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Elle approche. Elle s'eft quelque temps égarée 1)
Dans ces bois, qui du camp femblent cacher l'entrée.
A peine nous avons, dans leur obfcurité,
Retrouvé le chemin que nous avions quitté.

Ciel!

AGAMEMNON.

EURY B A T Ë.

Elle amene auffi cette jeune Eriphile, Que Lesbos a livrée entre les mains d'Achille; Et qui, de fon deftin qu'elle ne connoît pas, Vient, dit-elle, en Aulide, interroger Calchas. 2) Déjà de leur abord la nouvelle est semée; Et déjà, de foldats une foule charmée Sur-tout d'Iphigénie admirant la beauté, Pouffe au ciel mille voeux pour fa félicité.

1) Elle approche. Elle s'eft quelque temps égarée, &c.] La reine & fa fuite, qui se font égarées dans lès bois, n'ont point rencontré Arcas, & ils arrivent au camp. Affurément le moyen eft fort petit: mais il nous femble bien fupérieur à celui dont fe fert le poëte grec.

Il eft à obferver que la lettre d'Agamemnon, qui n'a pu empêcher Clytemneftre & Iphigénie d'arriver en Aulide, n'en fait pas moins d'effet du côté des paffions.

2) Et qui, de fon deftin qu'elle ne connoît pas,

Vient, dit-elle, en Aulide interroger Calchas. ]

Interroger de, eft un tour latin. Interroger fur, qui a prévalu eft un tour grec. Ce vers motive très-bien l'arrivée d'Ériphile.

Les uns, avec refpect, environnoient la reine ; 1)
D'autres me demandoient le fujet qui l'amene.
Mais tous ils confeffoient que, fi jamais les dieux
Ne mirent fur le trône un roi plus glorieux,
Également comblé de leurs faveurs secretes,
Jamais pere ne fut plus heureux que vous l'êtes. 2)
A GAME M N O N.

Eurybate, il fuffit. Vous pouvez nous laiffer.
Le reste me regarde, & je vais y penfer.

1) Les uns, avec respect, environnoient la reine, &c.] L'envoyé, chez le poëte grec, fait un détail bien plus naïf du mouvement qu'a occafionné l'arrivée d'Iphigénie dans l'armée. Cette nouvelle, dit-il, s'eft répandue rapidement parmi les troupes; toute l'armée, charmée de la nouveauté de ce fpectacle, a couru au devant d'Iphigénie, &c. Il lui raconte même les difcours qu'on tenoit à ce fujet. Les uns difent: eft-ce qu'on fe prépare à la marier? Quel est l'objet de tout ce mouvement? Est-ce qu'Agamemnon, ennuié de ne la pas voir, n'a pu fe paffer de la faire venir auprès de lui? D'autres prétendent qu'on va la préfenter à Diane, déeffe tutélaire de l'Aulide, &c. Iphigénie, acte II. fcene 111.

2) Également comblé de leurs faveurs fecretes,

Jamais pere ne fut plus heureux que vous l'êtes.] Faveurs fecretes, poétiquement pour faveurs particulieres. Remarquez qu'on félicite Agamemnon de fon bonheur à l'instant même où, comme pere, il est le plus infortuné des, hommes.

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SCENE V.

AGAMEMNON, ULYSSE.

AGAMEMNON.

JUSTE Ciel! c'eft ainfi qu’affurant ta vengeance, Turomps tous les refforts de ma vaine prudence! 1)

1) Jufte Ciel ! c'eft ainsi qu'assurant ta vengeance,

Tu romps tous les refforts de ma vaine prudence! &c.] Euripide eft ici bien plus touchant que fon imitateur. Hélas! dit Agamemnon, que ferai-je ?... La fortune plus vigilante a rompu toutes mes mefures. Que la médiocrité a d'avantages! Ceux qui font dans un rang obfcur, peuvent pleurer & fe plaindre. Les grands n'ont pas la même ressource... Le peuple nous guide & nous commande; nous sommes fes efclaves. Malheureux que je fuis ! je crains dans mon malheur de verfer des larmes, & je rougis de retenir mes pleurs... Que dirai-je à mon épouse?... Comment la recevrai-je? De quel œil l'aborderai-je ?... Elle m'a perdu en arrivant ici fans y être attendue... Mais elle ne pouvoit guere se difpenfer de fuivre fa filbe; c'étoit à elle à célébrer fon hymen, à lui préfenter l'époux qui va découvrir toutes mes perfidies. Et toi, fille infortunée... que je te plains !.. Je m'imagine déjà qu'elle me dit, en me fuppliant: mon pere, vous me faites mourir !.. Étoit-ce là l'hymen auquel vous me deftiniez?.. Orefte l'accompagne... Cet enfant ne parle pas encore; mais il me percera le cœur de fes cris... Ah! dans quel abîme de maux le fils de Priam m'a-t-il plongé ! Iphigénie, acte 11. fcene Iv.

