Obrazy na stronie
PDF
ePub

ple qui ne récompense les plus importans services, que par les plus cruels affronts. Les plus grossiers même des Barbares, quoique plongés dans l'abrutissement, et toujours prêts à se vendre, se garderont de combattre pour une nation qui a exercé mille cruautés envers des hommes de leur espèce, pour une nation qui, au lieu de payer aux soldats étrangers ce qui leur était dû, les a fait périr par la main des bourreaux ou de leurs compagnons d'armes, ou les a exposés dans des îles désertes, où ils ont trouvé, non pas simplement la mort, mais une mort précédée de tout ce que l'humanité peut endurer de plus affreux. Voilà, pères conscrits, les raisons d'après lesquelles je pense qu'il ne faut ni accorder la paix aux Carthaginois, ni consentir à l'échange des prisonniers. >>

LXI. Le sénat goûtait assez ce conseil, s'il eût pu le suivre sans en exposer l'auteur. Mais, plus Regulus se montrait disposé à se sacrifier aux intérêts de la république, plus les sénateurs avaient compassion de son sort; et ils paraissaient décidés à rendre à la patrie, à quelque prix que ce fût, un homme rempli d'une telle grandeur d'âme. Déjà même quelques-uns disaient : « Qu'étant de retour parmi ses concitoyens, la loi de réversion l'autorisait à demeurer dans sa patrie, ou du moins permettait qu'on l'y retînt. » Le grand-pontife lui-même affirmait : « Qu'il pouvait rester dans sa patrie, sans se rendre parjure. » Alors Régulus, d'un accent et d'un air qui frappèrent d'étonnement les sénateurs, dit : « Pourquoi ne pas sortir de cette incertitude, Romains, ne pas suivre mon avis, et n'avoir pas le courage de m'abandonuer à mon sort? Vous essayez en vain d'obtenir de moi un consentement que plus tard vous blâmeriez, dont

quod neque jucundum vobis, neque utile patriæ, neque mihi honestum sit futurum. Fortasse dum nova res esset, alacres, et gratantes vobiscum me versari videretis : sed simulatque primi istius gaudii brevis impetus evanuisset, odiosiorem me vobis redderet reditus mei turpitudo, quam absentia mea desiderandum effecisset.

LXII. «< Mihi quidem certum est in ea civitate non degere, ubi post servitutem africanam civis honesti dignitatem tueri non potero; et si maxime vellem, prohiberet fides, prohiberet jurisjurandi sacer horror, numinumque veneratio, quorum invocationem et reditus mei ad Pœnos pignus feci, et si pejerem, pœnæ non a me tantum, sed etiam a vobis populoque romano repetendæ vindicem timeo. Sunt enim profecto aliquid dii, neque perjuriis aut contemtu hominum impune violantur. Si quis vero posse me religione exsolvi autumat esse prodita libris auguralibus hujuscemodi piacula: cærimoniis et victimis perfidiam ac perjurium rite procurari: eum ego meminisse velim, majorem esse majestatem numinum, quam ut pejerando læsa quibuslibet hominum inventis placetur : neque rationi consentaneum, ut maculæ peccatis hominum contractæ, pecorum boumve sanguine ablui credantur.

la patrie ne retirerait aucun avantage, et qui ne pourrait que me couvrir de déshonneur. Au premier moment, peut-être, vous seriez heureux de me voir parmi vous et vous me féliciteriez; mais, aussitôt les courts élans de cette première joie évanouis, la honte de mon retour vous rendrait ma personne plus odieuse que mon absence ne vous l'aurait fait regretter.

