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venait. Enfant de troupe, bercé dans les camps et élevé dans une école militaire de l'empire, son éducation n'avait eu rien de religieux. Il avait bien pensé quelquefois à se faire baptiser, mais il n'y mettait pas un très-grand prix; d'ailleurs, ses occupations, les distractions, l'agitation de sa vie ne lui en faisaient pas trouver le temps.

Pendant son séjour de quelques mois à Paris, il y pensa encore; mais privé de toute instruction et presque de tout sentiment religieux, il ne regardait cet acte que comme une simple formalité qui pouvait avoir son utilité dans le cours de la vie civile. Il parla de son désir à Mgr de Forbin-Janson, évêque de Nancy, qui nous l'adressa vers le milieu du mois de juillet 1837. Nous essayâmes de lui faire sentir la nécessité de s'instruire des vérités de la foi, des obligations qu'il contracterait. en recevant le baptême; nous lui proposâmes des livres et une conférence plusieurs fois par semaine pour lui expliquer ce qu'il aurait étudié. Tout cela l'étonna beaucoup et ne fut pas loin de le rebuter. Il nous répondit qu'il était instruit, qu'il avait entendu parler bien des fois de la religion. Nous eûmes en effet occasion de nous assurer que son bon sens lui avait fait deviner la nécessité de l'existence de Dieu, qu'il savait qu'il n'était pas chrétien; mais c'était tout. Car, des mystères et des sacrements, il en ignorait même les noms. Il nous quitta un peu refroidi. Nous ne le revîmes qu'une fois dans le cours du mois d'août, il nous pressa alors de terminer ce qu'il appelait son affaire. Nous lui rappelâmes nos conditions. Il se retira mécontent. Nous croyions ne plus le revoir; mais la divine bonté avait des desseins d'une miséricorde spéciale sur lui.

Le dimanche 3 septembre, au moment où le prédi

cateur montait en chaire, à sept heures et demie du soir, cet officier traversait la place des Petits-Pères, il voit deux femmes entrer dans l'église Notre-Dame-desVictoires, il les suit machinalement et arrive devant l'autel du Saint Coeur de Marie. Le prédicateur, en racontant la jeunesse de saint Augustin, parle de Tagaste, d'Hippone, de Charthage; ces noms ne lui sont point inconnus, il revient d'Alger, cela l'intéresse. Au départ de l'Afrique pour Rome, son attention redouble; il a fait les guerres d'Italie. A la fin de l'office, le curé, n'ayant point de pécheur à recommander spécialement, se sentit inspiré de recommander à la dévotion des fidèles, pendant la prière publique qu'on allait faire pour les pécheurs, l'âme de la personne présente dans l'assemblée qui avait le plus besoin de la grâce de la conversion. Le capitaine était encore là, ému, ébranlé par tout ce qu'il venait de voir et d'entendre, cette dernière circonstance le frappa vivement. Il tomba à genoux, il pria; il n'en avait peut-être jamais fait autant. Mais laissons-le lui-même nous rendre compte des impressions par lesquelles la douce et toute-puissante grâce du Seigneur commença à agiter son cœur.

Le fundi 4 septembre, il vint nous trouver. Sa visite nous étonna. Il nous avait continuellement parlé, dans les deux conférences que nous avions eues ensemble, de l'obligation pressante où il était de rejoindre son corps. Nous ne le croyions plus à Paris. « Mon Père, <«< nous dit-il, j'ai été hier soir à la messe dans votre « église; je passais sur la place des Petits-Pères à sept << heures et demie, et je vis entrer deux femmes dans « l'église Je pensais qu'on ne disait plus de messe à «< cette heure-là, je voulus voir ce qu'elles allaient << faire. J'entrai par curiosité; vous montiez dans la << chaire, vous avez parlé d'Hippone, de Carthage, ces

« villes étaient sur la côte d'Afrique; j'en ai entendu << parler pendant que j'étais à Alger. Cela m'intéressa « beaucoup. Quand saint Augustin partit d'Afrique << pour aller en Italie, je dis: Ah! voyons s'il a été dans « des villes que je connais, car j'ai été dans toute l'Ita« lie, j'étais avec mon père à toutes les campagnes, « j'étais soldat à quatorze ans. J'ai été souvent à Rome; « j'ai demeuré longtemps à Milan. Vous avez parlé de << saint Ambroise, j'ai vu son tombeau. J'ai eu souvent << des rapports avec l'archevêque de Milan, j'ai été bien « des fois chez lui. J'ai tout entendu avec un grand in<< térêt; mais ce qui m'a le plus frappé, c'est que saint << Augustin converti se disposa à recevoir le baptême, « et que, pour s'y préparer, il se retira à Cassi pour y « faire une retraite et s'exercer à la pénitence. Je con« nais Cassi, c'est un petit village à la porte de Milan, << rempli de guinguettes où on va le dimanche pour << s'amuser comme aux barrières de Paris. Je me dis: << Ah! je connais Cassi, j'y ai été bien des fois pour dan<«< ser, pour m'amuser, et tout de suite je pensai : saint << Augustin y allait pour faire pénitence et se préparer « à son baptême, et moi j'y allais pour m'amuser et me « livrer à mes passions, et je ne suis pas baptisé, je ne « suis pas chrétien. De ce moment il me vint une foule « de pensées dont je ne pouvais pas me débarrasser : « je me souvenais de tous les dangers de ma vie que << j'avais courus dans les batailles. Je me disais : « Qu'est-ce que je serais devenu si j'étais mort sans <«< avoir reçu le baptême? La sueur m'en venait au « front. Je fus un moment sans entendre, car mes pen«sées m'avaient ôté le fil du discours. Je me remis et << j'écoutai bien ce que vous dites de la vie de saint Au<< gustin après son baptême. Ce qui m'étonne, c'est « que je n'avais jamais pensé à tout cela. Quand vous

