Obrazy na stronie
PDF
ePub

pendant tant d'années, la paroisse de Notre-Dame-desVictoires avait vu s'éteindre dans son sein presque tout sentiment, presque toute idée religieuse; son église était déserte, même aux jours des plus grandes solennités; les sacrements, les pratiques religieuses étaient abandonnés, rien ne semblait devoir mettre un terme à ce déplorable état, qui avait déjà dix années d'existence, quand tout à coup la miséricorde divine éclate, et la grâce du Seigneur vient féconder un désert frappé de la plus affreuse stérilité.

Le troisième dimanche de l'Avent, 11 décembre 1836, nous annonçâmes au prône de notre grand'messe, que le soir à sept heures nous célébrerions un office de dévotion pour implorer de la miséricorde divine, par la protection du Cœur de Marie, la grâce de la conversion des pécheurs. Nous exhortâmes les assistants à y venir. Il y avait si peu de monde présent, et, dans ce petit nombre, tant qui ne pourraient pas y venir, que nous n'attendions pas un grand résultat de cette convocation. Nous n'avions pas même la ressource d'espérer que la nouvelle s'en répandrait au dehors; car dans cette paroisse, où l'on ne parie que d'argent et de plaisirs, jamais on ne s'entretenait dans les familles de ce qui se passait ou se disait à l'église. Nous descendîmes de chaire inquiet et affligé. La divine bonté daigna relever notre courage abattu. Nous fûmes suivis en rentrant dans la sacristie par deux négociants, pères de famille, nos paroissiens, que nous n'avions guère l'habitude de voir à l'église. Tous deux nous proposèrent d'entendre leur confession, tous deux ont persévéré, et sont aujourd'hui des chrétiens édifiants. Voilà nos premières conquêtes, et c'est par elles que la miséricorde divine préludait aux grâces innombrables et prodigieuses qu'elle nous destinait.

Pendant tout le jour nous flottions entre la crainte, l'inquiétude et quelques lueurs d'espérance; nous calculions ce que nous pourrions avoir de fidèles à l'office; nous n'osions pas pousser nos conjectures au delà des nombres cinquante ou soixante, et voilà qu'à sept heures du soir nous trouvons dans l'église une réunion de quatre à cinq cents personnes. Jamais, excepté aux offices de Noël et de Pâques, nous n'en avions vu autant. Et dans cette assistance, un nombre considérable d'hommes. Qui les avait amenés? La plupart ne savaient pas de quoi il s'agissait. Peut-être la surprise devoir l'église ouverte contre l'usage à une heure aussi tardive. Les vêpres de la sainte Vierge furent entendues avec franquillité, mais avec indifférence. On ne savait pas pourquoi on était là. Elles furent suivies d'une instruction explicative des motifs et du but de la réunion, qui fut écoutée avec attention et recueillement. L'impression qu'elle avait faite se manifesta bientôt; car cette foule de fidèles qui n'avait point semblé prendre part à l'office des vêpres, chanta avec sentiment et effusion de cœur les prières du salut. Il y eut surtout un redoublement d'ardeur pendant les litanies au chant de l'invocation, Refugium peccatorum, qui fut spontanément chanté trois fois, au Parce Domine. Nous étions à genoux devant le Très-Saint Sacrement. A ces cris de repentir et d'amour, notre cœur tressaillit de joie; nous levâmes nos yeux baignés de larmes vers l'image de Marie, et nous osâmes lui dire : << O ma bonne « mère! vous les entendez ces cris de l'amour et de la <«< confiance; vous les sauverez ces pauvres pécheurs qui vous appellent leur refuge. O Marie! adoptez «< cette pieuse association; donnez-m'en pour signe la «< conversion de M. Joly; j'irai demain chez lui en « votre nom. »

[ocr errors]

confier nos espérances ne les partageaient pas; ils pensaient bien que quelques âmes ferventes s'uniraient à nous; ils prévoyaient que nous pourrions avoir une centaine d'associés; et nous-même, dans l'exaltation de notre espérance, nous ne croyions pas aller beaucoup au delà.

L'ouverture du registre de l'Association cut lieu, comme Mgr l'Archevêque de Paris l'avait ordonné, le 12 janvier. Dix jours après, deux cent quatorze associés étaient inscrits, presque tous habitant la paroisse. C'était déjà beaucoup plus qu'on n'eût osé espérer en si peu de jours. Bientôt des habitants des autres paroisses de Paris vinrent se réunir à ce petit troupeau. Mais ce à quoi nous ne pouvions penser, c'est l'extension subite et prodigieuse qu'a prise cette œuvre qui ne semblait devoir être que paroissiale, et par conséquent faible et chétive, à raison du terrain où elle avait pris naissance. C'est ici surtout que la protection, l'action de la divine Marie, sont sensibles et palpables. Ce n'était plus Paris seulement qui présentait des fidèles qui associaient leurs hommages au très-saint et immaculé Cœur de Marie pour obtenir, par ses mérites, la conversion des pécheurs; il y eut bientôt peu de diocèses en France qui ne comptassent parmi leurs fidèles des associés au saint Cœur de Marie.

