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XI. Cette expédition ne laissait pas de mécontenter beaucoup une grande partie de l'armée, qui envisageait avec effroi une longue navigation, un rivage couvert d'ennemis, et jusqu'au nom même de l'Afrique. Un tribun des soldats, Mannius, avait long-temps refusé d'obéir. Mais Regulus s'emporta contre lui à tel point, qu'il le menaça des verges et de la hache, s'il n'obéissait. On prit donc enfin le parti d'obéir au consul, et la crainte d'un danger plus prochain et plus grand fit oublier les périls de la navigation. Le promontoire appelé Hermès s'avance du golfe de Carthage assez loin dans la mer de Sicile. Ce fut là que les premiers vaisseaux des Romains abordèrent. Ils s'y arrêtèrent un peu, pour attendre le reste de la flotte; et ensuite les consuls, longeant la côte de l'Afrique, gagnèrent la ville de Clupée. Là s'opéra le débarquement des légions; et, après qu'on eut fait entrer les vaisseaux dans le port, on les entoura du côté de la terre d'un fossé et d'une palissade, pour qu'ils fussent plus en sûreté. Comme la ville refusait de se rendre, on l'assiégea; et la crainte ayant porté aussitôt les habitans soit à la livrer, soit à l'abandonner (car les historiens ne sont pas d'accord là dessus), elle tomba au pouvoir des Romains.

XII. Les Carthaginois, quoiqu'il leur semblât trèsdur de se voir attaqués dans leur pays, ce à quoi ils n'étaient pas accoutumés, se félicitaient pourtant de se trouver dans une situation un peu moins critique que celle qu'ils avaient redoutée; car ils avaient craint, en apprenant l'issue du combat naval, que l'armée victorieuse ne se dirigeât de suite sur Carthage même. Aussi, à peine remis de leur première frayeur, ils s'appliquèrent à rassembler des troupes pour mettre leur ville et

Consules interea missis Romam nuntiis, qui et res hactenus gestas docerent, et de instantibus sententiam patrum exquirerent, Clupeam muniunt, ut ea sede belli uterentur; præsidioque ad urbis et agri custodiam imposito, cum ceteris omnibus copiis longius progressi, cultissimam regionem, utpote quæ post Agathoclis tempora ferrum hostile non viderat, perpopulantur: villas magnificas multas destruunt: magnam quadrupedum prædam, hominum præterea supra viginti millia abducunt, nemine prohibere auso. Oppida quoque multa vi aut deditione capiunt : in his perfugarum aliquem numerum deprehendunt, magnamque vim captorum proximis bellis civium romanorum liberant : quos inter et Cn. Cornelium fuisse crediderim, qui proximo post biennio consul iterum factus est.

XIII. Dum hæc aguntur, qui Romam a consulibus missi fuerant, cum mandatis senatus revertuntur. Jubebatur autem « alter eorum in Africa manere cum ea parte virium, quam retineri ex republica judicassent; alter ceteram classem et copias Romam reducere. » Sic imminente jam hieme, mansit M. Regulus cum quindecim ferme peditum millibus, equitibus quingentis, et navibus quadraginta classem reliquam mancipiis et præda onustam L. Manlius Siciliæ litora tuto prætervectus in Urbem reportavit. Septem et viginti millia

ses environs à l'abri des attaques de l'ennemi. Cependant les consuls, après avoir envoyé à Rome informer le sénat de ce qu'ils avaient fait jusqu'alors, et prendre son avis sur ce qu'ils devaient faire ensuite, fortifièrent Clupée, pour en faire leur place d'armes ; puis, y ayant laissé un corps de troupes pour garder la ville et son territoire, ils pénétrèrent avec tout le reste de l'armée dans l'intérieur du pays, en ravagèrent la plus belle partie, qui, depuis le temps d'Agathocle, n'avait point vu le fer de l'ennemi, détruisirent un grand nombre de superbes métairies, enlevèrent une grande quantité de bétail, et firent plus de vingt mille prisonniers, sans rencontrer la moindre résistance. De plus, ils prirent de vive force, ou reçurent à composition plusieurs villes, dans lesquelles ils trouvèrent quelques déserteurs, mais un bien plus grand nombre de prisonniers romains faits dans les dernières guerres, et qu'ils délivrèrent. Parmi eux se trouvait, je crois, Cn. Cornelius, qui, deux ans après, fut élevé au consulat pour la seconde fois.