LXII. « Pour moi, certes, mon parti est bien pris de ne pas rester dans cette ville, où, après avoir été l'esclave des Africains, je ne pourrais soutenir la réputation d'un digne citoyen; et, quand j'en aurais le plus grand désir, je serais retenu par la parole donnée, par la religieuse frayeur du serment, par le respect des dieux, que j'ai pris pour garans de mon retour chez les Carthaginois, et que, si je me parjurais, je craindrais de voir venger cette perfidie, non-seulement sur moi, mais encore sur vous et sur le peuple romain. Car, l'existence des dieux n'étant point une chimère, les hommes ne deviennent point parjures et ne les méprisent point impunément. Si quelqu'un, par hasard, s'imagine que mon crime pourrait s'effacer par certains actes expiatoires marqués dans les livres auguraux, et que des cérémonies et des victimes suffiraient pour faire disparaître les traces de ma perfidie et de mon parjure, je l'invite à se rappeler que la majesté des dieux est quelque chose de trop grand, pour qu'on puisse, quand on les a offensés en manquant à son serment, les apaiser par quelques pratiques d'invention humaine, et qu'il est contraire à la raison de croire le sang des animaux capable de laver les souillures que les hommes ont contractées par leurs crimes.

:

LXIII. « Ad me quod attinet, scio mihi Carthagine paratos esse cruciatus magnos, exquisita tormenta. Sed his omnibus tristius esse puto fidem fallere. Hoc enim mihi profecto noceret illa magis ad ea, quæ circa M. Atilium sunt, quam ad ipsum referuntur. Nolite calamitosum existimare, quisque ferre calamitatem potest. Servitutem, contemtum, dolorem, inediam, vigilias, quum mala nunquam putaverim, post tanti temporis assuetudinem etiam molesta credere desii. Tolerabilia enim esse, tolerando didici : quod si supra quam ab homine ferri possint, intendantur, non ab illa tantum, sed ab omni miseria me cita mors liberabit. Nihil igitur timendum esse video mortem non timenti, quam etiam occupare licet; et fecissem, nisi veri esset, vincere potius dolorem, quam effugere. Sed hæc pauca et confusa ideo dixi, ut vos neque dimoveri me posse a sententia sciretis; neque vicem meam velut hominis infelicis et calamitosi misereremini mihi vero mei consilii tota ratio facilis et constans est; nam ut Carthaginem revertar, id mihi debet esse curæ : quid passurus ibi sim, erit diis.» Aiunt etiam, quo efficacius moveret dubitantes, confirmasse, « priusquam Carthagine dimissus esset, sibi venenum punica fraude datum, quod lenta peste spiritus vitales exedens, facta permutatione restitutum suis consumeret. >>

LXIII. «Quant à moi, je sais qu'on me prépare à Carthage de grands supplices, des tourmens recherchés; mais l'idée de tous ces maux m'afflige moins que celle de manquer à ma parole. Car le manque de foi me nuirait certainement à moi, tandis que le reste regarde plutôt ce qui environne M. Atilius que sa personne même. Ne regardez point comme malheureux quiconque a la force de supporter le malheur. N'ayant jamais considéré la servitude, le mépris, la douleur, la faim, les veilles comme de vrais maux, accoutumé depuis si long-temps à les endurer, j'ai même cessé de les trouver à charge; car j'ai appris, en les supportant, qu'ils n'étaient pas insupportables. Que si on les étend au delà des forces humaines, une prompte mort m'en délivrera, ainsi que de toutes les autres misères de la vie. Je ne vois donc nullement

ce que peut craindre celui qui ne craint pas la mort, même une mort que l'on peut hâter; et je l'aurais fait, si le propre de l'homme courageux n'était pas plutôt de vaincre la douleur que de la fuir. Ce que je viens de vous exposer, en ce peu de mots sans ordre, est pour vous apprendre que rien ne me fera changer de sentiment, et que vous ne devez pas vous attendrir sur mon sort, le considérant comme celui d'un homme malheureux et à plaindre. Encore une fois, ma résolution porte tout entière sur des motifs faciles à comprendre, et je n'y changerai rien; car je ne dois pas oublier qu'il est de mon devoir de retourner à Carthage. Quant aux tourmens que l'on m'y réserve, ce sera l'affaire des dieux. >> Quelques-uns même ajoutent que, pour mieux parvenir à décider ceux qui hésitaient, il affirma : « Qu'on lui avait fait prendre perfidement, avant son départ de Carthage, un poison lent, qui ne lui permettait pas

« PoprzedniaDalej »