Depuis le 11 décembre 1836, les offices de l'Archiconfrérie ont été célébrés sans interruption tous les jours de dimanches et de fètes chômées, les fêtes de la sainte Vierge et celles propres de l'Archiconfrérie ; ces offices ont lieu en tout temps à sept heures du soir. Ils consistent dans le chant populaire d'un cantique français qui sert de prélude à l'office, lequel consiste dans le chant des vêpres de la sainte Vierge; ensuite la prédication, précédée de quelques strophes d'un can

[ocr errors]

tique d'invocation au Saint-Esprit; à la prédication succède la recommandation des pécheurs. Quand nous commençâmes à célébrer ces offices, nous réclamions de temps en temps les prières des associés en faveur de pécheurs qui nous étaient connus, de malades en danger. Les fidèles remarquèrent cette pratique, et leur charité s'empressa de nous fournir abondamment tous les dimanches et fêtes l'occasion de l'exercer. Effectivement, tous les jours de réunions, des milliers de recommandations nous sont arrivées, elles nous viennent de toutes les parties du monde. Elles comprennent toutes les misères, les afflictions spirituelles et temporelles, tous les maux qui accablent l'humanité, tous les besoins de l'Église et toutes les nécessités de la société humaine. Les fidèles écoutent avec un grand intérêt ces recommandations, qui sont pourtant toujours les mêmes, car il n'y a que le nombre des nécessiteux qui varie. Ils prient avec ferveur, et Dieu récompense la foi, la charité de ces pieux avocats des pécheurs. Des grâces innombrables de conversions, de guérisons, d'autres faveurs spirituelles et temporelles sont accordées aux prières des associés. Nous en avons le témoignage chaque semaine; il ne s'en écoule pas une où nous ne recevions 30, 40, 50 et même 70 lettres dans lesquelles on nous apprend des conversions, des guérisons inespérées, que l'on nous assure avoir été obtenues par les prières de l'Archiconfrérie à qui elles avaient été recommandées, pour lesquelles on demande des actions de grâces. Quelquefois on nous annonce que ces conversions, ces guérisons ont été opérées au moment même où l'Archiconfrérie priait à cet effet. A ces recommandations succèdent des avis pieux que le directeur donne à l'assemblée. Pendant cette partie de l'exercice qui dure environ une heure,

durant laquelle l'attention s'est continuellement et admirablement soutenue, les fidèles, pour se détendre l'esprit et se préparer à la bénédiction du Très-Saint Sacrement, chantent un cantique de louanges à Marie. L'office se termine par le Salut, auquel on chante le Tantum ergo, les litanies de la sainte Vierge, trois fois le Parce Domine, et les oraisons analogues. Après la bénédiction, on chante trois fois l'Adoremus, et on récite à haute voix un Pater et un Ave avec l'invocation, Sancta Maria, refugium Peccatorum, ora pro nobis, et les fidèles se retirent en chantant encore un cantique en l'honneur de Marie.

Voilà de quoi se compose notre office; mais il faut y avoir assisté, avoir été témoin de l'empressement des fidèles à s'y rendre. Souvent, une demi-heure après qu'il est commencé, les portes sont obstruées, l'église est si pleine qu'on ne peut plus y entrer. Il faut avoir contemplé ce spectacle, si rare de nos jours, d'une foule innombrable d'hommes, de femmes, de jeunes gens réunis dans une église, à quelle heure? à l'heure des plaisirs, des dissipations si faciles et si séduisantes à Paris; y restant deux heures et demie, occupant tous les coins de cette église, envahissant souvent le chœur et les sanctuaires, la plupart dans la position la plus gênée; car nous ne pouvons pas fournir assez de siéges à une assemblée aussi nombreuse. Il faut avoir vu le maintien, le recueillement, la piété qu'expriment les visages pendant ce saint office. Il faut avoir entendu ces louanges de Marie, ces supplications pour les pécheurs qui se chantent au fond du chœur, et qui se répètent par toutes les bouches dans toute l'étendue de l'église, et jusque dans ses coins les plus reculés. Il faut avoir remarqué l'attention, le tendre intérêt que respirent toutes ces physionomies, les larmes

« PoprzedniaDalej »