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» devoir de suivre et d'aimer la Religion de son » pays, ne s'étend pas jusqu'aux dogmes con» traires à la bonne morale (1)». Ne demandez rien de plus; vous n'obtiendrez pas d'autre concession. Celle-ci n'est déjà peut-être que trop embarrassante; car, sans préceptes religieux, sans loi positive, comment distinguer avec certitude ce qui est ou non contraire à la bonne morale ? Enfin chacun s'en tirera de son mieux. Mais, quant au reste, fussiez-vous convaincu mille fois que tel dogme est faux, et par conséquent nuisible, et par conséquent injurieux à la Vérité suprême, au nom de la philosophie, il vous est enjoint de l'aimer; c'est pour vous un devoir, et sûrement un devoir de morale, puisqu'il n'y a d'essentiels que ceux-là. L'auteur n'a-t-il pas sagement fait d'exclure d'abord la raison de son systême?

Autre contradition. Après un magnifique éloge de l'Evangile, il ajoute : « Avec tout cela, ce même » Evangile est plein de choses incroyables, de » choses qui répugnent à la raison, et qu'il est » impossible à tout homme sensé de concevoir ni » d'admettre (1) ». Cela vous semble positif? Attendez un peu, on vous dira que « le Christia»nisme, non pas celui d'aujourd'hui, mais celui

(1) Emile, tom. III, pag. 187.

(2) Ibid.

» de l'Evangile .... est une Religion sainte, su » blime, véritable (1)». Ainsi le Christianisme est une Religion sainte, sublime, et, il est impossible à tout homme sensé de l'admettre; le Christianisme répugne à la raison, et le Christianisme est une Religion véritable. Dociles admirateurs de cet inconséquent sophiste, que vous avez bonne grâce à reprocher aux Chrétiens leur obéissante foi ! Le Christianisme, examiné soigneusement, leur paroît, comme à votre maître, une Religion véri– table, et ils y croient : pauvres gens que les préjugés aveuglent au point de ne pas voir qu'il est impossible à tout homme sensé d'admettre cette Religion sainte, sublime, véritable, attendu qu'elle répugne à la raison!

Au reste, le systême d'indifférence adopté par J.-J. Rousseau ne lui appartient pas même en propre. Jusque dans ses contradictions, il n'est que le copiste de Chubb et des autres déistes anglois. Celui-ci reconnoît «< qu'on ne peut expli» quer l'établissement du Christianisme, qu'en >> admettant la vérité du récit évangélique ; que le » ministère de Jésus-Christ et le pouvoir qu'il » déploya, ayant, au moins en général, été favo» rables au bien public, il est vraisemblable que » Dieu étoit le premier agent de ce pouvoir, et en

(1) Contrat social, pag. 194.

dirigeoit

dirigeoit l'exercice ». Et après quelques autres » réflexions de même nature, il ajoute : « Il suit » de là, ce me semble, qu'il est probable que » Jésus-Christ avoit une mission divine (1) »; ce qui pourtant n'empêche pas Chubb de penser qu'il y a aussi des motifs plausibles d'attribuer à la Religion de Mahomet un caractère divin' (2). Qu'on rapproche ces passages de celui où Rousseau parle ainsi des fondateurs des différens cultes : « Ils se >> sont dits les envoyés de Dieu; cela peut être et » n'être pas»: on conviendra que l'identité de principes est parfaite. La conséquence est semblable aussi; car, selon l'auteur anglois : « Passer du >> Mahométisme au Christianisme, ou du Christia>> nisme au Mahométisme, c'est uniquement aban>> donner une forme extérieure de Religion pour >> une autre forme; démarche qui n'offre pas plus » d'avantage réel, qu'il n'y en a pour un homme à >> changer la couleur de ses vêtemens, en quittant, » par exemple, un habit bleu pour en prendre » un rouge (3) » : et ce que Chubb dit ici des Mahométaus, il le dit également des Païens (4), qui embrassèrent le Christianisme à son origine."

(1) Voyez Chubb's Posthumous Works, vol. II, p. 41, 42, 43.

(2) Ibid. pag. 40.

(3) Ibid. p. 33, 34. (4) Ibid. pag. 33.

L'indifférence absolue des Religions est donc le fondement de ce systême, cent fois plus injurieux à la Divinité que l'athéisme, et plus humiliant pour l'homme, à qui l'on ose dire: « Être borné, » imbécile mortel, incapable de découvrir la vé» rité, d'où te vient l'inexcusable présomption de » chercher à la connoître? Qu'elle existe ou non, » que t'importe? Elle n'existe pas pour toi. Ton » devoir est d'obéir aveuglément à tous les fourbes » qui se diront envoyés de Dieu. Quelque erreur » qu'ils enseignent, tu dois l'aimer; quelque culte » qu'ils établissent, tu dois le pratiquer sincère»ment. Le sort t'a-t-il fait naître dans une contrée » païenne? Adore les Dieux de ton pays, sacrifie » à Jupiter, à Mars, à Priape, à Vénus; initie » pieusement tes filles aux mystères de la bonne » déesse. Tu rendras, en Egypte, les honneurs >> divius aux crocodiles sacrés et au boeuf Apis; >> chez les Phéniciens, tu offriras tes enfans à Mo»loch; au Mexique, tu prendras les armes pour » conquérir des victimes humaines à l'affreuse

idole qu'on y révère; ailleurs, tu te prosterne>> ras humblement devant un tronc d'arbre, devant » des pierres, des plantes, des débris d'animaux, » restes impurs de la mort. As-tu vu le jour à >> Constantinople? Répète du fond du cœur : Dieu » est Dieu, et Mahomet est son prophète ! A Rome, » tu mépriseras ce même Mahomet comme un im

» posteur. Toutes ces Religions et mille autres, » sont autant d'institutions salutaires, qui ont leur » raison dans le climat, dans le gouvernement, dans » le génie du peuple, ou dans quelque autre cause » locale qui rend l'une préférable à l'autre. Voilà » l'unique différence, et sans se tourmenter pour » choisir, le sage s'en tient à celle que le hasard » lui a donnée ».

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Telle est, dans sa simplicité, la doctrine de Jean-Jacques; car la seule restriction qu'il y apporte est visiblement chimérique. « Le devoir de » suivre et d'aimer la Religion de son pays ne s'é»tend pas, dit-il, jusqu'aux dogmes contraires à » la bonne morale ». Fort bien, mais quels sont les peuples qui, en obéissant à leurs lois religieuses, s'imaginent blesser les devoirs de la bonne morale? Au contraire, en violant ces lois, ils croiroient commettre un crime, et s'attirer le courroux du ciel. Lorsque les disciples de Mahomet parcouroient l'Asie, tenant d'une main le cimeterre et de l'autre l'Alcoran, pense-t-on qu'ils missent en doute s'ils avoient le droit d'égorger les rebelles à l'autorité de leur prophète ? Loin d'éprouver des remords en les massacrant, ils se persuadoient faire une œuvre agréable à Dieu. L'histoire est pleine de pareils exemples. En sacrifiant leurs enfans à Saturne, les habitans de Carthage n'étouffoient pas apparemment les sentimens de la nature, pour le

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