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à nos conjectures; il faut, en un mot, qu'éclairés sur notre condition réelle par une lumière plus vive que celle de notre vacillante raison, l'auteur même de notre nature nous révèle la cause des contrariétés qui nous étonnent. Alors seulement le voile tombe, et nous apercevons l'homme tel qu'il est : nous découvrons en lui comme deux êtres différens qui se combattent sans cesse, et triomphent tour à tour; l'un épris de tout ce qui est bon, noble et vrai; l'autre enclin à tout ce qui est mal, vil et faux ; l'un s'élançant avec amour vers la vérité et la vertu, l'autre se plongeant avec rage dans le crime et dans l'erreur : et la foi, développant à nos yeux ce mystère de grandeur et de bassesse, nous montre, dans le premier de ces êtres, l'homme primitif, tel qu'il sortit des mains de Dieu; et dans le second, l'homme dégradé, corrompu par une première faute, portant empreinte sur le front, la marque indélébile de sa chute, et recevant,

avec la vie,un funeste héritage de vicieux penchans et de douleurs, qu'il transmettra, de race en race, à son dernier descendant. Ainsi, par ce qu'il tient du Créateur, l'homme participe aux perfections de la Divinité dont il est l'image: intelligence et amour, un désir infini d'aimer et de connoître, l'élève incessamment vers le ciel, où, dans la contemplation de la vérité qui ne meurt point, il goûte comme les douces prémices de sa propre immortalité. La simple apparence dubien le ravit de joie. Imaginez, s'il se peut, une action magnanime, un généreux mouvement qui ne soit pas naturel à son coeur. S'agit-il d'embrasser, pour une noble fin, quelque grand sacrifice? un sublime instinct, plus prompt que la pensée, le fait palpiter d'allégresse; il n'hésite point, il ne calcule point, il bénit son sort et se dévoue. Que l'humanité, que la conscience parle, aussitôt vous le verrez, le nom sacré de Dieu sur les lèvres, voler chez les peuples sauva

ges, au bout du monde, pour éclairer ses semblables, soulager leurs maux, adoucir leurs moeurs, pour étendre le saint empire de la vérité; vous le verrez descendre au fond des cachots, aller audevant des tortures, pour lui rendre un éclatant témoignage, et mourir avec joie pour préparer son triomphe.

Il y a donc dans chaque homme, et, par une liaison nécessaire, dans chaque peuple, deux puissances qui se combattent, les sens et la raison, ou, pour parler le langage profondément philosophique de nos Livres saints, la chair et l'esprit (1); et selon que l'un ou l'autre prévaut, la vérité ou l'erreur, la vertu ou le crime, domine dans la société et dans l'individu.

Par sa raison, en effet, l'homme aspire à la possession de la vérité, noble aliment de son intelligence, et tend avec une force

(1) Caro enim concupiscit adversùs spiritum : spiritus autem adversùs carnem : hæc enim sibi invicem adversantur. Ep. ad Galat. v, 17.

invincible vers l'ordre conservateur des êtres. De là le penchant qu'il manifeste pour les croyances généreuses, pour les doctrines élevécs et sévères et les dogmes les plus spirituels; de là encore cette insatiable ardeur de connoître, cette soif d'immortalité, cet instinct religieux,cette foi, d'autant plus éclairée qu'elle est plus simple, à tout ce qui est beau, sublime, utile, et par là même plein de réalité ; de là enfin cet étonnant empire qu'il exerce sur lui-même, sur ses sentimens, sur ses passions, et jusque sur ses pensées; ce mépris des plaisirs frivoles et des jouissances matérielles; ce dégoût insurmontable pour tout ce qui passe; ces élans vers un bien immuable, infini, que le cœur pressent, quoique l'esprit ne le comprenne pas encore; cet amour immense de la vertu, et ces inexprimables angoisses lorsqu'il s'en est écarté; cette tendre compassion pour tous les genres de misères physiques et morales, et cette disposition constante à se sacrifier à au

trui, source unique de ce qu'il y a de grand, de touchant et d'aimable dans la vie humaine.

Par les sens, au contraire, l'homme, incliné vers la terre, enseveli dans les jouissances physiques, et sans goût pour les plaisirs intellectuels, ressemble à la brute, et se complaît dans cette ressemblance. Son intelligence s'obscurcit, mais trop lentement à son gré: aussi, avec quelle ardeur il travaille à l'obscurcir encore! On diroit que la vérité est son supplice, tant est vive et profonde la haine qu'elle lui inspire. Il la poursuit sans relâche, l'attaque avec fureur, tantôt dans les autres, tantôt en lui-même, dans son esprit, dans son cœur, dans sa conscience. Inutiles efforts! Au moment même où il se croit vainqueur, au moment où, plein d'orgueil, il s'applaudit d'avoir enfin terrassé, anéanti cette vérité implacable, l'imposante vision, plus menaçante et plus formidable, revient de nouveau le désoler.

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