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» cher de le voir, et ils se moquent de ceux qui les

>> en avertissent.

» Ainsi, non-seulement le zèle de ceux qui >> cherchent Dieu prouve la véritable Religion, » mais aussi l'aveuglement de ceux qui ne le » cherchent pas, et qui vivent dans cette horrible » négligence. Il faut qu'il y ait un étrange renver» sement dans la nature de l'homme, pour vivre » dans cet état, et encore plus pour en faire va➡ » nité. Car, quand ils auroient une certitude en» tière qu'ils n'auroient rien à craindre après la » mort, que de tomber dans le néant, ne seroit-ce » point un sujet de désespoir plutôt que de vanité? >> N'est-ce donc pas une folie inconcevable, n'en » étant pas assurés, de faire gloire d'être dans ce » doute?

» Et néanmoins il est certain que l'homme est si » dénaturé, qu'il y a dans son cœur une semence » de joie en cela. Ce repos brutal, entre la crainte » de l'enfer et du néant, semble si beau, que non» seulement ceux qui sont véritablement dans ce >> doute malheureux s'en glorifient, mais que ceux >> même qui n'y sont pas croient qu'il leur est glo»rieux de feindre d'y être. Car l'expérience nous » fait voir que la plupart de ceux qui s'en mêlent » sont de ce dernier genre; que ce sont des gens » qui se contrefont, et qui ne sont pas tels qu'ils » veulent paroître. Ce sont des personnes qui ont

» ouï dire que les belles manières du monde con»sistent à faire ainsi l'emporté. C'est ce qu'ils ap>>pellent avoir secoué le joug; et la plupart ne le >> font que pour imiter les autres.

>> Mais s'ils ont encore tant soit peu de sens com» mun, il n'est pas difficile de leur faire entendre >> combien ils s'abusent en cherchant par là de » l'estime.... S'ils y pensoient sérieusement, ils » verroient.... que rien n'est plus capable de leur » attirer le mépris et l'aversion des hommes, et » de les faire passer pour des personnes sans esprit » et sans jugement. Et en effet, si on leur fait » rendre compte de leurs sentimens, et des rai» sons qu'ils ont de douter de la Religion, ils di»ront des choses si foibles et si basses, qu'ils per» suaderont plutôt du contraire. C'étoit ce que >> leur disoit un jour fort à propos une personne : >> Si vous continuez à discourir de la sorte, leur » disoit-il, en vérité vous me convertirez. Et il >> avoit raison; car qui n'auroit horreur de se voir » dans des sentimens où l'on a pour compagnons » des personnes si méprisables.

>> Ainsi, ceux qui ne font que feindre ces senti» mens, sont bien malheureux de contraindre leur >> naturel pour se rendre les plus impertinens des » hommes. S'ils sont fâchés dans le fond de leur >> cœur de n'avoir pas plus de lumières, qu'ils ne » le dissimulent point. Cette déclaration ne sera

» pas honteuse. Il n'y a de honte qu'à n'en point » avoir. Rien ne découvre davantage une étrange » foiblesse d'esprit, que de ne pas connoître quel » est le malheur d'un homme sans Dieu. Qu'ils » laissent donc ces impiétés à ceux qui sont assez >> mal nés pour en être véritablement capables : » qu'ils soient au moins honnêtes gens, s'ils ne >> peuvent encore être chrétiens ; et qu'ils recon>> noissent enfin qu'il n'y a que deux sortes de >> personnes qu'on puisse appeler raisonnables: ou >> ceux qui servent Dieu de tout leur cœur, parce » qu'ils le connoissent, ou ceux qui le cherchent » de tout leur cœur, parce qu'ils ne le connoissent

» pas encore

La plupart des indifférens ne demeurent tels que parce qu'ils s'imaginent montrer une glorieuse supériorité de raison, en méprisant au hasard les sentimens vulgaires. Ils rougiroient d'avoir rien de commun avec le peuple, même l'espérance; et voilà ce qui les détourne d'examiner les fondemens de sa foi. Mais c'est, il faut l'avouer, une vanité bien misérable, que celle qui se nourrit d'ignorance. Les ennemis de la Religion et ses défenseurs sont d'accord sur son importance. Ce point est si évident, qu'aucun incrédule dogmatique ne le conteste. Or, en quoi celui qui n'a, pour toute

(1) Pensées de Pascal.

science, qu'un stupide que m'importe ? seroit-il supérieur au chrétien dont la croyance, déterminée par des preuves positives, repose sur un ensemble de faits et de considérations qui, pour être saisies, exigent au moins de l'application d'esprit et le travail de la réflexion?

Quoi qu'il en soit, l'indifférent, également incapable de rien nier et de rien affirmer, s'endort entre ces deux doutes : il est possible que la Religion soit vraie; il est possible qu'elle soit fausse. Après avoir enfanté ces propositions contraires, au lieu d'en déduire les conséquences, sa puissante raison s'arrête, et se repose dans la douce contemplation de sa grandeur et de sa force.

On pourroit d'abord remarquer que, même avant toute discussion, ces deux propositions générales n'offrent pas, à beaucoup près, le même degré de vraisemblance. Car il n'est personne qui ne sente que, si la Religion chrétienne étoit fausse, son existence prolongée pendant dix-huit siècles, la victoire qu'elle a remportée sur les opinions, les mœurs, les lois, les passions, les habitudes de tant de peuples divers et rivaux, l'empire qu'elle n'a cessé d'exercer sur les esprits les plus pénétrans et les têtes les plus méditatives, seroit le phénomène moral le plus extraordinaire, le plus inexplicable dont on ait jamais ouï parler. Erreur merveilleuse en effet, qui n'a pas moins de séduction

pour la raison froide et sévère que pour les ames sensibles et les imaginations ardentes; qui s'empare de l'homme et de tous les hommes, en combattant sans cesse leurs penchans; erreur qui favorise et qui hâte les progrès de la vérité dans toutes les branches des connoissances humaines; erreur d'où naissent des vertus sans nombre, jusqu'alors inconnues; erreur enfin qui, succédant aux spéculations tant vantées et néanmoins si stériles de la philosophie ancienne, et se propageant soudain par tout l'univers connu, dans le siècle le plus éclairé, rectifie toutes les idées reçues, épure tous les principes, perfectionne les méthodes de raisonnement, crée, ce n'est pas trop dire, les sciences intellectuelles et physiques, abolit tous les préjugés ennemis de l'homme, sanctifie les mœurs et attendrit les lois, unit les peuples par des liens sacrés, met l'amour là où il n'existoit que la haine, protège à la fois le puissant et le foible, pouvoir et le sujet, tempère la domination, affermit l'obéissance, et produit, par son effet propre et nécessaire, la perfection de l'ordre social.

le

Toutefois je consens que l'on tienne, pour également douteuses, la fausseté de la Religion chrétienne et sa vérité. Pour démontrer avec évidence la folie des indifférens, je n'ai besoin que de leurs propres maximes, et il suffit de développer cette proposition qu'ils admettent: Il est possible que la Religion

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