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De ces deux propositions contradictoires, l'une est le fondement du systême, l'autre en est la conséquence. Comment sortir de là qu'en niant la raison même, en transformant l'absurdité en motif certain de croyance? Je suis chrétien, mais je le déclare, je rejetta le Christianisme, je désavoue sa doctrine, dès l'instant où l'on me montrera que ma foi repose sur une base aussi humiliante.

Je ne puis ici m'empêcher d'offrir au lecteur une réflexion que je le supplie de méditer sérieusement. En écrivant ce chapitre, je n'ai pas eu dessein de prouver la vérité de la Religion; j'ai voulu seulement réfuter un systême particulier de philosophie; et pourtant la conséquence immédiate de ce qu'on vient de lire, est que la Religion est nécessairement vraie, puisqu'il est évidemment absurde de la supposer fausse : tant il est certain qu'on ne sauroit s'occuper de la Religion, et la considérer sous un aspect quelconque, sans que sa vérité éclate d'une manière aussi frappante qu'elle est quelquefois inattendue. Mille chemins différens aboutissent au même but, mille raisonnemens divers à la même conclusion, ensorte que, dans la multitude presque infinie de preuves qui concourent à établir la plus importante des vérités, il n'est pas un seul homme, quelle que soit la nature et la portée de son esprit, qui ne découvre aisément celle qui lui convient, celle qui lui étoit,

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pour ainsi dire, destinée par la Providence, pourvu néanmoins qu'il la cherche, au lieu d'employer tous ses efforts à la repousser.

En résumant les considérations développées dans ce chapitre et dans le précédent, on voit, 1°. Que la doctrine de ceux pour qui la Religion n'est qu'une institution politique, nécessaire au peuple seul, est destructive de la société, parce qu'elle est destructive de la Religion, sans laquelle on avoue que la société ne peut subsister.

2o. Que cette doctrine est absurde et contra→ dictoire; en premier lieu, parce qu'elle suppose qu'il ne sauroit exister de société sans Religion, et que la Religion n'a pu être inventée ou établie que dans une société déjà existante: en second lieu, parce qu'il en résulte que la société, état nécessaire, est un état contre nature, une invention fortuite, une institution arbitraire fondée sur l'erreur, et qui ne subsiste qu'à l'aide de l'erreur; que, selon les lois immuables de l'ordre, et les rapports qui dérivent de la nature des êtres, l'homme ne devoit point se conserver; qu'ainsi son existence est contraire à la nature; que les devoirs sont également contraires à la nature, le dé→ veloppement de la raison humaine, contraire à la nature; la vertu, contraire à la nature; que la vé→ rité est une cause de désordre et de mort, l'erreur un principe de perfection et de vie; qu'enfin il

est impossible que la Religion soit vraie, et en même temps impossible qu'elle soit fausse.

3°. Que ce systême ne permettant de considé rer les Religions diverses, et la Religion en général, que sous un point de vue purement politique, repose par conséquent sur l'indifférence absolue de la vérité en matière de Religion. Réfuter la doctrine fondamentale de l'indifférence, ce sera donc renverser par sa base ce systême particulier.

Et déjà ne serois-je pas en droit de terminer la discussion, en sommant les adversaires, ou d'abandonner leurs principes, ou de prouver qu'ils n'entraînent pas les conséquences que je leur attribue? Mais non ; je sais ce qu'il en coûte à l'homme de reconnoître qu'il s'est mépris, je sais combien long-temps il lutte contre cette douloureuse conviction. Tout ce que j'attends, tout ce que je demande, c'est qu'après avoir médité les réflexions qui précédent, les philosophes à qui elles s'adressent, consentent seulement à douter, à soupçonner que peut-être il est possible qu'ils s'abusent, et que la Religion ne soit pas une invention humaine. Ce simple doute leur impose le devoir d'examiner. Ils y sont tenus comme êtres raisonnables; comme philosophes ils y sont doublement obligés. Car enfin, que reprochent-ils si amèrement au vulgaire? de croire sans examen, par habitude, par préjugé. Or est-il honorable, est-il sage d'être

incrédule, comme on soutient qu'il est absurde d'être croyant? Le peuple au moins, dans ses préjugés, se réserve l'espérance, et, s'il se trompoit, s'il falloit opter entre ce sentiment céleste, et des lumières désolantes qui n'éclairent que le néant, le partage du Chrétien seroit encore assez beau.

CHAPITRE IV.

Considérations sur le second systéme d'indifférence, ou sur la doctrine de ceux qui, tenant pour douteuse la vérité de toutes les Religions positives, croient que chacun doit suivre celle où il est né, et ne reconnoissent de Religion incontestablement vraie que la Religion naturelle.

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LES Conséquences pernicieuses du systême précédent, et les absurdités dont il abonde, en portant quelques philosophes à le modifier, ont fait naître une nouvelle théorie de l'indifférence. Moins hardie que la première, sans être plus satisfaisante, on verra bientôt qu'elle ne sauroit soutenir le plus léger examen. On ne concevroit même pas l'illusion qu'elle produit sur certains esprits, si l'on ne savoit d'ailleurs avec quelle humiliante facilité l'homme admet toutes les opinions qui flattent ses préjugés et favorisent ses penchans.

Le plus habile défenseur de la doctrine que je vais combattre, est sans contredit J.-J. Rousseau. Je ne saurois donc mieux faire que d'emprunter ses propres paroles pour l'exposer. Outre que cette

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