XIII. Pendant ces opérations, ceux que les consuls avaient envoyés à Rome revinrent avec les ordres du sénat. Ces ordres portaient « que l'un des consuls resterait en Afrique avec la quantité de forces qu'ils y jugeraient nécessaire pour le bien de la république; et que l'autre ramènerait à Rome le reste de la flotte et des troupes.» Ainsi, comme on était au bord de l'hiver, M. Regulus resta avec environ quinze mille fantassins, cinq cents cavaliers et quarante vaisseaux; et L. Manlius, après avoir longé sans péril les côtes de la Sicile, ramena à Rome le reste des vaisseaux chargés de prisonniers et de butin. Je trouve que le nombre des prison

captivorum ab hoc Romam deducta reperio, navalemque de Pœnis decretum ei triumphum esse. Post hæc Serv. Fulvius M. F. M. N. Pætinus Nobilior, et M. Æmilius M. F. L. N. Paullus consules facti*. His Sicilia et classis provinciæ decreta: Regulum res in Africa prosperrime gerentem ex medio cursu victoriarum revocari non placuit; jussusque proconsule bellum in Africa administrare.

XIV. Id senatusconsultum nemo accepit ægrius, quam idem ille, cujus in honorem factum fuerat. Igitur litteris ad senatum missis ea de re questus est, interque causas petendi successoris posuit, «< villici sui morte » (is agellum heri, quem habebat in Pupinia, jugerum septem coluerat) <«< mercenarium occasionem nactum, amoto inde instrumento discessisse; quare necessariam esse præsentiam suam, ne rure deserto non esset, unde uxor liberique sui alerentur. >> Decrevitque senatus, « ut ager M. Reguli publice coleretur, res amissæ redimerentur, uxori liberisque ejus alimenta præberentur. » Ii tum mores fuere. Sed ego, quoties hæc atque talia lego tradove, temperare non possum, quin cum animo meo recogitem, quanto sit virtuti firmior a laude, quam ex pecunia merces. Quippe tam multis post ætatibus gloria M. Reguli manet: aliorum opes cum dominis, et sæpe ante ipsos perierunt. * U. C. 497. A. G. 255.

niers qu'il transporta à Rome se montait à vingt-sept mille, et qu'on lui décerna le triomphe naval sur les Carthaginois. On nomma ensuite consuls Ser. Fulvius Pétinus Nobilior et M. Émilius Paullus, auxquels il fut assigné pour départemens la Sicile et la flotte. Quant à Regulus, qui conduisait les choses en Afrique de la manière la plus heureuse, on ne crut pas devoir interrompre le cours de ses victoires en le rappelant, et il lui fut enjoint de continuer la guerre dans ce pays en qualité de proconsul.

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XIV. Personne ne fut plus affecté de ce sénatus-consulte, que celui-là même en l'honneur duquel il avait été rendu. Regulus écrivit donc au sénat pour se plaindre à ce sujet, et, parmi les raisons sur lesquelles il s'appuyait pour demander un successeur, il fit valoir qu'après la mort du fermier (celui-ci avait jusque là pris soin d'un petit champ de sept arpens qu'il possédait dans le territoire de Pupinie), le mercenaire chargé de cultiver sa petite terre, profitant de l'occasion, s'était enfui, et avait emporté les instrumens aratoires; qu'ainsi sa présence était nécessaire, de peur que, son champ demeurant abandonné, il n'eût plus de quoi nourrir sa femme et ses enfans. » Le sénat décréta : « Que le champ de M. Regulus serait cultivé aux dépens de la république, que les objets qu'il avait perdus seraient rachetés, et qu'on pourvoirait à la subsistance de sa femme et de ses enfans. » Telles étaient les mœurs d'alors. Pour moi, toutes les fois que je lis ou que j'écris des faits de cette nature, je ne puis m'empêcher de considérer en moi-même combien la gloire est pour la vertu une récompense plus solide que l'argent. En effet, après un si grand nombre d'années, la gloire de M. Regulus

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