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de Césarée, et Alexandre, évêque de Jérusalem, lui conférèrent les ordres sacrés. Il était âgé de quarante-trois ans. Cet acte devint une crise fatale dans la vie d'Origène.

Démétrius fut extrêmement irrité de cet événement, non seulement parce que les évêques s'étaient permis d'ordonner une personne étrangère à leur diocèse, mais encore parce qu'Origène semblait être enlevé par là à l'Eglise qui l'avait nommé. Il en fit d'amers reproches aux premiers, et sur Origène, il s'en vengea en rappelant la faute de sa jeunesse et la lui imputant à crime''. A compter de ce moment, il ne changea plus de dispositions envers lui; car, lorsqu'Origène, après un assez long séjour en Achaïe, revint chez lui, Démétrius convoqua un concile d'évêques égyptiens et de prêtres d'Alexandrie, qui, à son instigation, dépouillèrent Origène de sa chaire, et l'exilèrent de la ville en 231". Nous ignorons les motifs de l'évêque pour en agir ainsi : on ne peut guère admettre que sa mutilation et son ordination par un évêque étranger en aient été les seules causes. Eusèbe et saint Jérôme accusent Démétrius d'envie et de jalousie. Il est possible que tous ces divers motifs se soient réunis; mais il est plus probable que l'on aura trouvé des erreurs dogmatiques dans ses écrits, et notamment dans le Périarchon. Origène remit alors sa chaire à Héraclas, et se réfugia auprès de ses amis en Palestine11. Mais Démétrius ne s'arrêta pas là. Dans un second concile, plus nombreux que le premier, Origène fut exclu de la communion de l'Eglise et dépouillé de sa dignité de prêtre, tandis qu'une lettre encyclique et synodale devait rendre ces décrets partout exécutoires; et en effet, tous les évêques y accédèrent, excepté ceux de Palestine, d'Achaïe, de Phénicie et d'Arabie1.

Mais cette circonstance n'arrêta point l'activité d'Origène ; elle en changea seulement la sphère. Il ouvrit à Césarée une école de science chrétienne qui, par son éclat, ne tarda pas à effacer celle d'Alexandrie. Des hommes même des pays les

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Euseb., VI, 23. Hieron., 1. c.— Euseb., VI, 8.

Hieron., contr, Rufin., 1. II, c. 5. Photius cod. 118.

3 Euseb., h. e., VI, 26.

14 Phot., 1. c. — Hieron. ep. 29, ad Paul. — Rufinus in Hieron. L. II, August. contr. Donat. ep., c. 25.

plus éloignés furent au nombre de ses auditeurs 5. Son enseignement embrassait, d'après ce que saint Grégoire le Thaumaturge nous apprend dans son panégyrique, tout le cercle des connaissances philosophiques et théologiques. Ce même Grégoire et son frère Athénodore, qui tous deux se livraient à l'étude du droit, étaient venus par hasard à Césarée, où Origène les enflamma d'un si grand enthousiasme pour les connaissances philosophiques et théologiques, qu'ils renoncèrent l'un et l'autre à leur premier projet, et acquirent plus tard une grande célébrité, surtout le premier, qui fut évêque de Néocésarée en Cappadoce1.

Origène fut interrompu au milieu de ses travaux littéraires, lorsqu'Alexandre Sévère fut remplacé, en 235, sur le trône des Césars, par Maximin, ce grand ennemi du nom chrétien. Celui-ci, par haine pour la famille de son prédécesseur, publia contre les chrétiens un édit de persécution qui était surtout dirigé contre la prédication. Ambroise, l'ami d'Origène, et un prêtre nommé Protoctète, éprouvèrent toute la colère du persécuteur. Ce fut à cette occasion qu'Origène leur adressa son écrit: Exhortatio ad Martyrium, dans lequel il les engageait à persévérer avec courage". Quant à lui, il quitta la Palestine et se rendit à Césarée en Cappadoce, où il avait été invité par l'évêque Firmilien. Il y demeura tant que dura l'orage qui s'était élevé contre l'Eglise, c'est-à-dire pendant près de deux ans, dans la plus profonde obscurité, chez une demoiselle chrétienne nommée Juliana. Il y trouva une excellente bibliothèque, et, au nombre des ouvrages qu'elle renfermait, la traduction de Symmaque l'ébionite. Il y acheva la correction de la version Alexandrine, ainsi que son Hexaple'. En 238, aussitôt que la paix fut rendue à l'Eglise, il alla par Nicomédie en Bithynie, où il visita son ami Ambroise et écrivit sa célèbre épître à Jules l'Africain3°. De là il se rendit à Athènes où il demeura assez longtemps, et où il acheva son Commen

