allons l'emmener à Vitry, et là si elle s'obstine à ne pas dire où est son maître, ça la regarde: on la jugera, on lui dira de quelle peine la loi punit ceux qui ne dénoncent pas les suspects, et si le procureur de la commune veut la comdamner, c'est son affaire... A chacun la sienne ! -Soit, dit la Machu: je veux ben m'en aller avé vous, mé. Cet avis semblait sage: contrairement à ce qui arrive souvent, la foule s'y rendit, on l'adopta, les patriotes reprirent le chemin de la ville, non sans avoir mis tout à pillage et à sac, dans la modeste demeure du chevalier. Et Thérèse presque heureuse de sa mine en arrestation, se disait: "Ce soir, lorsqu'il n'eutendra plus de bruit, il devinera que toutes ces canailles sont parties; alors il sortira de sa cachette, et aura le temps de se sauver..." Puis elle ajoutait, toujours mentalement, en digne et pieuse femme qu'elle était ; -Dieu protège M. le chevalier, et la sainte vierge aussi ! IV La route est longue de Vavray à Vitry: on compte qutare bonnes lieues de pays entre ces deux points, et ces lieues-là semblent encore plus longues qu'aileurs; je n'ai jamais su pourquoi. A Vitry huit heures sonnaient, quand la bande des patriotes déboucha sur la grande place, laquelle n'a guère changé depuis ce temps-la. Il était bien tard pour aller déranger le procureur syndic; on remit donc le lendemain le soin de le prévenir et de lui amener Thérèse. Mais le lendemain de graves nouvelles étaient arrivées de Paris; on faisait queue dans l'antichambre du procureur de la commune, et il fallut encore remettre d'un jour la comparution de la Michu devant lui. Celleci se réjouissait intérieurement de tous ces retards, car bien qu'elle n'eût jamais eu la moindre notion de géographie, elle savait très bien qu'en gagnant à fortes étapes, le pays des gentilshommes verriers, de l'autre côté de Sainte-Ménehould, ou pouvait arriver aux bois de l'argone, et de là facilement parvenir en Allemagne : n'avait-elle pas souvent entendu son maître laisser percer devant elle le désir d'aller rejoindre dans ce pays ceux que le vieux seigneur nommait ses princes? Le troisième jour enfin, Thérèse parut devant son juge, ce dernier était un homme de grand sens, heureusement, et qui n'avait accepté ce poste difficile que pour empêcher un autre moins digne de le remplir plus mal que lui il renvoya durement la bonne femme, en renvoyant plus durement encore ceux qui la lui avaient amenée. -Est-ce que c'est ainsi, s'écria-t-il, que la Républi que entend qu'on la serve ?... Vous devriez avoir honte, citoyens, de vous en prendre ainsi à une pauvre femme dont tout le crime est d'avoir de la reconnaissance? D'ailleurs, le citoyen Fredy n'a pas jusqu'à present été déclaré suspect, et l'eût-il été, que ce n'était pas à vous à vous porter ainsi sans ordre chez lui, et à priver de sa liberté une personne de sa maison ! Thérèse Michu respira. Quelque minutes après, elle se trouvait seule et libre sur cette grande place de Vitry, qui sert aujourd'hui en core,-comine alors sans doute, de lieu de promenade aux bons habitants de la ville, parce que de là, grâce à l'ingénieux plan de reconstruction adopté par l'architecte de François 1er, ils peuvent se surveiller admirablement les uns les autres. Cette place est, en effet, coupée par quatre grandes rues qui séparent la ville en quatre parties a peu près égales, et disposée de telle façon qu'il est impossible aux promeneurs de ne pas voir ce qui se passe dans chacune des rues qui y aboutissent: ingénieuse disposition qui fait qu'a Vitry personne n'ignore ce qui se fait chez son voisin, et tout le monde sait combien de fois, à quelle heure, et quel jour, tel bourgeois est allé chez tel autre, d'où résultent des commentaires qui éternisent les cancans, la médisance et la curiosité. -Je m'en revâmes! dit la bonne femme, qui reprit allègrement le chemin de son village. En moins de trois heures, elle était chez son maître, tant le contentement lui donnait des jambes. En arrivant dans la cour du château, elle vit que tout y était encore comme le jour où elle l'avait quitté ; dans les communs dans les jardins, dans les écuries, rien n'avait bougé. Seulement, comme Jean Gorju était parti de crainte d'avoir le sort de Thérèse et d'être traité lui aussi comme valet d'aristocrate, la vieille jument du chevalier s'était sans doute lassée d'attendre sa pitance quotidienne, et brisant sa longe, elle était venue retrouver, dans le clos, l'ane de Thérèse ; ils broutraient à même, à deux pas l'un de l'autre, les choux, les carottes et les feuilles de vigne. -Poves bêtes! dit Thérsse, qui ne put s'empêcher de leur donner un souvenir. Mais la pensée de son maître reprenant le dessus: -Allons, pensa-t-elle, le vieux seigneur