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niåtrant à la méconnoître; elle n'en reste pas moins ce qu'elle est, et son jour arrive tôt ou tard. En ce jour inévitable, et déjà près de nous, la vanité d'avoir répoussé la lumière sera de peu de consolation. Recevons-la donc avec joie, de quelque part qu'elle nous vienne. Honorons l'intelligence qui nous a été donnée, en l'élevant jusqu'à la contemplation de la vérité infinie, immuable, qui renferme en son sein nos éternels intérêts. Notre perfection est de la connoître, et notre bonheur est de l'aimer. Créés pour elle et pour l'immortalité, songeons que la vie va nous échapper, nous échapper pour toujours; levons plus haut nos regards; et, voyageurs d'un moment dans des régions étrangères, ne mettons point un triste orgueil à nous persuader que nous n'avons point de patrie.

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CHAPITRE II.

Considérations sur le premier systéme d'indifférence, ou sur la doctrine de ceux qui, ne voyant dans la Religion qu'une institution politique, ne la croient nécessaire que pour peuple.

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ON N trouve la Religion près du berceau de tous les peuples, comme on trouve la philosophie près de leur tombeau. «< Aucun Etat, dit Rousseau, ne fut » fondé, que la Religion ne lui servît de base (1) ». Et quand la philosophie récemment a voulu fonder un Etat sans religion, elle a été forcée de lui donner pour base des ruines; elle a établi le pouvoir sur le droit de le renverser, la propriété sur la spolia tion, la sûreté personnelle sur les intérêts sanguinaires de la multitude, les lois sur ses caprices. Cet ordre social philosophique a existé quelques mois, pendant lesquels l'Europe a vu s'accumuler en son sein plus de calamités et de forfaits que n'en offre l'histoire des dix siècles précédens; et si Dieu

(1) Contrat social, liv. IV, chap. vii.

n'avoit abrégé ces jours affreux, je ne sais s'il seroit demeuré un être humain vivant, pour recueillir le fruit de la plus terrible leçon qui ait jamais effrayé la terre.

Quoi qu'en aient dit quelques sophistes, il est donc prouvé, par le fait, qu'un peuple athée ne sauroit subsister (*), puisque la scule tentative de substituer l'athéisme à la Religion a bouleversé de fond en comble la société en France. Aussi l'opinion contraire, avancée d'abord comme un simple paradoxe, par des hommes d'une imagination déréglée, n'a-t-elle pu devenir une croyance que pour un petit nombre d'insensés, non moins dépourvns de lumière que pleins d'orgueil, et si profondément pervertis, qu'en eux chaque pensée étoit un crime. Dans tous les temps, on a senti que la Religion étoit l'unique fondement des devoirs, comme, à

*) L'athée Diderot, appréciateur non suspect de sa propre doctrine, convient de ceci ; et son aveu a d'autant plus de poids qu'il est consigné dans une correspondance qui, n'étant point destinée à voir le jour, doit représenter plus fidèlement que ses autres ouvrages les véritables sentimens de l'auteur. Voici ses paroles : « On a dit quelque» fois qu'un peuple chrétien, tel qu'il doit être suivant l'esprit de l'Evangile, ne sauroit subsister. Cela seroit » bien plus vrai d'un peuple philosophe, s'il étoit possible » d'en former un; il trouveroit sa perte, au sortir du berceau, dans le vice de sa constitution ». Correspondance littéraire, etc., par Grimm et Diderot, t. I. pag. 492.

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leur tour, les devoirs sont l'unique lien de la société. Rien ne peut suppléer la conscience, qui elle-même supplée tout. On a beau parler aux hommes de bien public, d'intérêt général, l'intérêt particulier sera constamment leur mobile; et la puissance même de la Religion consiste en ce qu'elle inontre à chacun un intérêt immense à concourir au bien général. Il ne faut que du bon sens pour voir cela. Les législateurs de l'antiquité ne s'y méprirent point; au lieu de raisonner follement contre la Religion, ils s'en servirent pour consolider l'édifice social; ils la placèrent partout, dans la famille, près des foyers domestiques, et dans l'Etat, comme partie de la constitution et du gouvernement. Ils firent descendre les lois du ciel, et attachèrent par l'opinion quelque chose de divin à tous les événemens de la vie humaine, à toutes les institutions civiles, aux objets inanimés même, aux bois, aux fleuves, aux pierres destinées à séparer les héritages: et, si l'on y regarde de près, on se convaincra que le paganisme ne multiplia les dieux à l'infini, qu'à cause du besoin infini que l'homme a de la Divinité.

Quand les mœurs se corrompirent, quand la raison commença d'examiner ses croyances avec aversion, il lui fut aisé sans doute de reconnoître la fausseté du polythéisme : mais ce n'étoit pas ce qu'il y avoit de faux dans la Religion, qui contra

rioit les penchans du cœur, et par conséquent excitoit sa haine : aussi la philosophie, laissant l'idolâtrie en paix, dirigea principalement ses attaques contre les vérités importunes aux passions, contre les principes de la morale, contre les peines et les récompenses futures, contre l'immortalité de l'ame et l'existence de Dieu. La licence qu'elle protégeoit lui fournit de nombreux disciples: mais, loin de révoquer en doute la nécessité politique de la Religion, ils en furent tellement frappés, qu'ils la confondirent avec les institutions purement politiques, et la crurent une invention du législateur. A ce titre, elle demeura extérieurement sacrée comme les lois ; et le magistrat, imbu des maximes athées d'Epicure, auroit puni, avec une inflexible sévérité, toute atteinte portée au culte établi.

Avant d'examiner ce systême philosophique, il est à propos de le voir, pour ainsi dire, en action, chez les anciens et chez les modernes. C'est le plus court et le plus sûr moyen pour s'en former une juste idée.

Il s'introduisit chez les Romains vers le déclin de la république, et son origine concourt avec la décadence des vertus publiques et privées. Cependant, il pénétra d'abord parmi les grands et les riches, toujours aisément séduits par ce qui flatte l'amour-propre, tranquillise les passions, et soulage le tourment de l'ennui; le peuple, assez long-temps,

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