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CHAPITRE VI.

VIES DU COMTE WITGER ET DES SS. AMALBERGE, REYNELDE, HYDULPHE, AYE, DODON, ABEL, ULGISE

ET AMOLUIN.

Les Saints que la Providence avait préposés au gouvernement de l'abbaye de Lobbes trouvèrent plusieurs imitateurs de leur piété. C'est le propre des serviteurs de Dieu d'attirer à eux tous ceux qui les environnent. Parmi les âmes généreuses qui soutinrent alors les combats de la vertu, il faut citer le comte Witger, son épouse sainte Amalberge et leur fille sainte Reynelde; saint Hydulphe et sainte Aye; saint Dodon; saint Abel; saint Amoluin et saint Ulgise. Ces Saints dont nous allons exquisser la vie, sont avec les abbés Landelin, Ursmer, Ermin et Théodulphe les véritables gloires du monastère de SaintPierre.

LE COMTE WITGER ET SAINTE AMALBERGE.

Quelquefois le nom imposé sur les fonts baptismaux est un indice de la grandeur future de l'enfant qui le porte. L'histoire de la vie des saints est pleine de faits semblables. C'est ce que nous voyons en particulier en la personne de sainte Amalberge1.

1) Il ne faut pas confondre notre sainte Amalberge avec la B. Vierge Amalberge, honorée le 10 juillet, et l'illustre Amalberge ou Amalberte, maitresse des saintes Benoite et Cécile, filles du roi Zuentibold. Cf. Act. SS. Belg., tom. V, p. 482.

Ce nom, qui en langue saxone signifie montagne céleste', peut être regardé comme un présage du degré de perfection auquel elle sut parvenir. Les parents de notre bienheureuse, alliés à la famille du maire du Palais, Pepin de Landen, étaient seigneurs de Saintes3, près de Hal. Divæus dit que c'étaient Walbert et Bertille, qui eurent pour filles Aldégonde et Waudru; mais rien, dans les actes de ces deux saintes, ne permet de croire, qu'elles aient eu Amalberge pour sœur. Gilles Waulde va plus loin; il donne une généalogie, d'après laquelle Amalberge descendrait du roi Pharamond. Privée de ses parents dans un âge encore tendre, notre sainte donna dans l'ad

1) Amal, ciel, dont le flamand a tiré hemel, et berg, montagne. Ce nom paraît avoir subi dans la suite des temps diverses modifications. Dans les siècles passés, comme de nos jours, lorsqu'on donnait à un enfant un nom formé de plusieurs syllabes, les habitants des provinces Belgiques employaient un diminutif correspondant à ce nom. C'est ainsi qu'au lieu d'Amalberge ils prononçaient Amal, Amel, Amale. A raison de cette apocope, le nom d'Amalberge tomba en désuétude. Plus tard, on adoucit la prononciation de ces diminutifs, et l'on dit Amalia, Amelia, en français, Amélie. Telle est l'opinion de certains philologues sur l'origine du nom d'Amélie donné dans nos contrées à un grand nombre de femmes. Cf. Act. SS. Belgii, tom. IV, p. 627.

2) L'auteur de la vie de sainte Amalberge publiée dans les Act. SS. Belgii, tom. IV, p. 639, donne à Pepin de Landen le titre de frère d'Amalberge. D'après Gilles Waulde, p. 279, il serait son oncle.

3) Il est inutile de discuter la question si le village qu'on appelle Saintes, a reçu ce nom en mémoire de sainte Reynelde ou s'il était déjà ainsi désigné au temps de sainte Amalberge. Ce n'est là pour nous qu'une question de nom.

4) Rerum Brabanticarum, c. III.

5) Cf. Act. SS. Aldegundis et Waldetrudis, Act. SS. Belg., tom. IV, p. 291 et 414.

6) Gilles Waulde, p. 274.

ministration de ses biens des preuves de rare prudence et d'admirable charité. Loin de tirer vanité du grand nombre de serfs dont elle était entourée, elle se montra toujours attentive à leurs besoins. Elle les consolait dans leurs peines, les soignait dans leurs maladies, leur donnant, avec l'aumône matérielle, un conseil salutaire qui les détachait de la terre, pour les élever à Dieu1. Elle évitait aussi avec soin les plaisirs du monde et les discours légers ou trop libres, qui exposent si souvent la chasteté à un irréparable naufrage2.

Telle était Amalberge au matin de sa vie. Comme le soleil croît toujours en éclat, échauffant et vivifiant la nature, elle croissait en mérites, allumant dans l'âme de ceux qui l'approchaient le feu du divin

amour.

Lorsque Amalberge eut atteint l'âge nubile, ses proches songèrent à lui procurer un époux. La noble vierge aurait voulu suivre le conseil de l'Apôtre, et ne pas diviser son cœur; mais Pepin de Landen, homme d'une rare sainteté, la pressa si vivement de se marier, qu'elle crut entendre par son organe la voix de Dieu. Elle épousa Witger3, de la première noblesse du Brabant.

