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Ce même amour, soigneux de votre renommée,
Veut qu'ici mon exemple encourage l'armée,
Et me défend sur-tout de vous abandonner
Aux timides conseils qu'on ose vous donner.

SCENE III.

AGAMEMNON, ULYSSE.

ULYSS E.

Seigneur, vous entendez. Quelque prix qu'il en coûte,
Il veut voler à Troie et poursuivre sa route.
Nous craignions son amour: et lui-même aujourd'hui
Par une heureuse erreur nous arme contre lui.

Hélas!

AGAMEMNON.

ULYSS E.

De ce soupir que faut-il que j'augure? Du sang qui se révolte est-ce quelque murmure? Croirai-je qu'une nuit a pu vous ébranler? Est-ce donc votre cœur qui vient de nous parler? Songez-y; vous devez votre fille à la Grece : Vous nous l'avez promise; et, sur cette promesse, Calchas, par tous les Grecs consulté chaque jour, Leur a prédit des vents l'infaillible retour. A ses prédictions si l'effet est contraire, Pensez-vous que Calchas continue à se taire ; Que ses plaintes, qu'en vain vous voudrez appaiser, Laissent mentir les dieux sans vous en accuser? Et qui sait ce qu'aux Grecs, frustrés de leur victime, Peut permettre un courroux qu'ils croiront légitime? Gardez-vous de réduire un peuple furieux, Seigneur, à prononcer entre vous et les dieux. N'est-ce pas vous enfin de qui la voix pressante Nous a tous appelés aux campagnes du Xanthe; Et qui de ville en ville attestiez les serments

Que d'Hélene autrefois firent tous les amants,
Quand presque tous les Grecs, rivaux de votre frere,
La demandoient en foule à Tyndare son pere?
De quelque heureux époux que l'on dût faire choix,
Nous jurâmes dès-lors de défendre ses droits;
Et, si quelque insolent lui voloit sa conquête,
Nos mains du ravisseur lui promirent la tête.
Mais sans vous, ce serment que l'amour a dicté,
Libres de cet amour, l'aurions-nous respecté ?
Vous seul, nous arrachant à de nouvelles flammes,
Nous avez fait laisser nos enfants et nos femmes.
Et quand, de toutes parts assemblés en ces lieux,
L'honneur de vous venger brille seul à nos yeux;
Quand la Grece, déja vous donnant son suffrage,
Vous reconnoît l'auteur de ce fameux ouvrage;
Que ses rois, qui pouvoient vous disputer ce rang,
Sont prêts pour vous servir de verser tout leur sang:
Le seul Agamemnon, refusant la victoire,
N'ose d'un peu de sang acheter tant de gloire :
Et, dès le premier pas se laissant effrayer,
Ne commande les Grecs que pour les renvoyer!

AGAMEMNON.

Ah seigneur! qu'éloigné du malheur qui m'opprime Votre cœur aisément se montre magnanime.

Mais que, si vous voyiez ceint du bandeau mortel
Votre fils Télémaque approcher de l'autel,

Nous vous verrions, troublé de cette affreuse image,
Changer bientôt en pleurs ce superbe langage,
Eprouver la douleur que j'éprouve aujourd'hui,
Et courir vous jeter entre Calchas et lui!
Seigneur, vous le savez, j'ai donné ma parole;
Et si ma fille vient je consens qu'on l'immole :
Mais, malgré tous mes soins, si son heureux destin
La retient dans Argos, ou l'arrête en chemin,
Souffrez que, sans presser ce barbare spectacle
En faveur de mon sang j'explique cet obstacle,

Que j'ose pour ma fille accepter le secours

De quelque dieu plus doux qui veille sur ses jours.
Vos conseils sur mon cœur n'ont eu que trop d'em>
pire,
Et je rougis...

SCENE IV.

AGAMEMNON, ULYSSE, EURYBATE.

EURYBATE.

Seigneur...

AGAMEMNON.

Ah! que vient-on me dire?

EURY BATE.

La reine, dont ma course a devancé les pas,
Va remettre bientôt sa fille entre vos bras;
Elle approche. Elle s'est quelque temps égarée
Dans ces bois qui du camp semblent cacher l'entrée.
A peine nous avons, dans leur obscurité,
Retrouvé le chemin que nous avions quitté.

