sein cette maladie terrible qu'au moment où la raison, rebelle à l'autorité suprême qui l'avoit guidée jusqu'alors, s'efforça de recouvrer la servile indépendance dont le Christianisme l'avoit affranchie.

(1) Omnia possibilia sunt credenti. Marc. 1x, 22.

La Réforme, qui montra de bonne heure un penchant abject et une vénération impie pour les héros de la philosophie ancienne (*), ne fut ellemême, dès son origine, qu'un systême de philosophie anarchique, et un monstrueux attentat contre le pouvoir général qui régit la société des intelligences. Elle fit reculer l'esprit humain jusqu'au paganisme, et des causes semblables à celles qui avoient agi chez les Romains, au temps de leur plus grande corruption, produisirent de semblables. effets chez quelques nations modernes, victimes, à leur insu, des mêmes principes destructeurs. Considérons un moment l'Angleterre en particulier. Sa position isolée permit à la Réforme de s'y développer avec moins d'obstacles, en sorte qu'on ne peut nulle part mieux observer, et sa marche progressive, et son influence sur la société.

Les anarchistes de 1793 cherchèrent à établir l'ordre social sur la liberté et l'égalité, la liberté absolue d'action, et l'égalité d'autorité ou de droits ; ce qui n'étoit qu'une conséquence exacte de la souveraineté du peuple, qui, d'un côté, excluant tout supérieur, laisse chacun entièrement lîbre ou maître de lui-même, et de l'autre, appartenant égale

Dans la profession de foi présentée par Zwingle à François Ier., ce chef de la Réforme helvétique plaçoit dans le ciel, à côté des apôtres, Socrate, Marc-Aurèle, et les autres sages de l'antiquité.

ment

ment à tous, doit être partagée par tous également. On sait quel fut bientôt le résultat de cette doctriue mais ce que je veux faire observer ici, c'est sa parfaite conformité avec la doctrine théologique des protestans. Ayant posé en principe la souveraineté de la raison humaine en matière de foi, ils essayèrent de donner pour base, à la Religion, la liberté et l'égalité, c'est-à-dire, la liberté de croyance, et l'égalité d'autorité; et cette doctrine, commune aux révolutionnaires politiques et religieux, a dû avoir et a eu réellement un résultat semblable dans l'ordre politique et dans l'ordre religieux dans l'un, elle a produit tous les crimes, et dans l'autre toutes les erreurs; et, durant les fatales discordes qui conduisirent un de ses rois à l'échafaud, l'Angleterre en a éprouvé simultanément ce double effet.

Cependant chaque secte, se sentant défaillir, tâchoit de s'attribuer sur ses membres une autorité régulatrice des croyances et des actions, ou de saisir quelques débris du principe conservateur qu'on avoit imprudemment brisé. Inutile tantative: on lui montroit aussitôt qu'elle ne pouvoit réclamer une pareille autorité sans se condamner elle-même; et l'impuissance absolue de trouver un point de repos sur les sables mouvans de la Réforme, contraignit les esprits conséquens de traverser rapidement tout le Christianisme, pour arriver au même

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