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<< avez recommandé aux prières celui de l'assemblée << qui en avait le plus de besoin, je pensai tout de suite << que cela me regardait; je me disais : C'est toi, tu n'es « pas chrétien, tu n'es pas l'enfant de Dieu. Je me mis «< à genoux et priai Dieu de tout mon cœur. Je lui de<< mandai de me faire recevoir le baptême, je lui pro<< mis d'être chrétien comme saint Augustin. Quand je « sortis de l'église, des camarades m'attendaient au « Palais-Royal, nous devions passer la soirée ensemble << à la Rotonde; je m'y rendais quand j'entrai dans l'é<< glise, mais je n'étais plus d'humeur d'y aller. Je suis « rentré dans ma chambre et je me suis couché. Je n'ai << pas fermé l'œil de la nuit, je n'ai pensé qu'à cela. Je << suis bien aise à présent que vous ne m'ayez pas bap«tisé quand je vous l'ai demandé, cela ne m'aurait « rien valu, je ne savais pas ce que c'était. A présent « j'y ai réfléchi et je vois que pour être bon chrétien il «faut que je me corrige de mes mauvaises habitudes et << que je soumette mes passions. Hé bien, je le ferai, parce « que je veux être chrétien comme saint Augustin. »>

Nous lui fimes facilement sentir la nécessité de s'instruire des principes, des vérités de la foi, et nous convînmes que jusqu'à ce qu'il le fût assez pour recevoir le baptême et faire sa première communion, il étudierait les livres que nous lui prêterions, et viendrait tous les jours conférer avec nous sur ce qui aurait fait le sujet de son étude. Nous lui donnâmes à lire l'excellent Catéchisme de Couturier. Il étudia avec zèle, et vint exactement tous les jours conférer avec nous pendant une heure, depuis le 4 septembre jusqu'au samedi 17 septembre.

Il nous fallut arrêter là le cours de nos instructions; d'abord il avait acquis l'instruction suffisante, et puis son congé expirait, et il devait quitter Paris le jeudi suivant. Le samedi 17 septembre nous lui donnâmes,

sous condition, le sacrement de baptême. Cette céré– monie se fit sans aucun apparat. Nous crûmes, à raison de sa profession militaire, ne devoir admettre ni parrain ni marraine. Nous lui servîmes de parrain et nous n'eûmes d'autre témoin que notre sacristain.

Il nous serait difficile de rendre compte des sentiments qui remplissaient notre cœur pendant que nous administrions ce sacrement. Il était si doux pour nous d'ouvrir la porte du salut éternel à un infidèle que la miséricorde divine et la protection de l'auguste Marie nous avaient accordé la grâce d'enfanter de nouveau à Jésus-Christ; mais notre joie s'augmentait encore par la vue du maintien recueilli et si religieux de notre néophyte. De douces larmes coulèrent continuellement de ses yeux pendant la cérémonie, sa figure martiale s'impressionnait de tous les sentiments que lui inspiraient chacun des actes qui composent la cérémonie du baptême. Il en comprenait le sens, nous le lui avions fait étudier dans l'explication qu'en a donnée le savant abbé Duclot. Avec quelle fermeté il répondait aux questions par lesquelles nous lui faisions contracter les saints engagements du chrétien! et quand nous en vînmes à cette question: Renoncez-vous aux œuvres de Satan? nous vîmes ses traits exprimer une sévère indignation. « Oui, mon père, dit-il, j'y renonce, et je jure « devant Dieu qui est ici présent, » et frappant un grand coup de poing sur la table, « de faire tous mes « efforts pour ne jamais retomber dans ces péchés qui « ont offensé Dieu et qui m'ont déshonoré. » A la question s'il croyait en Dieu le Père tout-puissant, en JésusChrist son Fils unique, au Saint-Esprit, à la sainte Église catholique, sa figure prit un caractère de réflexion et de fermeté, et il dit : « Oui, mon père, je << crois fermement en Dieu, mon Créateur, en Jésus

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