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suites funestes qu'elle entraîne, les déistes, armés d'argumens irrésistibles, en démontrent évidemment l'extravagance et le danger. Nous vous abandonnons, disent-ils à leurs adversaires, toutes les Religions positives; quand une d'elles seroit véritable, nous n'aurions aucun moyen de la discerner. Mais nier l'existence de Dieu, la vie future, la différence essentielle du bien et du mal, c'est s'aveugler volontairement, c'est autoriser tous les crimes, c'est renverser la société par ses fondemens. Ecoutez la voix intérieure; elle vous dira qu'il existe une Religion vraie, nécessaire; Religion qui repose sur la raison seule, et que nous appelons naturelle, parce que la nature l'enseigne à tous les hommes dont les passions n'ont pas perverti le jugement. Ainsi parlent les déistes; mais lorsqu'on vient à examiner de près leur systême, on n'y trouve qu'incohérence et contradiction. La nature tient à chacun d'eux un langage différent. Ils ne sauroient convenir d'aucun culte, d'aucun synibole. Forcés de tout accorder à la raison et de lui tout refuser, les dogmes leur échappent, la morale leur échappe, et, quoi qu'ils fassent, ils sont poussés jusqu'à la tolérance de l'athéisme, ou l'indifférence absolue.

Alors.se présente une nouvelle classe d'indifférens, qui, prouvant sans peine l'insuffisance, ou plutôt la nullité de la Religion naturelle, établissent invinciblement la nécessité d'une révélation, et la

vérité du Christianisme. Mais, partant au fond du même principe que les déistes, c'est-à-dire, de la souveraineté de la raison humaine en matière de foi, ils soumettent la révélation même à la raison, et soutiennent que, pourvu que l'on croie certains dogmes révélés, on peut rejeter les autres sans cesser d'être chrétien, et sans s'exclure du salut.

Je montrerai qu'en réduisant ainsi le Christianisme à quelques articles fondamentaux qu'on n'a jamais pu définir, on est immédiatement conduit au déisme, et à la tolérance de toutes les erreurs, sans exception; et comme ce systême est devenu la base de la théologie protestante, je ferai voir que la Réforme y a été forcément antenée par ses principes, d'où l'on conclura qu'elle devoit aboutir nécessairement, selon la prédiction de Bossuet (1), à l'indifférence absolue des Religions.

Il est trop important de prouver l'intime connexion du protestantisme avec la philosophie moderne, pour céder à la crainte de fatiguer le lecteur par une analyse un peu étendue des controverses qui rendent cette vérité palpable. ́

A l'époque où Luther commença de dogmatiser, il existoit depuis quinze siècles une Eglise ou société

(1) Voyez le Sixième Avertissement aux Protestans, III. partie, no. 3,

religieuse, gouvernée sous l'autorité d'un chef suprême, par un corps de pasteurs qui toujours, conformément aux paroles de Jésus-Christ, s'étoient crus, et avoient été crus par les membres de cette société, revêtus du pouvoir de juger souverainement, ou, pour exprimer la même idée par un autre terme, de décider infailliblement les questions relatives à la foi et aux mœurs; non pas en créant de nouveaux dogmes, car c'eût été, chose impossible, créer des vérités; non pas en citant les dogmes anciens au tribunal du raisonnement, pour les examiner en eux-mêmes, car c'eût été soumettre la révélation ou la raison divine à la raison humaine; mais par voie de témoignage, en constatant la tradition ou la foi universelle, par la tradition ou la foi de chaque Eglise particulière. La doctrine que vous annoncez est inouie, disoit-on aux noyateurs; hier encore on n'en avoit pas entendu parler : donc ce n'est pas la vraie doctrine. La vérité n'est ni d'hier ni d'aujourd'hui, elle est de tous les temps, elle existoit à l'origine comme elle existera jusqu'à la fin ; l'erreur au contraire n'a pas de caractère plus certain la nouveauté. Ou vous n'enseignez pas ce qu'a que enseigné Jésus-Christ, et l'on ne doit pas seulement vous écouter; ou vos enseignemens sont conformes aux siens, et alors il vous faut montrer qu'ils sont conformes à ceux de l'Eglise; car l'Eglise enseignante, avec qui Jésus-Christ a promis d'être tous

les jours jusqu'à la consommation des siècles (1), n'a pas pu un seul jour enseigner une autre doctrine que celle qu'elle a reçue de Jésus-Christ. Sur ce principe inébranlable, sans argumenter, sans discuter dangereusement le fond des dogmes, sans se perdre dans d'interminables disputes avec les hérésiarques, les conciles prononçoient la sentence irrévocable, et l'Eglise entière disoit anathême à Arius, à Nestorius, à Eutychès, à tous les insensés qui osoient mettre les rêves de leur propre esprit à la place de l'antique croyance.

Avant la Réformation, pas un sectaire n'attaqua directement l'autorité de l'Eglise, pas un ne lui contesta le droit de juger de la foi, et ne révoqua en doute l'infaillibilité de ses décisions. Ils incidentèrent sur la forme des jugemens; ils nièrent que les conciles qui les condamnoient fussent de vrais et légitimes conciles, qu'on y eût observé les règles indispensables; mais jamais aucun d'eux ne murmura, même à voix basse, le mot fatal d'indépendance, et ne prétendit n'avoir d'autre juge que sa raison; tant étoit vive encore la terreur qu'inspiroient ces foudroyantes paroles : « S'il n'écoute

(1) Euntes ergo docete omnes gentes..... Et ecce ego vobiscum sum omnibus diebus, usque ad consummationem seculi. Matth. xxvi1, 20.

» pas l'Eglise, qu'il vous soit comme un païen et » un publicain (1) ».

Luther même, au commencement, protestoit avec une sincérité au moins apparente de sa soumission au jugement de l'Eglise; il sollicitoit à grands cris la convocation d'un concile, et cet homme emporté, dont l'ame sembloit n'être qu'un assemblage de passions violentes que nourrissoit un orgueil sans bornes, se montra d'abord résolu à courber son front superbe sous l'autorité des premiers pasteurs et de leur Chef. La constante pratique de tous les siècles, fondée sur des textes formels de l'Ecriture, qu'on ne s'étoit point encore permis de détourner de leur vrai sens, ne lui laissoit pas même concevoir l'idée qu'on pût détruire cette puissante barrière que Jésus-Christ avoit opposée aux innovations. Mais lorsque ses erreurs eurent été proscrites à Rome, lorsque le rapide accroissement de son parti eut porté son audace au comble, ne prenant désormais conseil que de ses sombres ressentimens, il changea tout à coup de langage, et, ne gardant plus de mesure, lança dans sa fureur anathême contre anathême, et arbora l'étendard de la rebellion.

Alors s'ouvrit en Europe comme un vaste cours

(1) Si autem Ecclesiam non audierit, sit tibi sicut ethnicus et publicanus. Matth. xvi, 17.

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