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la pauvreté, le sac, la cendre, et tous les symboles d'un dépouillement.absolu et d'une consternation profonde; car c'est là tout ce que l'univers païen aperçut d'abord dans le Christianisme. Aussitôt les passions s'élancent avec fureur contre l'ennemi qui se présente pour leur disputer l'empire. Les peuples, à grands flots, se précipitent sous leurs bannières; l'avarice y conduit les prêtres des idoles, l'orgueil y amène les sages, et la politique les empereurs. Alors commence une guerre effroyable: ni l'âge ni le sexe ne sont épargnés; les places publiques, les routes, les champs mêmes, et jusqu'aux lieux les plus déserts, se couvrent d'instrumens de torture, de chevalets, de bûchers, d'échafauds; les jeux se mêlent au carnage; de toutes parts on s'empresse pour jouir de l'agonie et de la mort des innocens qu'on égorge; et ce cri barbare, Les chrétiens aux lions, fait tressaillir de joie une multitude ivre de sang. Mais, dans ces épouvantables ho

locaustes que l'on se hâte d'offrir à des divinités expirantes, il faut que chacune ait ses victimes choisics; et une cruauté ingénieuse invente de nouveaux supplices pour la pudeur. Enfin, les bourreaux fatigués s'arrêtent; la hache échappe de leurs mains: je ne sais quelle vertu céleste, émanéé de la croix, commence à les toucher eux-mêmes; à l'exemple de nations entières subjuguées avant eux, ils tombent aux pieds du Christianisme, qui, en échange du repentir, leur promet l'immortalité, et déjà leur prodigue l'espérance. Signe sacré de paix et de salut, son radieux étendard flotte au loin sur lés débris du paganisme écroulé. Les Césars jaloux avoient conjuré sa ruine, et le voilà assis sur le trône dés Césars. -Comment a-t-il vaincu tant de puissance? en présentant son sein au glaive, et aux chaînes ses mains désarmées. Comment a-t-il triomphé de tant de rage? en se livrant sans résistance à ses persécuteurs.

Ainsi, les premiers assauts qu'il eut à soutenir furent ceux d'une violence aveugle. Dieu, sans doute, l'ordonnoit de la sorte, parce qu'il savoit que le courage et la constance des martyrs étoient plus propres qu'aucun autre spectacle à étonner et à convaincre des homines dominés par les sens.

D'ailleurs le Christianisme, à peine naissant, n'avoit pu encore dissiper les nuages accumulés sur l'esprit humain, et le familiariser avec les hautes considérations d'une métaphysique sévère et d'une théologie toute spirituelle. Sa doctrine, trop élevée au-dessus des idées ha bituelles des peuples païens, pour qu'il· leur fût possible d'en saisir l'ensemble et d'en pénétrer la profondeur, ne pouvoit être pour eux le sujet d'un examen éclairé et d'une discussion rigoureuse. Il falloit que le Christianisme, peu à peu, rectifiât, agrandît la raison de l'homme, pour que cette même raison fùt en état de le combattre, sans trop se

déshonorer par l'ineptie de ses sophismes. Celse, il est vrai, remua des questions d'une grande importance. On trouve dans les fragmens qui nous restent de ses écrits, au milieu d'une foule d'opinions absurdes et de pensées extravagantes, le germe des objections sur le fondement de la foi, reproduites avec plus d'art par Rousseau. Mais l'extrême supériorité de celui-ci, les hautes idées sur Dieu, sur sa providence et sur sa justice, sur notre nature, nos devoirs, nos destinées, que l'auteur d'Emile mêle à ses erreurs, idées inconnues aux anciens et purement chrétiennes, montrent quel espace immense le Christianisme avoit fait parcourir à l'esprit humain, pendant les siècles qui séparent les premiers adversaires de notre doctrine du sophiste Génevois. Ainsi, difficultés et solutions, lumières et obscurités, tout est prévu, ménagé de loin avec une sagesse profonde; tout se développe progressivement à l'époque précise où ce déve

loppement devient nécessaire, et toujours pour le triomphe de la vérité, triomphe d'autant plus glorieux qu'il est moins paisible.

A mesure que l'intelligence se perfectionne et s'étend, par la méditation des vérités intellectuelles que la Religion enseigne aux petits enfans comme aux hommes du génie le plus vaste, elle embrasse la cause des passions, se déclare leur alliée, et, essayant ses forces contre les vérités à qui elle les doit, se dispute à elle-même le pain qui lui donne la vie. Alors de nouvelles vérités, attaquées bientôt également, accourent à la défense de celles qu'une raison hostile met en péril. Chaque dogme est l'occasion d'une hérésie particulière, parce qu'il faut qu'ils soient tous éprouvés et affermis. Les preuves se multiplient avec les objections, et le Christianisme se développe tout entier (1).

(1) Improbatio quippe hæreticorum facit eminere quid

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