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non intelligentes (*), est le moyen général du désordre et la société humaine, composée d'êtres libres sujets à l'erreur, est partagée entre ces deux puissances, dont l'une tend à détruire ce que l'autre tend à conserver.

Or, par un renversement d'idées inoui, la philosophie s'efforce de fonder la société sur le prin

(*) Elevez un mur hors de son aplomb, il tombe, parce qu'il y a défaut de vérité dans les lois de sa construction, ou défaut d'intelligence dans l'architecte. Il en est de même de la société. L'homme bouleverseroit l'univers, s'il pouvoit le soumettre à son action, parce qu'il ne connoît qu'imparfaitement les lois qui maintiennent l'ordre dans le monde physique; et quand il ignore ou méconnoît les lois qui maintiennent l'ordre dans le monde moral, quand il s'ignore ou se méconnoît lui-même, sa force tend à détruire, parce qu'elle tend à placer les êtres dans de faux rapports, ou des rapports contraires à leur nature. Il veut ce que l'Intelligence ne sauroit vouloir, c'est-à-dire, des choses impossibles, absurdes, contradic→ toires. Désirer le bien-être est un sentiment naturel à tous les hommes; mais tous les hommes ne voient pas également en quoi consiste leur bien-être. Celui qui le cherche dans le désordre, manque de lumières. Avec un esprit plus éclairé, il comprendroit que, hors de l'ordre, il ne sauroit exister de bonheur, puisqu'il n'y a pas même de vie. Le désordre est donc produit par des volontés libres non intelligentes. L'Étre souverainement intelligent, est essentiellement bon, heureux, parfait, et la perfection des créatures libres, aussi bien que leur félicité, consiste à conformer leurs volontés aux siennes.

cipe même du désordre. Refusant de reconnoître d'autre intelligence que la raison de l'homme, elle ne peut constituer d'autre pouvoir que la force : et le genre humain, soumis à cette puissance destructive, périroit si la Religion n'accouroit à son

secours.

« La Religion, dit excellemment M. de Bonald, » met l'ordre dans la société, parce que seule elle >> donne la raison du pouvoir et des devoirs (1)».

Qu'est-ce en effet que le pouvoir dans la société, sinon le droit de commander, lequel emporte le devoir d'obéir? Mais qui commande est au-dessus de qui obéit, et tellement au-dessus, qu'on n'imagine point de supériorité plus grande; car elle n'implique pas une simple différence de nature. L'ange, par sa nature, est au-dessus de l'homme; cependant l'homme ne doit rigoureusement rien à l'ange. Qu'un ange revête une forme sensible, et descende sur la terre, où sera la raison de lui obéir? Je n'aperçois aucun droit d'un côté, ni de l'autre aucun devoir. Tout être créé est dans une indépendance naturelle de tout autre être créé; et si le plus élevé des esprits célestes venoit, de son seul mouvement, et sans autre titre que sa volonté, dicter des lois à l'homme, et l'asservir à sa domina

(1) Le Divorce, considéré au XIX. siècle. Disc. prélim. p. 42.

tion, je ne verrois en lui qu'un tyran, et dans ses sujets que des esclaves. Qu'est-ce donc quand l'homme lui-même s'arroge l'empire sur l'homme, son égal en droit, et souvent son supérieur en raison, en lumières, en vertus? Est-il une prétention plus inique, plus insolente, une servitude plus ignominieuse? Certes, je n'hésite point à le dire avec Rousseau : « Il faut une longue altération de >> sentimens et d'idées, pour qu'on puisse se ré>>soudre à prendre son semblable pour maître (1)». Et cependant Rousseau lui-même est contraint, pour constituer philosophiquement la société, d'imposer à l'homme le joug de l'homme, et de le soumettre à l'empire de la force aveugle et brutale. On ne doit pas s'étonner que, sur ce résultat de ses principes, la société civile lui ait paru contraire à la nature (*). Confoudant l'indépendance avec la liberté, l'absence de tout pouvoir et de tout devoir, c'est-à-dire, de tout ordre, devoit être à l'état le plus parfait, ou l'état naturel de l'homme. Mais l'ordre, et le pouvoir qui le maintient, ayant une relation nécessaire à l'intelligence, Jean-Jacques en vint jusqu'à soutenir que l'homme

ses yeux

(1) Contrat social, liv. IV, ch. vii.

(*) « Tout ce qui n'est point dans la nature a ses incon» véniens, et la société civile plus que tout le reste ». Contrat social, liv. III, ch. XV.

qui pense est un animal dépravé; conséquence rigoureusement juste de l'erreur sur laquelle repose son systême. Ainsi l'orgueil proclame la souveraineté de l'homme, et de ce moment, il faut que l'homme soit, ou le vil esclave de la force dans la société, ou l'esclave plus vil de ses appétits, et à peine l'égal des bêtes au fond des bois, leur commune demeure. En vérité, il est étrange qu'il se trouve des ames assez basses pour se complaire dans l'abjection des doctrines philosophiques, ou des esprits assez foibles pour en être séduits. Mais, disoit Pascal, il est bon qu'il y ait beaucoup de ces gens-là au monde, afin de montrer que l'homme est bien capable des plus extravagantes opinions, et des sentimens les plus dénaturés.

Que de grandeur dans les pensées de la Religion, comparées à ces maximes avilissantes ! Que sa doctrine est simple et profonde ! Quelle lumière elle répand sur la société ! et comme elle élève l'homme, sans flatter son orgueil! Elle pe lui dit point: Tu n'as d'autre maître que toi-même; car dès-lors il seroit esclave de quiconque daigneroit l'asservir. Mais elle lui dit : « Le seul être qui >> ait sur toi un pouvoir légitime et naturel, est l'Être infini qui t'a créé, qui te conserve, et dis» pose souverainement de tes destinées. Ses volon»tés sont ton unique loi; et ton bonheur, comme ta » liberté, consiste à les connoître et à t'y soumettre.

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Être libre, c'est tendre à sa fin sans obstacle; ta fin >> est la perfection; obéis donc, et tu seras libre. » Tu te maintiendras daus tes vrais rapports ; ta rai» son ne dépendra que de l'Intelligence suprême, » et ta volonté que des lois immuables auxquelles » le Tout-Puissant lui-même est soumis. >>

On a beau parler avec emphase d'indépendance, de souveraineté; cette orgueilleuse fiction de souveraineté humaine n'est que le voile qui recouvre une servitude irrémédiable. Dès que la philosophie veut établir la simple apparence de l'ordre, il faut aussitôt que l'homme obéisse, et à qui? à son semblable; il faut qu'il plie, qu'il rampe sous la volonté de son égal: et tout, au contraire, l'homme est si grand que Dieu seul a droit de lui commander noble vassal qui ne relève de l'Éternel! Que l'homme donc comprenne ce qu'il est; et si, maîtrisé par les passions, il se sent trop foible encore pour s'élever jusqu'à une pleine obéissance aux lois émanées du pouvoir suprême qui régit tous les êtres créés, qu'il conçoive du moins que cette obéissance, le plus précieux et le plus beau de ses droits, constitue seule la vraie liberté, et qu'il aspire au moment de sa délivrance.

:

que

Un écrivain célèbre, qui ne connoissoit pas mieux le Christianisme que la société, a osé dire que les vrais chrétiens sont faits pour étre esclaves(1).

(1) Contrat social, liv. IV, ch. vIII.

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