aura préféré s'en aller à pied, plutôt qu'avec la Rousse ; mais en passant par Changy, la dame de Saint-Blaise lui aura bien donné un cheval plus frais et plus alarte que celui-ci : Jésus Dieu ! a-t-il eu de la chance! Et elle se signa de nouveau murmurant je ne sais plus quel acte de contrition, en expiation du mensonge qu'elle avait été obligée de faire aux patriotes, lorsqu'elle lear avait dit que M. de Fredy était parti. Cependant la curio-ité la guidait vers les combles du château: elle était bien aise de voir par elle-même si les choses avaient été remises par le chevalier dans leur état ordinaire. Sainte Vierge! dit-elle, en voyant que la poutre semblait intacte et que nulle trace de fraude n'y apparais sait; bien, M. le chevalier aura tout remis en ordre! Elle chantonnait alors, je ne sais plus quel vieux refrain que les jeunes filles du Perthois chantent encore le soir à la veilée, dans l'hiver, ou l'été, après vêpres le dimanche, en faisant la ronde sous les ormes,-les toutes petites, car les grandes, les mijaurées, ne dansent plus: Avez-vous vu Le loup, le loup garou? Fillettes.... A ce moment son doigt pressait le ressort qui devait faire jouer dans sa rainure, l'épaisse planche qui servait à masquer la cavité de la poutre. Eprouvant quelque difficulté à la faire mouvoir, Thérése continuait: Fillettes du bocage Prenez garde à votre âge, Les loups.... Mais tout la poutre s'entr'ouvrit. Thérèse recula avec horreur, poussa un cri terrible. et tomba à la renverse. Elle venait d'apercevoir dans la poutre, le malheureux M. de Fredy, étendu mort dans sa cachette ! que V. Ce qui était arrivé est bien simple à raconter. J'ai faim, dans cet étroit réduit, après trois jours d'horribles Cette histoire a longtemps défrayé les récits des veil- Le château de Vavray n'existe plus : il été détruit Quant à Thérèse Michu, elle est enterrée dans l'étroit A. BARBAT DE BIGNICOURT. TABLE DES MATIERES. CABINET DE LECTURE PAROISSIAL: Réouverture des | LE DIABLE au bal, légende russe, p. 197. séances, 5 février: Discours de M. C. S. Cherrier, C. R. p 67.-Lecture de M. F. X. A. Trudel, sur Frédéric Oza- nam, p. 52.-Séance du Cercle Littéraire du 12 février: Discours d'ouverture: M. D. H. Senécal, p. 69.-Dis- cours sur le Luxe, par MM. J. E. Auclaire, Belle, Archam- bault et Provencher, p. 70 et 83.-Pie IX, lecture par L'EGLISE libre dans l'Etat libre, par M. de Montalembert, COMPTE-RENDUS de soirées religieuses, littéraires, de fêtes publiques, etc., etc., Université Laval, p. 18.-Ca- binet de Lecture, p. 51.-Ecole commerciale, rue Côté, p. 98. Le Collége de Terrebonne à St. Paul l'Ermite, p. 198.-Discours de M. C. S. Cherrier, à la fête St. Jean-Baptiste, p. 211.-L'intempérance, lecture pronon- cée devant la section de tempérance St. Jacques, par M. F. X. A. Trudel, p. 212.-Deux concerts à Québec, p. 72. Le livre de M. Renan, p. 258.-Consécration de l'Hospice St. Joseph, p. 323. CHRONIQUE de la Quinzaine : p. 1, 17, 33, 50, 65, 81, 129, 161, 177, 193, 209, 257, 273, 289, 305, 321, 337, 353, 369. FEUILLETON: Les deux Pigeons, p. 10, 29, 42, 59, 74, 92, INSTITUT Canadien-Français (séances): p. 2, 19.-Maury, lecture par M. A. Belle, p. 180.-Exploration de la Ri- viere Mantawin, par le Rév. M. Provost, p. 228, 243 et LETTRE de Mgr. Dupanloup et de M. Quinet, an sujet de la LE progrès des sciences et de l'industrie au point de vue chrétien, discours, par M. Aug. Cochin, p. 362 et 365. LE travail au point de vue philosophique et social, essai par LEGENDE de Mme. d'Haberville, tirée des Anciens Canadiens LA TELEGRAPHIE électrique, par Philippe Dauriac, 371. MUSIQUE: Brigadier, vous avez raison, G. Nadaud, p. 14. -Le rom de ma sœur, par Célestin Lavigueur, de Qué- Convivium, par M. Jung, p. 78.-Chant des bateliers de la Loire, arrangé par E. B., p. 94.-Les canotiers du St. Laurent, par Melle. D. B., p. 110.-Dieu et patrie, par E. Arnaud, p. 125.-La mort de l'enfant, par J. Denefve, p. 142. Le louis d'or, par L. Bordese, p. 174.-La Ronde des Tuileries, E. de Lonlay, p. 190.-Les Echos de la soirée du 24 juin 1863, p. 206.-La bulle de savon, par E. Arnaud, p. 238.-Rothon.ago, A. Groot, par Arban, p. 254.-L'pied qui r'mue, rengaíne normande, p. 270.- Piété, par V. Mercier, p. 286.-La fée Urgande de Bé- Servante et Reine, par Mlle. E. Blain de St. Aubin, 382. POESIE: Le vrai sage, par M. A Marsais, p. 48.-L'orphe- vieille chanson, par B. Sulte, p. 253.-Poésie, UNION CATHOLIQUE: Lecture sur le coton et le tabac, par M. P. Laurent, p. 22.-Sur le Progrès des sciences physiques, par M. C. H. Jourdan, p. 99-L'Union Ca- tholique, par M. N. Bourassa, président, p. 164.-Séance lecture par M. Aug. Genand, p. 362. UN peut de tout, etc.: Deux jours sans pareils, p. 16.-Mots |