2

Encor fi je pouvois, libre dans mon malheur,
Par des larmes, au moins, foulager ma douleur !
Trifte deftin des rois ! Efclaves que nous fommes
Et des rigueurs du fort, & des difcours des hommes,
Nous nous voyons fans ceffe affiégés de témoins,
Et les plus malheureux ofent pleurer le moins,
ULYSSE

Je fuis pere, Seigneur, & foible comme un autre.
Mon cœur fe met, fans peine, en la place du vôtre; 1)

1) Je fuis pere, Seigneur, & foible comme un autre. Mon cœur fe met fans peine en la place du vôtre, &c.] Ulyffe feint d'abord d'être attendri par la fituation où se trouve Agamemnon; mais bientôt il va lui faire une peinture magnifique des avantages que doit produire le facrifice d'Iphigénie. Avec quel art Racine le fait parler!

Dans Euripide, Ménélas, qui vient d'accabler Agamemnon d'injures, change tout-à-coup de langage, & dit d'abord, comme Ulyffe: Dès que j'ai vu vos yeux baignés de larmes, je n'ai pu m'empêcher de vous plaindre & de verfer des pleurs. Iphigénie, acte 11. fcene Iv. Mais au lieu d'affermir enfuite Agamemnon dans la réfolution qu'il a prife de facrifier sa fille, il effaie de lui faire prendre le parti de la fauver. Je ne veux point, dit-il, qu'on ait à me reprocher de vous avoir fait commettre une action cruelle Ceffez de pleurer & de de Calchas a eu votre

m'attendrir par vos larmes. Si l'oracle

Iphigénie en vue..... je vous laiffe le maître de l'intérêt que je dois prendre à fon accompliffement... Faites reprendre la route d'Argos à votre fille, &c. Ibid.

Et, frémiffant du coup qui vous fait foupirer,
Loin de blâmer vos pleurs, je fuis prêt de pleurer.
Mais votre amour n'a plus d'excufe légitime.
Les dieux ont à Calchas amené leur victime:
Il le fçait, il l'attend; &, s'il la voit tarder,
Lui-même, à haute voix, viendra la demander.
Nous fommes feuls encor. Hâtez-vous de répandre
Des pleurs que vous arrache un intérêt fi tendre.
Pleurez ce fang, pleurez. Ou plutôt, fans pâlir,
Confidérez l'honneur qui doit en rejaillir.
Voyez tout l'Hellefpont blanchissant fous nos rames,
Et la perfide Troye abandonnée aux flammes, 1)
Ses peuples dans vos fers, Priam à vos genoux,
Hélene, par vos mains, rendue à fon époux:

1)Voyez tout l'Hellefpont blanchissant fous nos rames,

Et la perfide Troye abandonnée aux flammes, &c.] L'image renfermée dans ces vers, paroît empruntée de l'intermede qui termine le troisieme acte de l'Iphigénie d'Euripide. L'armée des Grecs arrivera donc enfin fur les bords du Simoïs..... Nos foldats aborderont en Phyrgie pour renverser la ville de Troye.... A la vue du dieu des combats, qui paroît porté fur nos vaiffeaux avec l'appareil le plus terrible.... les Troyens fe répandront fur leurs murs.... Mais lorsque le cruel Mars les aura fait inveftir, & dès qu'il aura tranché les jours des princes qui les défendront, il renversera cette ville de fond en comble, il fera verfer des torrents de larmes à toutes les femmes des Troyens, à l'épouse de Priam, à cette Hélene..... qui trahit la foi de fon époux.

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