5 Euseb., h. e., VI, 27-30.— 26 Ibid., h. e., VI, 30. Greg. Thaum. in panegyr. in Orig. 7 Euseb., h. e., VI, 28.

28 Hieron. cat., 1. c. Palladius in histor. Lausiaca, c. 51.

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* Euseb., h. e., VI, 16, 17.— 3° Orig. ad Afric., c. 1. Opp. Tom. I.

taire sur Ezéchiel et sur saint Jean; il y écrivit encore les cinq premiers livres du Commentaire sur le Cantique des Cantiques. Celui qu'il avait composé sur Isaïe avait déjà été complété à Césarée31.

A peine fut-il de retour en Palestine, qu'il reçut de nouveau une invitation des évêques d'Arabie, pour se rendre auprès d'eux. Bérylle, évêque de Bostra, homme du reste fort savant, avait adopté quelques erreurs assez graves au sujet de la personne de Jésus-Christ et de la Trinité, erreurs que ses collègues ne se sentaient pas en état de rectifier. Origène parut, le convainquit de sa faute, au point que Bérylle, non content de l'abjurer, écrivit par la suite plusieurs lettres à son bienfaiteur pour le remercier. Malheureusement cette correspondance intéressante est perdue3. Peu d'années après, Origène redevint encore nécessaire dans ces contrées. Il y avait paru une secte judaïsante qui soutenait que l'âme mourait avec le corps, et était ranimée avec lui à la résurrection. Un concile qui s'assembla n'eut aucun effet sur ces hommes égarés; mais Origène, par sa science et sa réputation, les ramena à la vérité. A peu près vers le même temps, il combattit aussi l'hérésie des elkésaïtes, branche sortie de la souche morte de l'ébionitisme 33.

Ce fut au milieu de ces vicissitudes qu'Origène atteignit sa soixantième année; mais l'âge n'affaiblit point la vigueur de son esprit; son zèle demeura toujours aussi ardent, son activité aussi infatigable que dans sa jeunesse. Il adressait presque journellement des homélies au peuple, et ses discours étaient tellement admirés, que des sténographes les transcrivaient à mesure qu'il les prononçait, et les faisaient passer immédiatement dans le commerce de la librairie. C'est aussi à cette dernière période de sa vie qu'appartiennent ses écrits les plus parfaits, savoir ses huit livres contre Celse, qui forment, sans contredit, son meilleur ouvrage; ses Commentaires sur saint Matthieu, en vingt-cinq livres, et un autre de la même étendue sur les petits prophètes. Il était alors aussi en

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Euseb., h. e., VI, 32.— 31 Ibid., VI, 20, 33. Hieron. catal., c. 60.

''Ibid., VI, 37, 38. Theodoret. Hæret. Fab., II, 7.

correspondance avec l'empereur Philippe l'Arabe, et avec son épouse Severa; mais ces lettres, qui seraient si importantes pour l'histoire, ne sont point parvenues jusqu'à nous**.

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En attendant, l'excommunication lancée contre Origène n'avait point été rapportée, et ses adversaires eurent en conséquence beau jeu pour le calomnier. Il s'en exprime souvent avec douleur dans ses homélies. Dans une lettre adressée à ses amis d'Alexandrie, il se plaint de l'injustice de ses ennemis, et des falsifications qu'ils avaient fait subir à ses écrits. Dans une autre lettre au pape Fabien, il s'efforce de se justifier du reproche d'hétérodoxie, et remarque, entre autres choses,

bien des points qui avaient causé du scandale, avaient été publiés malgré lui par son ami Ambroise35.