Ciel!

AGAMEMNON.

EURYBATE.

Elle amene aussi cette jeune Ériphile Que Lesbos a livrée entre les mains d'Achille, Et qui de son destin, qu'elle ne connoît pas, Vient, dit-elle, en Aulide interroger Calchas. Déja de leur abord la nouvelle est semée; Et déja de soldats une foule charmée, Sur-tout d'Iphigénie admirant la beauté, Pousse au ciel mille vœux pour sa félicité. Les uns avec respect environnoient la reine; D'autres me demandoient le sujet qui l'amene : Mais tous ils confessoient que si jamais les dieux Ne mirent sur le trône un roi plus glorieux,

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Egalement comblé de leurs faveurs secretes,
Jamais pere ne fut plus heureux que vous l'êtes.

AGAMEMNON.

Eurybate, il suffit ; vous pouvez nous laisser :
Le reste me regarde, et je vais y penser.

SCENE V.

AGAMEMNON, ULYSSE.

AGAMEMNON.

Juste ciel, c'est ainsi qu'assurant ta vengeance
Tu romps tous les ressorts de ma vaine prudence!
Encor si je pouvois, libre dans mon malheur,
Par des larmes au moins soulager ma douleur !
Triste destin des rois ! Esclaves que nous sommes

Et des rigueurs du sort et des discorrs des hommes, Nous nous voyons sans cesse ass égés de témoins; Et les plus malheureux osent pleurer le moins.

ULYSSE.

Je suis pere, seigneur, et foible comme un autre:
Mon cœur se met sans peine en la place du vôtre;
Et, frémissant du coup qui vous fait soupirer,
Loin de blâmer vos pleurs, je suis près de pleurer.
Mais votre amour n'a plus d'excuse légitime;
Les dieux ont à Calchas amené leur victime:
Il le sait, il l'attend; et, s'il la voit tarder,
Lui-même à haute voix viendra la demander.
Nous sommes seuls encor: hâtez-vous de répandre
Des pleurs que vous arrache un intérêt si tendre;
Pleurez ce sang, pleurez : ou plutôt, sans pâlir,
Considérez l'honneur qui doit en rejaillir.

Voyez tout l'Hellespont blanchissant sous nos rames,
Et la perfide Troie abandonnée aux flammes,
Ses peuples dans vos fers, Priam à vos genoux,
Helene par vos mains rendue à son époux:

A l'aspect d'un bonheur dont je ne puis joui?
Je vois Iphigénie entre les bras d'un pere;
Elle fait tout l'orgueil d'une superbe mere:
Et moi, toujours en butte à de nouveaux dangers,
Remise dès l'enfance en des bras étrangers.
Je reçus et je vois le jour que je respire
Sans que niere ni pere ait daigné de sourire.
J'ignore qui je suis, et pour comble d'horreur
Un oracle effrayant m'attache à mon erreur,
Et, quand je veux chercher le sang qui m'a fait
naître,

Me dit que sans périr je ne me puis connoître.

DORIS.

Non, non; jusques au bout vous devez le chercher.
Un oracle toujours se plaît à se cacher;

Toujours avec un sens il en présente un autre:
En perdant un faux nom vous reprendrez le vôtre,
C'est là tout le danger que vous pouvez courir;
Et c'est peut-être ainsi que vous devez périr.
Songez que votre nom fut changé dès l'enfance.

RIPHILE.

Je n'ai de tout mon sort que cette connoissance;
Et ton pere, du reste infortuné témoin,
Ne me permit jamais de pénétrer plus loin.
Hélas! dans cette Troie où j'étois attendue,
Ma gloire, disoit-il, m'alloit être rendue:
J'allois, en reprenant et mon nom et mon rang,
Des plus grands rois en moi reconnoître le sang.
Déja je découvrois cette fameuse ville.
Le ciel mene à Lesbos l'impitoyable Achille :
Tout cede, tcut ressent ses funestes efforts;
Ton pere, enseveli dans la foule des morts,
Me laisse dans les fers à moi-même inconnue ;
Et de tant de grandeurs dont j'étois prévenue,
Vile esclave des Grecs, je n'ai pu conserver
Que la fierté d'un sang que je ne puis prouver.

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