Quelques écrivains prétendent qu'Amalberge con

1) Familiam pervigili cura, suaviterque tractabat, non quia servorum aut ancillarum numerosa turba... delectaretur. Act. SS. Belg., tom. IV, p. 639.

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2) Non ipsa puellares jocos, non amatoria carmina ac frivola audere, ib.

3) Ce seigneur est quelquefois désigné sous le nom de Wingard. 4) Delw. tom. I, p. 209. Molanus, in Indiculo, Baillet.

tracta deux mariages: le premier avec un seigneur Franc, appelé Théodoric, dont elle aurait en les saints martyrs Gendulf et Venant', et sainte Pharaïlde; le second avec Witger, duquel seraient nés saint Emebert, et les illustres vierges Reynelde et Gudule. D'autres, n'admettant que son seul mariage avec Witger, lui donnent pour enfants Emebert, Reynelde, Pharaïlde, Ermelende et Gudule. Ces opinions ne sont point soutenables. Les actes de saint Gendulf et de saint Venant ne nous apprennent point qu'ils soient les fils de sainte Amalberge, et l'histoire de l'église de Binche dit positivement le contraire. Sainte Ermelende eut pour parents Ermenold et Ermesinde; de plus, elle mourut l'an 5903, c'est-à-dire plus d'un demi-siècle avant la naissance de sainte Gudule, fille cadette de sainte Amalberge; d'où il résulte que ces deux glorieuses vierges n'ont pu être sœurs. Sainte Pharaïlde, comme l'indiquent ses actes, eut pour père Théodoric, seigneur d'une province située aux limites du pays des Francs et de celui nommé plus tard Lotharingie. Enfin, aussi d'après les actes de sa vie, sainte Reynelde eut pour frère saint Emebert et pour unique sœur sainte Gudule*.

1) D'après Henschenius, saint Gendulf, né de parents Bourguignons, vécut au VIIIme siècle, sous Pepin le Bref. Cf. Act. SS. tom. II, mensis Maii.

2) Gilles Waulde, p. 284. Auct. vitae S. Amalbergac ex ms Binchiensi, Act. SS. Belg., tom. IV, p. 639.

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3) Post mortem (Ermelendis) per quadraginta octo annos à cultu saeculi latuit, donec Pipinus, pater S. Gertrudis, sacrum corpus levavit e tumulo. Or, Pepin mourut en 640. Cf. Act. SS. Belgii, tom. II,

pag. 215 et sqq. tom. III, pag. 65 et 152, tom. IV, p. 631.

4) Cf. Act. SS. Belgii, tom. IV, p. 632.

Witger, qui tenait le premier rang parmi les seigneurs de la cour, possédait de vastes domaines, entre autres ceux que l'auteur de la vie de sainte Reynelde appelle Condac, Amniac et Uginiac, noms corrompus qu'il est difficile de rétablir aujourd'hui1. Sa piété n'était pas moindre que ses richesses. Les hagiographes qui en ont parlé, l'appellent un homme sage et prudent, ami de Dieu et des hommes, généreux envers les pauvres, digne à tous égards d'être l'époux de la vertueuse Amalberge2. Dieu bénit leur union en leur accordant trois enfants, qui ceignirent à leur tour la couronne de la sainteté. Emebert qui devint plus tard évêque de Cambrai3, Reynelde dont nous narrons ci-après la vie, et la vierge Gudule que la ville de Bruxelles a choisie pour sa patronne.

On ne peut douter qu'une sainteté si généralement répandue sur les enfants d'une même famille, n'ait été le fruit de l'éducation que leur mère leur avait procurée. Amalberge attirait sans cesse sur eux les

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1) Fuit autem possessio ejus (Witgeri) castrum Condacum et Amniacum, Wginiacumque, cum aliis praediis multis. Vita S. Reineldis, Act. SS. Belgii, tom. IV, p. 648. On croit généralement que Condacum est Contich, entre Malines et Anvers, et non Condé, au confluent de la Haine et de l'Escaut. Sainte Reynelde, comme nous le dirons bientôt, donna à l'abbaye de Lobbes tout son patrimoine; or, cette maison n'a jamais possédé aucun bien à Condé, tandis qu'elle en a eu de considérables à Contich; Amniac est probablement Ham, et Wginiac, Versenau, aujourd'hui Virginal-Samme.

*) Cf. Act. SS. Belg., tom. II, p. 343 et tom. IV, p. 638.

3) Saint Emebert ne succéda point comme évêque de Cambrai à Bertoald, mort en 627, mais à saint Vindicien, mort en 705 ou 712. contre Baldéric. Chron. Camer. lib. I, c. 34.

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