Sur ces entrefaites éclata, l'an 250, la persécution de Décius, durant laquelle les chefs des communautés chrétiennes furent plus particulièrement menacés. Le vieux Origène fut arrêté, jeté en prison et soumis à d'affreuses tortures, sans toutefois que la mort en résultât. Après avoir confessé avec constance sa religion, il écrivit, du fond de son cachot, plusieurs lettres consolantes et édifiantes à ses frères. La liberté lui fut à la vérité rendue, mais il mourut à Tyr, l'an 254, à l'âge de soixante-neuf ans, et probablement par suite des mauvais traitements qui lui avaient été infligés3.

Nous ne connaissons point d'homme qui joignît à des dons aussi brillants de l'esprit un zèle aussi infatigable, et qui les appliquât d'une manière plus digne qu'Origène. Son activité, son inébranlable volonté, son courage dans les dangers, sa patience et sa soumission dans des peines qu'il n'avait point méritées, sa douceur envers son prochain, son humilité et la faible opinion qu'il avait de lui-même, tandis que ses contemporains le regardaient comme le plus grand des hommes, son amour ardent pour Jésus-Christ et pour l'Eglise, ainsi que pour le salut de l'âme de ses frères, toutes ces qualités le ren

34 Euseb., VI, c. 36.

35 Orig. ep. ad quosdam Alexandrinos. Tom. I, p. 5. Euseb., 1. c. Hieron., ep. 84, ad Pammach., c. 10. - Ad Rufin., 1. II.

36 Euseb., h. e., VI, 39; VII, 1. Hieron. catal., c. 54.

daient extrêmement aimable. Les décrets des conciles pouvaient exclure de l'Eglise des hommes égarés; mais la science d'Origène, sa douceur et son éloquence, les ramenaient au contraire dans son sein. Il s'est donc rendu plus célèbre qu'eux, puisqu'il est plus doux de ramener ceux qui sont séparés, que de prononcer leur séparation. Le pasteur des âmes trouve en lui un modèle de ce que peut exécuter une âme enflammée d'enthousiasme pour Jésus-Christ, et une vertu toujours prête à se sacrifier. Il apprend que ces qualités seules ont une action salutaire dans l'Eglise.

I. Ecrits.

Origène fut un écrivain des plus féconds. Il composa, dit saint Jérôme, plus de volumes que d'autres n'en auraient pu lire3. Le nombre de ses homélies dépassait mille, et celui de ses commentaires est incalculable. Selon Epiphane, le nombre total de ses ouvrages s'élevait à plus de six mille3, ce qui ne paraît pas exagéré, quand on y comprend tous les livres séparés de chaque ouvrage, ainsi que ses lettres. Du reste, ni Eusèbe, ni saint Jérôme, n'en ont donné un catalogue complet.

On pourrait croire, d'après cela, qu'Origène était travaillé d'une passion toute particulière pour écrire ; mais il n'en est rien. Convaincu de la difficulté d'interpréter l'Ecriture-Sainte, il se décida à regret à publier ses Commentaires, et ne se mettait jamais au travail sans avoir fait une prière3°. Mais il

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37 Hieron. ep. 65, ad Pammach.- 39 Epiphan. Hæres. LXIV, c. 63. Origen. Comment. in Psalm. I. Opp. Tom. I, p. 526. Quando quidem diu me, comperta periculi magnitudine, recusantem non modo disputare de sacris litteris, sed multo magis scribere et posteris relinquere, modis omnibus atque illecebris demulsisti (Ambrosi), et ad hoc divinitatis quibusdam progressionibus adduxisti. Tu igitur testis mihi apud Deum eris, tunc cum de vita mea ac scriptis inquiret, quonam animi consilio sit istud a me susceptum... Quam ob rem cum nihil sine Deo possit esse egregium, præsertimque divinarum litterarum intelligentia: abs te eliam atque etiam petimus, ut parentem omnium Deum per Salvatorem nostrum ac Pontificem genitum Deum obsecrare velis, idque ab eo impetrare, ut imprimis recte quærere possimus.

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