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et l'autorité générale, lorsqu'elle demeure ce qu'elle doit être, prévaut toujours et nécessairement sur les autorités particulières qui tendroient à renverser l'ordre, ou par la violence ouverte, ou, plus dangereusement, par des opinions : et c'est même la raison de la durée perpétuelle de la société religieuse, dont l'autorité générale, en vertu d'un privilége divin, est à l'abri des erreurs et des foiblesses auxquelles l'autorité est sujette dans la société politique. Mais communément, loin de mettre un frein à la licence des pensées, lorsqu'il seroit temps encore d'en arrêter le progrès, les gouvernemens la favorisent, au moins par leur exemple. Ce sont eux qui, les premiers, cessent de croire, et l'irréligion part du pouvoir, ou d'autour du pouvoir, pour se répandre de proche en proche jusque daus les derniers rangs de la nation. Plus attaché à ses croyances, parce qu'il a moins de motifs de souhaiter qu'elles soient fausses, le peuple résiste long-temps à l'influence des classes supérieures. Il défend, avec sa conscience, sa foi qu'on attaque avec de l'esprit, et entoure au fond de son cœur, d'une barrière sacrée, ses consolations et ses espérances. Mais quand une fois il a succombé, quand, à force de le corrompre, on a changé ses intérêts, quand les vices les plus hideux sont devenus ses mœurs habituelles, sans que le remords trouble son sommeil, quand les peines et

les récompenses d'une autre vie ne lui paroissent plus que des préjugés puérils, que la Religion a perdu pour lui ses terreurs, et qu'il en ignore églement les dogmes et les préceptes, quand il sourit de pitié au seul nom de Dieu : alors je me demande en tremblant, s'il reste quelque moyeu humain de ramener un tel peuple à la croyance de la vérité, et à la pratique de la vertu; je me demande si, de ces êtres dégradés, on peut encore faire des hommes, et je n'ose prononcer.

Au reste, il est à propos de faire observer qu'on doit exclure du nombre des indifférens réels, beaucoup de ceux qui affectent cette triste prétention; car, pour quiconque n'est ni stupide, ni grossièrement ignorant, il n'est pas si facile qu'on pourroit le penser d'être indifférent sur la Religion, que nous retrouvons partout, à chaque instant, en nous et hors de nous, et qui partout fait notre tourment ou notre consolation. Ainsi, la Religion n'est point indifférente à cette secte de philosophes qui, s'efforçant naguère d'en abolir jusqu'au nom, demolirent ses temples, et égorgèrent ses ministres. La haine, une implacable haine, voilà le sentiment qui anime ces apôtres d'impiété, dont le fanatisme aveugle sacrifieroit la société entière au triomphe de leurs principes désastreux. Certes, il faut plaindre ces insensés, il faut flétrir avec horreur leurs maximes; mais il ne faut pas tenter de les guérir

par le raisonnement : il y a un excès de délire qui interdit toute discussion. Ce n'est donc pas à ces hommes emportés que s'adressent les réflexions qu'on va lire. La vérité, pour être sentie, demande un esprit plus calme, et surtout un cœur susceptible encore de s'ouvrir à ses impressions.

Il existe une sorte d'indifférens que nous n'avons pas non plus dessein de combattre. Je veux parler de ces foibles chrétiens qui, séduits par les plaisirs, distraits par les affaires, ou subjugués peutêtre par le respect humain, s'abandonnent au torrent du siècle, éloignent de leur pensée des vérités importunes, sans les révoquer en doute, et, dans leur inconséquence, ne tiennent à la Religion que par une foi stérile et de languissans remords. Que dire à ces infortunés? Ils se condamnent euxmêmes. Leur raison ne se refuse à aucun aveu. Ce n'est pas là qu'est le siége du mal. Ils n'ont pas besoin d'être convaincus, mais remués, mais justement effrayés sur le sort qui les attend. Il faudroit porter la terreur dans leur conscience assoupie, et la réveiller au bruit formidable des vengeances du Dieu dont ils fatiguent la patience et tourmentent la miséricorde.

Cette tâche n'est pas la nôtre. Nous n'avons en vue, dans cet Essai, que les indifférens systématiques, on ces philosophes insoucians, qui, à force d'avoir entendu répéter que toutes les religions

sont

sont indifférentes, les méprisent toutes sans les connoître, refusent d'examiner s'il en est une véritable, rougiroient même d'y penser; et, sur l'aveugle foi d'un préjugé absurde, s'imaginant que la suprême sagesse consiste à ne se point inquiéter de l'avenir, végètent dans un profond oubli du premier devoir d'une créature raisonnable, qui est de s'intruire de sa fin, de son origine et de ses destinées. Ce que l'un regarde comme indifférent, paroît quelquefois à un autre d'un très-haut intérêt, selon la mesure de connoissances et de lumières de chacun. On peut même assurer que l'indifférence varie à l'infini: elle offre autant de nuances diverses qu'il y a, non-seulement d'individus indifférens, mais de degrés dans le développement de F'intelligence, de combinaisons de pensées et de situations d'ame possibles, pour chaque individu.

Cependant, considérée non dans les hommes, mais dans les doctrines, elle se réduit à trois systêmes, dans l'un desquels il faut nécessairement entrer dès qu'on sort de la vérité catholique : car on ne peut l'attaquer qu'en niant, soit l'autorité de l'Eglise, soit l'autorité de Jésus-Christ, soit l'autorité de Dieu; trois grandes destructions ou erreurs, qui constituent l'hérésie, le déisme et l'athéisme.

Nous diviserons donc en trois classes les indifférens dogmatiques. La première comprend ceux

le

qui, ne voyant dans la Religion qu'une institution politique, ne la croient nécessaire que pour peuple. La seconde renferme ceux qui admettent la nécessité d'une religion pour tous les hommes, mais qui rejettent la révélation. La troisième enfin, se compose des indifférens mitigés, qui reconnoissent la nécessité d'une religion révélée, mais permettent de nier les vérités qu'elle enseigne, à l'exception de certains articles fondamentaux.

Après quelques réflexions sur chacun de ces-systêmes, réflexions qui suffiront pour en montrer l'inconséquence et l'absurdité, nous ferons voir qu'en dernière analyse, ils aboutissent tous au même point, c'est-à-dire à l'indifférence absolue pour la vérité en matière de religion. Nous nous attacherons donc à combattre cette indifférence monstrueuse, en renversant les seuls principes sur lesquels le raisonnement puisse essayer de l'établir; en sorte que tous les indifférens, quelque modification que chacun d'eux juge à propos de mettre à la doctrine générale de l'indifférence, se trouveront réfutés ensemble par ce qui sera dit de cette doctrine, que nous prouverons leur être commune à tous.

Que ceux à qui cet ouvrage est destiné souffrent que je les conjure d'écarter, en le lisant, tout esprit de contention. A quoi sert-il de se tromper soi-même? On ne détruit point la vérité en s’opi

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